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Richir (1992:9-11) – existenciais e sedimentações
sexta-feira 16 de junho de 2023
Le concept-clé de cette recherche est celui, paradoxal, car importé de Sein und Zeit dans un autre contexte, d’existential, qui concentre on le sait, chez Heidegger, la cohésion des structures de l’existence, c’est-à-dire les caractères ou les modes d’être du Dasein, selon lesquels le Dasein humain se rapporte toujours déjà dans son être à cela même qu’il interroge, donc est toujours déjà pris, jeté, à cela même qu’il questionne en le pro-jetant. Situation qui est bien celle, en effet, de la subjectivité transcendantale comme intersubjectivité transcendantale, mais dont le paradoxe, ici, vient de ce que les existentiaux «sont le sens sédimenté de toutes nos expériences [10] volontaires et involontaires» — puisque la sédimentation est un concept proprement husserlien, relevant de la passivité originaire de la conscience. Dès lors, ce qui apparaît très riche chez Merleau-Ponty , c’est que la «facticité» heideggerienne du Dasein est comprise, par la sédimentation, au moins comme historique, alors même que, chez Heidegger, l’historicité du Dasein ne pouvait proprement se dévoiler que comme «destin» (Schicksal) dans l’ouverture de la résolution. Par surcroît, en apparaissant comme historique, la facticité devient communautaire, puisqu’elle est le dépôt sédimenté où le sens de l’expérience humaine s’est pour ainsi dire enfermé, et cela, tant dans le cours de l’expérience individuelle que collective.
Ce qu’il faut donc comprendre, c’est que, par sa constitution même, qui est sédimentation, la structure existentiale éclate en multiplicité d’existentiaux où le sens sédimenté communautaire éclate lui-même en constellation de sens sédimentés structurant d’avance notre expérience du monde — et transcendantaux en ce sens. Cette constellation, nécessairement inconsciente puisque, par les sédimentations, elle procède des passivités de la conscience — d’une facticité éclatée du Dasein —, est aussi, dit Merleau-Ponty , «articulation de notre champ», à l’intérieur de laquelle, seule, peuvent avoir sens un projet ou des pro-jets, selon la structure existentiale, c’est-à-dire où peut «se lire notre avenir». C’est encore, précise Merleau-Ponty , «l’armature» de l’invisible. Ces sédimentations sont donc d’une nature fort étrange puisqu’elles ne sont pas, comme chez Husserl , sédimentations visibles (et peut-être trop visibles) de termes, de signes, d’étants ou d’«entités», mais sédimentations elles-mêmes invisibles de sens — et non pas de significations ou de signifiants. Cet inconscient n’a donc pas de contenu positif, il consiste en sédimentations plurielles d’expériences plurielles, indéfiniment multiples, de sens : fait pour ainsi dire de vides, «il est comme l’intervalle des arbres entre les arbres», il fait plutôt la profondeur de l’expérience, «le niveau commun» aux arbres, ce qui les ancre dans ce que Husserl distinguait, dès la Philosophie de l’arithmétique, comme les «multiplicités sensibles», redevables, on le sait, de la synthèse passive, et en cela distinctes, très profondément des «états-de-chose» éidétiques. En ce sens, cet «inconscient», déjà proprement phénoménologique, est, pour Merleau-Ponty , la condition de possibilité transcendantale de l’expérience des objets et des choses. Comme s’il y avait, à travers l’historicité communautaire de ces sédimentations d’un nouveau genre, une historicité communautaire cachée dans la [11] structuration même des synthèses passives (ou des modes ontologiques des facticités du Dasein) ! Soulignons au passage l’extraordinaire nouveauté d’une telle pensée où ce qu’avait amorcé Heidegger dans Sein und Zeit trouve des prolongements jusque dans le plus concret.
Ver online : Marc Richir