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HEIDEGGER ON BEING AND ACTING

Schürmann: le politique

Understanding Practice through the “Turning”

quinta-feira 11 de outubro de 2018, por Cardoso de Castro

Original

Décrire les époques par la constellation manifeste des choses, des actions et des mots, c’est approcher le politique d’une façon autre que ne le firent les anciens. Le politique est le site où les choses, les actions et les paroles peuvent convenir. Le mot allemand pour « site », observe Heidegger signifie primitivement la pointe du fer de lance où tout se réunit [1]. Dans le politique, dirons-nous, la force d’un principe réunit pour un temps et selon un ordre passager tout ce qui est présent.

Il est clair qu’une telle description des époques rétrocède par rapport aux principes qui règnent sur elles. Les principes répondent a la question «Pourquoi?» Pourquoi, à une époque donnée, les hommes parlent, agissent, souffrent-ils des choses comme ils le font? Les principes, qui sont archi-présents à un ordre époqual, fournissent la raison à ce qui se passe dans un tel ordre. Mais le «pas en arrière» rétrocède du présent à la présence. Aussi le site répond-il plutôt à la question « Où ? » Où les paroles, les actions et les choses se logent-elles dans l’alétheia de la présence? Je réponds : dans ce type particulier de dévoilement qu’est le politique. La question d’un premier, ou d’une fin, qui commence et commande la praxis ne se pose même plus.

Pour les anciens, c’est-à-dire pour la tradition issue de la philosophie attique, la réflexion sur le politique s’efforçait de traduire un ordre anhistorique, connaissable en lui-même, dans l’organisation publique à laquelle il servait de modèle a priori et de critère de légitimation a posteriori. Les catégories pour comprendre le corps politique étaient prises dans l’analyse des corps sensibles et transposées du discours spéculatif ou «ontologique» en discours pratique. La Physique d’Aristote  , le «livre fondamental» [2] de la philosophie occidentale, lui fournit son vocabulaire élémentaire, élaboré dans le contexte du mouvement et de ses causes. De là ce vocabulaire pénètre les autres disciplines. La philosophie spéculative sert de patron — à la fois protecteur et modèle — à la philosophie pratique. Que lui prête-t-elle ? Précisément la référence à un premier. Pour qu’il y ait connaissance du sensible, il doit y avoir un premier à quoi référer le multiple et le rendre vrai, le vérifier; de même, pour qu’il y ait action, et non seulement des activités, il doit y avoir un premier qui donne sens et direction à l’agir. Aristote   compare la constitution d’un principe d’action à une armée en déroute, chassée par la peur, mais dont d’abord un soldat, puis plusieurs s’arrêtent, regardent en arrière où se trouve l’ennemi, et reprennent courage. L’armée entière ne s’arrête pas parce que deux ou trois maîtrisent leur peur, mais soudain elle obéit à nouveau aux commandements, et les activités de chacun [52] redeviennent l’action de tous [3]. Aristote   voit le commandement, arche, s’imposant aux fuyards comme il voit la substance en tant qu’arche imposant son unité aux accidents. L’une et l’autre observation retiennent la relation «à l’un», et cette identité formelle entre la philosophie spéculative et la philosophie pratique se maintient jusqu’à ce qu’on appelle aujourd’hui la théorie politique. La philosophie politique n’est pas la même, certes, quand le premier auquel l’agir est référé est un homme, ou la collectivité, ou le bien commun, ou un devoir. Mais tout cela, ce sont des archai. Le commandement politique fait l’action tout comme la causalité fait le mouvement. L’analyse du domaine politique ne peut pas plus se passer du recours à un principe de légitimation que celle du devenir, d’un principe du mouvement, ou celle de la substance sensible, d’un principe d’unité. Comme chacun de ces domaines est conçu selon le schéma du rapport à un premier, les catégories du politique ne sont pas sui generis, mais empruntées à l’ousiologie. La déconstruction de l’ontologie, chez Heidegger, coupe court à de telles transpositions. (p. 52-53)

Miguel Lancho

Describir las épocas por la constelación manifiesta de las cosas, de las acciones y de las palabras, es acercar lo político de otro modo al que lo hicieron los antiguos. Lo político es la localidad en que las cosas, las acciones y las palabras pueden convenir. La palabra alemana para «localidad», observa Heidegger, significa primitivamente la punta de la lanza en que todo se reúne [4]. En lo político, decimos nosotros, la fuerza de un principio reúne durante un tiempo, y según un orden pasajero, todo lo que está presente.

