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Ghitti (1998:27-29) – es gibt

sexta-feira 10 de maio de 2024, por Cardoso de Castro

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Mas não notamos o suficiente que a tradução francesa [do alemão es gibt  ], por si só, é suficiente para refutar a interpretação historicista de Heidegger. Em "il y a", o "y" se refere explicitamente ao lugar, não ao tempo. Quando Heidegger levanta a hipótese de que o "Es" se refere ao próprio tempo, ele não poderia ter feito isso para o "il" em "il y a", por medo de esquecer o "y", que não aparece em alemão. O pensador pode confiar nos idiomas se um não inclinar o pensamento na mesma direção que o outro? Em francês, o ser é dado em avoir lieu, e tudo o que acontece, acontece em algum lugar. O ocorrer do destino exige o terreno que o recebe. A ocorrência é sempre o acesso ao aqui, e se há tempo e ser, é porque o círculo de uma emergência se abriu, o circo onde o que é dado ganha vida. Assim, poderíamos falar do local pró-temporal   por meio do qual o "quando" se torna possível.

original

Dominique Janicaud   a bien montré comment s’affirme, dans toute l’œuvre de Heidegger, un « historialisme destinal » dont on peut dire qu’il révèle, reconduit et peut-être radicalise, au niveau ontologique, la nature profonde de tout historicisme. Dans Temps et être, la primauté du temps est clairement affirmée puisqu’il « ne nous est plus permis en cette façon de demander après un “où”, après le lieu du temps. Car le temps véritable lui-même, la région de sa porrection triple (déterminée par la proximité approchante), c’est le site pro-spatial par lequel seulement il y a un possible “où” ». Bien que dans cette conférence Heidegger conduise la pensée aux limites de ce que la langue peut dire et bien qu’il soupçonne celle-ci de pouvoir nous induire en erreur, il demeure fidèle à l’invitation du « Es gibt » que l’allemand lui propose. Or nous ne remarquons pas assez que la seule traduction en français suffit à démentir l’interprétation historialiste que Heidegger en donne. Dans « il y a », en effet, le « y » renvoie explicitement au lieu, non au temps. Quand Heidegger fait l’hypothèse que le « Es » désigne le temps lui-même, il n’aurait pu le faire pour l’« il » de l’« il y a », sous peine d’oublier le « y » qui n’apparaît pas en allemand. Le penseur peut-il se confier aux langues si l’une n’incline pas la pensée dans le même sens que l’autre ? En français, l’être se donne dans l’avoir lieu et, tout ce qui arrive, arrive quelque part. L’échéance du destin requiert le sol qui la recueille. Survenir, c’est toujours accéder ici et, s’il y a temps et être, c’est que s’est ouvert le cercle d’un surgissement, le cirque où échoie ce qui se donne. Aussi pourrait-on parler du site pro-temporel par lequel le « quand » devient possible.

Cependant, Heidegger est souvent en avance sur les critiques qu’on peut lui adresser. Si la philosophie   de l’existence qu’on trouve dans Être et temps est historiciste (comme toutes les philosophies de l’existence qui s’en inspireront) ainsi que l’ontologie   qui lui correspond, il n’en va pas de même dans Temps et être, puisque l’auteur du second texte dénonce le paragraphe 70 du premier et revient de ce fait sur la primauté du temps. Car, finalement, Heidegger ne retient pas l’identification, un moment envisagée, entre « Es » et temps. Dire qu’il y a du temps, c’est admettre que l’« il y a » est antérieur à toute temporalité. C’est pourquoi dénoncer, comme le fait Michel Henry  , que le temps soit, dans une certaine ontologie, « ce qui rend possible en général une manifestation » ne peut guère valoir contre Temps et être, même si la critique s’applique bien à Être et temps. Heidegger déplace la problématique du temps en cessant de la lier à la transcendance propre à l’existence, dont on peut effectivement dire, avec Michel Henry, qu’elle repose sur le privilège donné à la temporalité. Il ne la lie pas davantage à un destin qui serait soit une subjectivité absolue, soit le déroulement aveugle du cours des choses. Le destin, en son geste destinai originaire, est un lot par quoi l’horizon   du temps lui-même se détermine. De plus, l’oubli du « y » de l’« il y a » est loin d’être total chez Heidegger : c’est vers lui, vers sa différence avec toute spatialité, que semble tourné l’appel à reconnaître « la provenance de l’espace depuis ce qu’a de propre — lui-même pensé à fond, c’est-à-dire de façon à atteindre ce qui est en vue — le lieu ou le site (das Ort  ) ». Ce passage, ajouté à la conférence primitive et qui reçoit son plein développement dans L’art et l’espace, indique le sens de l’effort heideggérien pour dépasser l’historialisme. Cet effort aboutit à l’Ereignis  .

