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Courtine (1990:167-168) – Fragestellung
sexta-feira 7 de julho de 2023
En réalité, les six paragraphes qui dans l’Introduction de Sein und Zeit précèdent la détermination de la phénoménologie comme méthode de la recherche, ne sont pas classiquement destinés à fixer le thème retenu, à poser, comme on dit, le problème dont le livre est censé traiter. Si les paragraphes d’introduction posent une question, c’est justement la question de la position-de-question, la question de la Fragestellung, eu égard à ce qui précisément est « dans l’oubli ». Et par là Sein und Zeit ne se singularise pas seulement par rapport à tous les traités passés ou possibles d’ontologie en ce que cet ouvrage marquerait une étape réflexive supplémentaire ou encore s’engagerait (ce qu’il fait aussi effectivement) dans une nouvelle problématique transcendantale. Non ! La rupture décisive est ailleurs : elle est de méthode, et se déploie à l’intérieur même de la phénoménologie. Le coup d’envoi de Sein und Zeit est phénoménologique, et ceci dès les premiers mots de la première page. Tous les paragraphes d’introduction commandent et appellent le § 7, point culminant de l’ouverture de la Seinsfrage, comme question dont la position et l’élaboration ne sont possibles que phénoménologiquement. Sans doute arrive-t-il à Heidegger, en 1925, dans un cours prononcé à Marbourg (Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs, GA20 , p. 183), de parler de « la phénoménologie telle qu’elle est fondée dans la Seinsfrage ». Mais cela ne signifie en aucun cas un renversement simple du rapport de fondation ou de possibilisation tel que je cherche ici à le souligner. La question de l’être, comme position de la question tombée dans l’oubli, repose entièrement sur le sol [1] de la phénoménologie, sur la possibilité qu’est la phénoménologie d’accéder au sol [2]. Et c’est seulement au terme d’une radicalisation et d’une « critique immanente » du « sens et de la tâche de la recherche phénoménologique » (op. cit., pp. 124 ; 140 s.) que la nécessité peut s’imposer de déployer phénoménologiquement et à neuf la question du sens de l’être en général, et, plus concrètement et à titre préliminaire, la question du « caractère ontologique de l’intentionnel » (pp. 152, 157). C’est pourquoi le § 14 des Prolegomena peut annoncer « l’exposition de la question de l’être à partir du sens, compris de manière radicale, du principe de la phénoménologie ». Les formules décisives de Sein und Zeit (§ 7) reprennent pour l’essentiel, de manière sans doute par trop ramassée, l’acquis de cette « critique immanente » qui est un combat pour le principe et sa radicalisation : « La phénoménologie est le mode d’accès et le mode de détermination légitimante de ce qui doit devenir le thème de l’ontologie. L’ontologie n’est possible que comme phénoménologie » (p. 35 D) [3].
[COURTINE , Jean-François. Heidegger et la phénoménologie. Paris: Vrin, 1990]
Ver online : Jean-François Courtine
[1] C’est la question du sol (Boden) qui est décisive quand il s’agit d’éclairer le rapport de Heidegger à Husserl et la dette ainsi contractée. « Les présentes recherches — écrit Heidegger à la fin du §7 — n’ont été possibles que sur le sol établi par Husserl dont les Recherches Logiques ont frayé la voie à la phénoménologie. » Lors du séminaire de Zähringen, en 1973, Heidegger déclarera encore : « Pour pouvoir déployer la question du sens de l’être, il fallait que l’être soit donné, afin d’y pouvoir interroger son sens. Le tour de force de Husserl a consisté dans cette mise en présence de l’être, phénoménalement présent dans la catégorie. Par ce tour de force… j’avais enfin le sol » (Q. IV, p. 315 ; GA15, p. 378).
[2] Cf. le motif de la « conquête du sol phénoménal » qui court d’un bout à l’autre de SuZ (eg., 207) et corrélativement la critique de la Bodenlosigkeit, comme ce qui menace constamment la phénoménologie (36, etc.).
[3] Prolegomena, p. 184 : « Le questionnement phénoménologique conduit, selon son trait le plus intime, à la question de l’être de l’intentionnel et avant tout devant la question du sens de l’être en général. Ainsi la phénoménologie, quand elle est radicalisée dans sa possibilité la plus propre, n’est rien d’autre que le questionnement, réanimé, de Platon et d’Aristote : la répétition, la re-prise (Wiederergreifen) du commencement de notre philosophie scientifique. »