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Granel (1972:116-118) – questão sobre o sentido do ser

domingo 24 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

Com Sein und Zeit  , em 1927, surgiu uma "questão sobre o sentido do ser" — ou, mais sucintamente, uma "questão do ser" — que todos sabem ter guiado o pensamento de Heidegger desde então. No entanto, logo na primeira frase — a primeira frase do primeiro livro — esta questão parece estar envolta em esquecimento. Sein und Zeit é um esforço único de pensamento para arrancar a questão do ser do esquecimento. No entanto, a luta entre a questão e o próprio esquecimento tem lugar, de certa forma, no interior do esquecimento, e está assim escondida a nossos olhos — exceto como esta nuvem do combate, feita de relâmpagos e pólvora, o refúgio segundo Homero   disto que é divino na decisão do destino.

O esquecimento, a princípio: encontra-se em toda a tradição filosófica ocidental (não há outra), ou melhor, é toda essa tradição, de Platão   e Aristóteles   a Husserl  .

A questão em seguida: consiste numa "tese" sobre o sentido do ser (que a questão com efeito não busca senão porque o "sabe"). A tese diz uma só coisa de três faces: 1. O ser é o mundo. 2. O ser é o desvelamento de si mesmo num "aí" (o Da-sein) que somos, e que não é, no entanto, o homem, mas o ser do homem. 3. O Da-sein é finitude — "finitude no homem" — enquanto compreensão do ser.

E isso é tudo. Não há mais nada em Sein und Zeit para além da afirmação desta tripla e única tese, e do esforço para a tornar explícita.

original

Avec Sein und Zeit en 1927 surgissait une « question sur le sens de l’être » — ou, plus court, une « question de l’être » — dont tout le monde sait qu’elle n’a cessé depuis lors de guider la pensée de Heidegger. Dès la première phrase — la première phrase du premier livre — cette question se présente cependant comme enveloppée dans l’oubli [1]. [117] Sein und Zeit est tout entier un unique effort de la pensée pour arracher à l’oubli la question de l’être. Cependant la lutte entre la question et l’oubli se passe elle-même en un sens à l’intérieur de l’oubli et se trouve ainsi dérobée à nos yeux — sauf comme ce nuage du combat, fait d’éclairs et de poudre, refuge selon Homère de ce qui est divin dans la décision du destin.

L’oubli d’abord : il est dans toute la tradition philosophique occidentale (il n’y en a pas d’autre), ou plutôt il est cette tradition entière, de Platon et Aristote jusqu’à Husserl.

La question ensuite : elle consiste en une « thèse » sur le sens de l’être (que la question en effet ne « recherche » que parce qu’elle le « sait »). La thèse dit une seule chose de trois côtés : 1. L’être est Monde. 2. L’être est dévoilement de soi-même dans un « là » (le Da-sein) que nous sommes, et qui cependant n’est pas l’homme, mais l’être de l’homme. 3. Le Da-sein est finitude — « finitude dans l’homme [2] » — en tant que compréhension de l’être.

Et c’est tout. Il n’y a rien d’autre dans tout Sein und Zeit que l’affirmation de cette triple et unique thèse, et l’effort pour parvenir à l’expliciter.

Si la thèse en effet reste en elle-même et ne reçoit pas d’explicitation, elle reste aussi fermée dans son affirmation que sous la forme où nous venons de la donner. Mais, d’un autre côté, la thèse est telle qu’elle ne laisse intacte aucune « dimension » en dehors de ce qu’elle pense dans son affirmation et où l’explicitation pourrait se déployer avec une certaine immédiateté, pour faire ensuite simplement « retour » sur la thèse et jeter sur elle une lumière venue d’ailleurs.

[118] Un tel dehors de la thèse peut être imaginé soit comme la métaphysique, soit comme le sol premier d’un « descriptible » originel, soit plutôt comme la mise-en-rapport de l’un et de l’autre. Dans cette mise-en-rapport les descriptions arrachées à une « expérience » irrécusable et incontournable serviraient à montrer que et comment la métaphysique repose sur un niveau d’évidences non-originelles, c’est-à-dire non elles-mêmes conquises sur le sol primitif. Projet qui est par exemple celui de Husserl, mais aussi celui de Feuerbach. Dans leur ampleur, ces deux projets visent bien, apparemment comme Sein und Zeit, à briser un oubli aussi ancien que la philosophie et caractéristique de son essence, à arracher un « sens » pour l’être qui re-donne à l’homme quelque chose comme un « monde », dans lequel l’homme retrouve ce qui est « plus ancien en lui que lui-même » et source de tout son connaître et de tout son agir au milieu de l’étant.

Un signe inquiétant est cependant que ce projet est chaque fois d’autant plus dépendant de la métaphysique qu’il se place plus résolument « en dehors » de celle-ci, soit sur le « terrain de la vie », soit dans une « césure de l’histoire ». Sans doute n’est-il pas inutile de le montrer, afin de priver de comparaison l’entreprise heidegérienne, dont le retrait par rapport à la métaphysique n’a pas ce caractère positif, et pour ainsi dire immédiat, des ruptures feuerbachienne et husserlienne, mais se produit lui-même « en retrait », ou de façon inapparente, dans un rapport à la métaphysique qui décourage les images du « dedans » et du « dehors ».


Ver online : Gérard Granel


GRANEL, Gérard. Traditionis traditio. Paris: Gallimard, 1972


[2Kant et le Problème de la Métaphysique [GA3], trad. fr. p. 285.