Cependant, l’Ereignis est une parole qui excède le champ ontologique où se joue précisément l’historialisme par conjonction de l’être et du temps. A l’écart du logos   sur l’être, l’Ereignis est une parole solitaire qui tente de « capter » l’originaire sans jamais pouvoir l’expliciter, comme se propose de le faire toute ontologie. Loin de nommer l’être, l’Ereignis est tourné vers son amont : il n’excède le temps que par delà l’être. Certes, ce dépassement de l’ontologie ne doit pas être élucidé par référence à la théologie, il ne vise aucun acte créateur. L’Ereignis tente d’échapper à l’historialisme sans le recours à un Dieu hors du temps. Le fait est là, cependant : Heidegger ne sort de l’historialisme que par une parole qui excède l’ontologie.

Or on voit bien le problème qui en résulte : si l’historialisme est une position ontologique, en sort-on vraiment en quittant le terrain de l’ontologie ? N’est-ce pas plutôt se placer là où une telle question ne se pose plus ? D’ailleurs, qu’est-ce que l’Ereignis approprie ? Il approprie l’être et le temps. L’Ereignis n’est-il pas, en somme, le fondement pré-ontologique de l’ontologie historialiste sur quoi tout historicisme repose ? Mais l’Ereignis n’approprie-t-il pas aussi bien l’être et le lieu et ne laisse-t-il pas indéterminée la question de l’historicisme ? La pensée de Heidegger n’a rien tranché en ces matières : d’un texte à l’autre les accents changent et il faudrait une étude longue et nuancée pour suivre les méandres de cette pensée.

Toutefois, dès qu’ils sont de la sorte strictement définis, historialisme et historicisme n’apparaissent plus insurmontables, ils ne condamnent plus la réfutation à employer leurs propres outils. On peut très bien concevoir une proto-ontologie qui accentue la secondarité du temps et ne voie en lui qu’une réalité constituée à partir d’une phénoménalité prétemporelle. On peut également mettre en avant une ontologie où la structure de transcendance de la temporalité n’ait pas sa place dans la relation originaire d’auto-affection. L’intemporel n’est plus alors à chercher dans quelque éternité divine, mais dans une phénoménalité ou une affectivité qui demeurent en dehors de l’histoire. Mais quelles relations ces voies d’accès à l’envers de l’histoire gardent-elles avec ce que Heidegger désigne comme ce lieu que l’Ereignis approprie à l’être ? La pensée du lieu ne rassemble-t-elle pas autour d’elle tout ce qui cherche à retrouver ce que Michel Haar   appelle le non-historial, demandant : « L’Ereignis, pour ne pas être une simple nostalgie, un vœu instantané, un rêve, ne doit pas se manifester seulement dans l’éclair d’un regard, mais être situé “quelque part”, dans un lieu. Mais où ?»6 ?


Ver online : Zur Sache des Denkens [GA14]


GHITTI, Jean-Marc. La parole et le lieu. Paris: Minuit, 1998