L’analyse préparatoire [1] a rendu accessible une multiplicité de phénomènes, qui, à quelque degré qu’il se concentre sur la totalité structurelle fondative du souci, ne doit pas échapper au regard phénoménologique. En tant qu’elle est articulée, la totalité originaire de la constitution du Dasein exclut si peu une telle multiplicité qu’au contraire elle l’exige. L’originarité de la constitution d’être ne coïncide pas avec la simplicité et l’unicité d’un élément constitutif dernier. L’origine ontologique de l’être du Dasein n’est pas « moindre » que ce qui en jaillit, mais, d’emblée, elle l’excède en puissance, et tout « jaillir », dans le champ ontologique, est dé-génération. La percée ontologique jusqu’à l’« origine » ne s’achemine donc pas vers des « évidences » ontiques pour le sens commun ; à elle, au contraire, s’ouvre le caractère problématique de tout ce qui est « évident ».
Pour ramener sous le regard phénoménologique les phénomènes conquis dans l’analyse préparatoire, un renvoi aux stades parcourus par celle-ci sera ici suffisant. La délimitation du souci a résulté de l’analyse de l’ouverture qui constitue l’être du « Là ». La clarification de ce phénomène signifiait l’interprétation provisoire de la constitution fondamentale du Dasein, l’être-au-monde. C’est par la caractérisation de celui-ci que la recherche s’était engagée, afin d’assurer dès le départ, à l’encontre des pré-déterminations ontologiques inadéquates, quoique le plus souvent implicites, du Dasein, un horizon phénoménal suffisant. De prime abord, l’être-au-monde a été caractérisé par rapport au phénomène du monde, ce qui n’empêche que l’explication est partie de la caractérisation ontico-ontologique de l’étant à-portée-de-la-main et sous-la-main « dans » le monde ambiant pour s’acheminer jusqu’au dégagement de l’intramondanéité, afin de rendre visible en celle-ci le phénomène de la mondanéité en général. Cependant, la structure de la mondanéité - la significativité - s’est révélée solidaire de ce vers-quoi le comprendre appartenant essentiellement à l’ouverture se projette - du pouvoir-être du Dasein, en-vue-de-quoi il existe.
L’interprétation temporelle du Dasein quotidien doit prendre pour point de départ les structures où se constitue l’ouverture, à savoir : le comprendre, l’affection, l’échéance et le [335] parler. Les modes de temporalisation de la temporalité à libérer par rapport à ces phénomènes livrent le sol sur lequel déterminer la temporalité de l’être-au-monde. Ce qui ramène de façon nouvelle au phénomène du monde et permet une délimitation de la problématique spécifiquement temporelle de la mondanéité. Cette problématique doit nécessairement se confirmer grâce à la caractérisation de l’être-au-monde quotidien prochain, à savoir la préoccupation échéante-circon-specte. La temporalité de celle-ci rend possible la modification de la circon-spection en accueil a-visant, ainsi qu’en la connaissance théorique qui s’y fonde. La temporalité de l’être-au-monde qui se dégage sous cette figure se manifeste en même temps comme le fondement de la spatialité spécifique du Dasein. La constitution temporelle de l’é-loignement et de l’orientation doit être mise en évidence. Le tout de ces analyses dévoile une possibilité de temporalisation de la temporalité où se fonde ontologiquement l’inauthenticité du Dasein, et conduit à la question de savoir comment doit être compris le caractère temporel de la quotidienneté, le sens temporel de ce « de prime abord et le plus souvent » dont il a été fait jusqu’ici un constant usage. La fixation de ce problème met en évidence que et dans quelle mesure la clarification jusqu’ici atteinte du phénomène est insuffisante.
Le présent chapitre s’articulera donc comme suit : la temporalité de l’ouverture en général (§68) ; la temporalité de l’être-au-monde et le problème de la transcendance (§69) ; temporalité de la spatialité propre au Dasein (§70) ; le sens temporel de la quotidienneté du Dasein (§71).