Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Birault (1978:367-370) – la technique (Technik - techne)

segunda-feira 19 de junho de 2023

Parece claramente que a essência oculta da técnica determina hoje em dia não somente a própria essência da ciência mas ainda a relação do homem a tudo isto que é.

La crise de la métaphysique ou de la philosophie première ne concerne pas une science particulière qui pourrait être la reine, aujourd’hui détrônée mais encore intrigante, de toutes les sciences. Elle concerne la substance même de notre monde, le sol historique de notre existence. En effet, la crise de la philosophie est toujours nécessairement aussi la crise de la science et de la technique européennes et occidentales. Les sciences « sortent » toutes de la philosophie. Elles en sortent en un double sens : elles en procèdent et elles s’en échappent. Les sciences sont tout à la fois incapables de rompre et incapables de penser le rapport spécifique qu’elles entretiennent à leur manière avec la pensée. L’essence de la science moderne repose aujourd’hui dans l’essence de la technique. La technique ne dérive pas de la science, l’essence de la technique gouverne au contraire l’essence de la science contemporaine. Citons ici seulement ces trois propositions de Heidegger :

« 1° La science moderne trouve son fondement dans l’essence de la technique.

« 2° L’essence même de la technique n’est pas quelque chose de technique.

« 3° L’essence de la technique n’est pas une puissance seulement humaine qu’une maîtrise et une souveraineté humaines pourraient dompter grâce à une attitude morale appropriée. »

Il apparaît clairement que l’essence cachée de la technique détermine aujourd’hui non seulement l’essence même de la science mais encore le rapport de l’homme à tout ce qui est. L’essence de la technique échappe à la technique. Elle échappe aussi, d’une certaine manière, aux intentions ou aux dispositions de l’homme. Les puissances de la technique ne sont plus aujourd’hui en notre pouvoir, parce qu’elles ne le furent jamais. Il serait donc vain de vouloir freiner le développement ou le déferlement proprement fatal de la technique. En revanche, une tâche s’impose à la pensée : celle de penser, dans l’origine essentielle et dans les mutations brusquées de son histoire, l’essence de la technique.

Parce que l’essence de la technique n’est pas quelque chose de technique, la pensée de l’essence de la technique ne relève pas non plus de cette forme de la pensée que Heidegger appelle das rechnende Denken. Cette pensée compte et calcule alors même qu’elle n’utilise pas de machines à calculer ou de calculateurs électroniques. En sa technicité même, elle procède à une ordination technique du monde. Cette ordination ne dépend pas des ordinateurs, c’est elle au contraire qui commande le montage et l’usage, aujourd’hui à peine commencés, des ordinateurs. La pensée calculatrice compte, escompte, tient compte. La philosophie des valeurs n’est qu’une forme dérivée de cette pensée rationnelle et calculatrice. Il est donc insensé de vouloir se référer à des valeurs morales, aussi hautes soient-elles, pour condamner un certain monde de la technique comme si ce monde était l’ « oeuvre du diable ». La pensée calculatrice est encore une pensée, mais cette pensée est comme une fuite de la pensée devant la pensée. Il appartient à ce que Heidegger appelle das besinnliche Nachdenken de penser, en même temps que cette fuite elle-même, l’essence non technique de la technique.

L’affirmation selon laquelle la philosophie des valeurs n’est qu’une forme dérivée de la pensée rationnelle et calculatrice, elle-même régie, au plus profond de son essence, par l’essence moderne de la technique, demeure une affirmation gratuite aussi longtemps que nous est interdite la double intelligence de la technique et de l’axiologie contemporaines. Faute de conquérir cette intelligence, levons au moins cette interdiction.

Quelle était donc l’essence originelle de la technique et quelle est aussi la signification de cette mutation radicale qui devait la conduire à se retourner contre le savoir lui-même pour s’emparer de sa propre essence?

Technique se dit en grec techne un mot qui s’applique aussi bien à l’art qu’à la technique. Le technicien, l’homme de la technique est artisan et artiste. La technique, tout comme l’art lui-même, a une signification originairement double : artisanale et artistique. La technique, dans l’unicité énigmatique de cette ambiguïté, concerne donc aussi bien les arts et les métiers que les beaux-arts.

La technique se définit comme un savoir-faire. Elle est donc d’abord un savoir et ce savoir implique, comme tout savoir, une certaine connaissance, une certaine intelligence, une certaine compréhension. L’homme de la technique est l’expert, l’homme qui s’y entend ou qui s’y connaît, le connaisseur. Ce savoir est en un sens très général episteme c’est-à-dire science : la technique a ainsi une signification originairement épistémique que nous masque une interprétation trop immédiatement « instrumentale » de la technique. Seul, pourtant, ce sens initialement épistémique de la technique permet de comprendre sa constante affinité avec la science, son retournement contre une forme révolue de la science, et enfin le caractère foncièrement technique de la science contemporaine.

La technique est science ou savoir, mais ce savoir est évidemment d’un genre tout à fait particulier : c’est un savoir-faire. Le « faire » n’est pas l’ « agir »; les Grecs disent poiein et non pas prattein. A la dualité trop connue du « théorique » et du « pratique », il faut substituer la trinité moins connue du « théorique », du « pratique » et du « poétique ». Nietzsche   dénonce souvent la « dangereuse distinction du " théorique " et du " pratique " » et demande par exemple « si nous connaissons une autre méthode pour bien agir que de toujours bien penser ». A cette distinction, en effet dangereuse, nous aimerions ajouter une autre distinction, celle du « pratique » et du « poétique ». Le « poétique », ou mieux, le « poïétique », recouvre ce que nous appelons parfois le monde de la « création » — un mot qui déjà sans doute altère gravement la signification première de la poiesis. Le faire du savoir-faire de la technique amène à l’être, fait venir au monde. Cette venue peut être appelée une pro-duction, ein Her-vor-bringen, comme l’écrit Heidegger. Pour autant que le mot physis, bien compris, évoque aussi cette éclosion, ce dévoilement et ce développement, on peut dire que « la physis elle-même est poiesis au sens suprême ».

Comme savoir et comme savoir-faire, la technique est donc initialement épistémique et poétique : elle est un mode de l’Entbergen, de la mise à découvert, une forme de l’aletheuein, du dévoilement.


Ver online : Henri Birault