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Marion (2008:95-98) — diferenças entre Santo Agostinho e Descartes

domingo 21 de janeiro de 2024, por Cardoso de Castro

tradução do inglês

Há várias diferenças entre Santo Agostinho   e Descartes  : em primeiro lugar, a certeza não é tanto sobre o ser como sobre a vida; em segundo lugar, não se baseia tanto na instituição da cogitatio  , como essência da res cogitans  , como na contradição performativa de uma dúvida viva.

original

Ainsi, apparaissent plusieurs écarts entre saint Augustin et Descartes : d’abord, la certitude ne porte pas tant sur l’être que sur la vie ; ensuite, elle ne s’appuie pas tant sur l’institution de la cogitatio, comme l’essence de la res cogitans, que sur la contradiction performative d’un doute vivant. Ces écarts, qu’ont-ils en commun ? Le deuxième indique que si, pour Descartes, l’expérience du doute qui se contredit atteste la certitude de l’acte de penser, en sorte que l’ego   y trouve son essence de res cogitans, au contraire, pour saint Augustin, le doute n’assure l’esprit d’aucune essence, qu’il pourrait performer à volonté, mais l’assigne à la vie, inébranlable et inévitable, mais incontrôlable. Or il revient justement encore à la vie de déterminer aussi le premier écart : pour Descartes, la certitude aboutit à l’esse, plus exactement à l’esse comme d’abord le mien, en première personne, sum : il y a un étant indiscutable, inébranlable, et c’est précisément moi, ego ; au contraire, pour saint Augustin, la certitude aboutit à la vie, dont certes je tire mon être, mais que je ne suis pas moi-même au premier chef, bien que je ne sois que par elle. Car – et voilà le point capital – nul vivant n’est sa propre vie : tout vivant vit par la vie qu’il n’est pas, ni ne possède, et non par soi-même. Nul ne vit par soi-même. Saint Augustin le disait littéralement : « … vivere nemo nisi vita   potest. – … nul ne peut vivre sinon par la vie. » [12]  Le propre d’un vivant consiste en ceci qu’il ne possède pas sa propre vie, mais en reste le locataire : « vivre » signifie « vivre provisoirement », parce que, plus essentiellement, par procuration – en vertu de la procuration que la vie accorde au vivant. En ce sens, s’il peut s’avérer certain que je vis, je ne possède la certitude de vivre que dans l’instant précis de ma vie présente, sans aucune garantie de vivre encore l’instant suivant, justement parce que l’instant n’est littéralement pas. Donc, je suis certain que je vis, sans être jamais certain que je suis en tant que vivant : si la vie constitue certainement mon essence, alors il devient certain que mon existence ne m’est pas une certitude, sinon dans l’instant. Et ce que cet instant se prolonge ne change rien au constat de fond : je ne suis pas pour autant ma vie, mais je vis par procuration de la vie. « Vivre » signifie la certitude de n’avoir pas la certitude de vivre encore, ou plutôt d’avoir la certitude de ne pas vivre par soi – vivre ne donne que la certitude de mourir. Seul le Vivant par excellence vit de lui-même [13] . – On voit dès lors que ces deux écarts n’en font en fait qu’un seul : là où Descartes accomplit l’appropriation de l’ego à lui-même (sa pensée l’assurant de soi dans son être comme res cogitans), saint Augustin n’assigne la mens   à sa vie (par la contradiction du doute) que pour l’exposer à cette vie même ; or, cette vie ne m’appartenant par définition pas comme la mienne, je ne peux que m’exposer à elle comme ce à quoi j’appartiens, plus moi-même que moi et pour quoi, dès ce moment, je me désapproprie de moi-même. Le même acte de cogitatio provoque ainsi deux résultats opposés : dans un cas, l’appropriation de l’ego à soi ; dans l’autre, la désappropriation de la mens   à elle-même.

Une deuxième raison de douter que saint Augustin anticipe sur le cogito cartésien vient confirmer cette première : Descartes a lui-même reconnu son écart avec saint Augustin. Contre l’évidence prétendue du rapprochement et contre le prestige d’une telle autorité, il l’a même revendiqué parfois, sans ambiguïté. « Vous m’avez obligé de m’avertir du passage de saint Augustin, auquel mon je pense, donc je suis a quelque rapport ; j’ai été le lire [De Civitate Dei  , XI, 26] aujourd’hui en la bibliothèque de cette ville [Leyde] et je trouve véritablement qu’il s’en sert pour prouver la certitude de notre être et ensuite pour faire voir qu’il y a en nous quelque image de la Trinité, en ce que nous sommes, nous savons que nous sommes et nous aimons cet être et cette science qui est en nous ; alors que je m’en sers pour faire connaître que ce moi qui pense, est une substance immatérielle et qui n’a rien de corporel qui sont deux choses fort différentes. » [14]  Bien sûr, on pourrait soutenir que Descartes lui-même finit aussi par reconnaître dans la res cogitans « … quelque image de la Trinité » [15] . Il n’en reste pas moins indiscutable qu’il entend d’abord l’établir comme une res intellectualis et intelligens [16] , pour y trouver un principe à ce point premier qu’il précède même la connaissance de Dieu : « J’ai pris l’être ou l’existence de cette pensée pour le premier principe, duquel j’ai déduit très clairement les suivants : à savoir qu’il y a un Dieu. » [17]  Certes il s’agit bien, dans les deux arguments, de lier penser et être, non plus à propos de Dieu (comme pour la tradition   issue d’Aristote  ), mais désormais aussi à propos de l’esprit fini, bientôt nommé le sujet. Pourtant, dans un cas, il s’agit de commencer par l’ego pour en déduire l’existence, même celle de Dieu, comme à partir d’un premier principe différent de ce Dieu même ; tandis que, dans l’autre, il s’agit de s’assurer, par le doute et sa contradiction, de la mens, afin d’en rechercher hors d’elle la condition de possibilité, la vie. Cette opposition ne peut se dissimuler : elle se joue entre l’appropriation de soi par l’équivalence de la pensée avec l’être (essence autant qu’existence) et la désappropriation de soi d’un vivant d’une vie autre que lui-même. Deux philosophes, au moins, l’ont parfaitement vu. Blondel   d’abord : « Y a-t-il contresens plus grave que celui qui consiste à découvrir son [saint Augustin] influence dans le cogito cartésien ? […] jamais Augustin n’eût pu songer à ériger sa pensée en “roc”, à se poser comme absolu et dans l’absolu, à faire de l’esprit tel que nous le connaissons une substance isolable et suffisante. » [18]  Et, bien entendu, Heidegger : « Le vin de la pensée d’Augustin a été noyé par l’eau (verwässert) qu’y a versée Descartes. La certitude de soi et le se-tenir-soi-même (Sich-selbst  -Haben  ) au sens d’Augustin est quelque chose de complétement différent de l’évidence cartésienne du cogito. » [19]


Ver online : Jean-Luc Marion


MARION, J.-L. Au lieu de soi: l’approche de saint Augustin. Paris: Presses universitaires de France, 2008.