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Birault (1978:361-363) – rechnende Denken und das besinnliche Nachdenken: o pensamento calculador e o pensamento meditativo
segunda-feira 19 de junho de 2023
A filosofia comporta presença e ausência do pensamento. Ela não é o pensamento, mas somente um modo do pensamento, aberrante e fatal: seu modo ocidental e universal, epistemico e irônico, fundamental ou radical. A filosofia é a forma exilada do pensamento, uma forma originalmente declinante e bastarda, uma grandiosa desventura, um mal compromisso cuja realização ou a deslocação poderiam dar lugar a dois modos mais simples e mais demarcados do pensamento: aqueles que o escrito Gelassenheit denomina hoje em dia rechnende Denken und das besinnliche Nachdenken: o pensamento calculador e o pensamento meditativo.
La philosophie n’est pas la pensée comme telle, la philosophie n’épuise pas l’essence encore impensée de la pensée elle-même. Les philosophes assurément sont des penseurs. Mais les penseurs ne furent pas toujours et ne seront peut-être pas toujours des philosophes. Le mot pensée, toujours un peu suspect dans la tradition philosophique française, a connu une grande fortune dans l’idéalisme post-kantien. Heidegger cependant, tout en exhibant les droits de la pensée, récuse cet héritage et donne à la pensée, à l’expérience finie et toujours fragmentaire de la pensée, une autre signification.
La philosophie n’est pas la pensée, la pensée n’est pas la philosophie. Le commencement historiquement et géographiquement déterminé de la philosophie n’est pas le commencement plus initial et plus universel, éternellement temporel et toujours recommencé, de la pensée. La fin de la philosophie, une fin aujourd’hui assez évidente, lourde de menaces et de promesses, pourrait donc être de son côté autre chose que la fin de la pensée. Dans son étude sur Hegel et les Grecs, Heidegger écrit : « Toutefois l’effondrement de la philosophie — depuis longtemps engagé et dont le cours ne saurait être arrêté — n’est pas déjà en soi la fin de la pensée, mais bien plutôt autre chose qui se dérobe pourtant à la possibilité de toute observation publique. » La philosophie n’est pas seulement un mode de la pensée, elle est aussi le mode qui se retourne contre la substance dont il procède. D’où la menace que représente pour la pensée la philosophie elle-même, ou plutôt, le philosopher. Dans l’opuscule qui a pour titre Aus der Erfahrung des Denkens — A partir de l’expérience de la pensée, Heidegger évoque les trois périls auxquels la pensée demeure exposée :
- le bon et salutaire danger que constitue pour elle le voisinage du chant poétique.
- ensuite, le danger qui dans sa malice ou dans sa malignité a le plus d’acuité : celui de la pensée elle-même qui doit penser contre la pensée, et ne le peut que rarement.
- et enfin, le mauvais danger ou le danger confus, celui qui n’est pas tant la suite que l’oubli du précédent, celui de la pensée qui cède à la pensée pour tomber précisément dans la philosophie ou dans le philosopher.
Avec cette dernière affirmation se manifestent aujourd’hui la confusion de la représentation métaphysique la plus claire et, d’autre part, le dégel d’une pensée de plus en plus déliée de la philosophie : pensée sobre et sévère qui ne s’abandonne pas à la pensée mais qui s’exerce, s’aiguise et s’éprouve contre la pensée, pensée résolue, rigoureuse et douce, qui « demeure ferme dans le vent de la chose » pour le laisser-être de l’être et de sa vérité.
Cependant, avant même que le mot expérience reçoive dans cet opuscule et dans le livre Unterwegs zur Sprache la force entière de sa signification, des écrits comme Was ist Metaphysik? Vom Wesen des Grundes et Was ist das — die Philosophie? révélaient déjà en même temps que le livre Was heisst Denken? le souci de mettre en cause la philosophie ou la métaphysique et la volonté d’opérer une certaine retraite, une certaine reconduction, un certain « décrochage » en risquant le fameux « pas en arrière », celui qui libère et qui garde cela même dont il se déprend, celui qui rétrocède « hors de la philosophie vers la pensée de l’être ».
La philosophie porte présence et absence de la pensée. Elle n’est pas la pensée, mais seulement un mode de la pensée, aberrant et fatal : son mode occidental et universel, épistémique et ironique, fondamental ou radical. La philosophie est la forme exilée de la pensée, une forme originellement déclinante et bâtarde, une grandiose mésaventure, un mauvais compromis dont l’achèvement ou la dislocation pourraient laisser place à deux modes plus simples et plus tranchés de la pensée : ceux que l’écrit Gelassenheit appelle aujourd’hui das rechnende Denken und das besinnliche Nachdenken : la pensée calculante et la pensée méditative. (1978, p. 361-363)
Ver online : Henri Birault