Es claro que una tal descripción de las épocas retrocede en relación con los principios que reinan sobre ellas. Los principios responden a la cuestión «¿Por qué?». ¿Por qué en una época dada los hombres hablan, actúan, sufren como lo hacen? Los principios que están archi-presentes en un orden epocal, suministran la razón a lo que ocurre en tal orden. Pero el «paso atrás» retrocede del presente a la presencia. También la localidad responde más bien a la cuestión «¿Dónde?» ¿Dónde las palabras, las acciones y las cosas se alojan en la alétehia de la presencia? Contesto: en ese tipo particular de desvelamiento que es lo político. La cuestión de un primero o de un fin que comience y ordene la praxis no se plantea siquiera.

Para los antiguos, es decir, para la tradición derivada de la filosofía ática, la reflexión sobre lo político se esforzaba por traducir un orden ahistórico, cognoscible por sí mismo, en la organización pública a la cual servía de modelo a priori y de criterio de legitimación a posteriori. Las categorías para comprender el cuerpo político eran tomadas del análisis de los cuerpos sensibles y transpuestos desde el discurso [61] especulativo u «ontológico» a discursos prácticos. La Física de Aristóteles  , el «libro fundamental» [5] de la filosofía occidental, le suministra su vocabulario elemental, elaborado en el contexto del movimiento y de sus causas. De ahí el que ese vocabulario se imponga en otras disciplinas. La filosofía especulativa sirve de patrón —a la vez protector y modelo— a la filosofía práctica. ¿Qué le presta? Precisamente la referencia a un primero. Para que haya conocimiento de lo sensible deberá haber un primero al cual referir lo múltiple y hacerlo verdadero, verificarlo; por ello, para que haya acción, y no solamente actividades, deberá haber un primero que done sentido y dirección al actuar. Aristóteles   compara la constitución de un principio de acción a un ejército en retirada, atrapado por el temor, pero en el que antes, un soldado, después varios, se detienen, miran hacia atrás donde se halla el enemigo y retoman el valor. El ejército entero no se detiene porque dos o tres dominen su temor, pero de pronto obedece de nuevo a las órdenes y las actividades de cada uno se convierten en la acción de todos . Aristóteles   ve en la orden el arché, lo que se impone a los fugitivos, igual que ve a la sustancia en tanto que arché como imponiendo su unidad a los accidentes. Una y otra observaciones retienen la relación «con lo uno», y esta identidad formal entre la filosofía especulativa y la filosofía práctica se mantiene hasta lo que denominamos hoy la teoría política. La filosofía política ciertamente no es la misma si lo primero a lo cual el actuar se refiere es un hombre, o la colectividad, o el bien común, o un deber. Pero todos son archai. El requerimiento político constituye la acción así como la causalidad constituye el movimiento. El análisis del dominio político ya no puede prescindir del recurso a un principio de legitimación que no sea el devenir, de un principio de movimiento, así como el de la sustancia sensible, de un principio de unidad. Como cada uno de estos dominios está concebido según el esquema de la remisión a un primero, las categorías de lo político no son sui generis, sino tomadas prestadas a la [62] ousiología. La deconstrucción de la ontología, en Heidegger, ata en corto semejantes transposiciones. (p. 61-62)

Christine-Marie Gros

With Heidegger, the political has to be described as the manifest constellation of things, actions and speech. This understanding of the public realm differs from the schemes of thought rooted in Attic philosophy. For Heidegger the political is a “site” of interaction. The German word for “site,” Ort, he observes, originally signified the iron point of a lance where everything joins together. [6] In the political the force of a principle collects into a transient order all that is phenomenally present.

It is clear how a description of epochs “steps back” from the principles that rule over them. The principles answer the question, Why? Why do people in a given epoch speak about, act upon, suffer from phenomena the way they do? The principles, which are arch-present in their respective epochal orders, provide the reasons for all that is the case, whether lofty or lowly, within that order. But the “step backward” retrogresses from what is present to presencing as such. The site, then, answers instead the question, Where? Where do things, actions and words join within the aletheia—unconcealment—of presencing? They join in that particular type of disclosure which is the political. In such an approach to the political, the question of a first that begins and commands public undertakings and of an end that guides and completes them no longer even arises. In its stead arises the question of the difference between what is present and its presencing.

For the ancients, at least according to the way they have been received by the vast majority of their followers, reflection on the political endeavored to translate an ahistorical order, knowable in itself, into public organization, for which that order served as an a priori model and as a criterion for a posteriori legitimation. The categories for understanding the body politic were derived from the analysis of sensible bodies and were transposed into practical discourse from speculative or ‘ontological* discourse. Aristotle  ’s Physics, the Grundbuch, “foundational book,” [7] of Western philosophy, provided practical philosophy with its elementary vocabulary worked out in the context of movement and its causes. From physics this vocabulary has penetrated all other disciplines. [8] To justify such transposition, the scholastics invoke the axiom “acting follows being.” [9] Speculative philosophy serves as patron and pattern (both words deriving from pater, father) for practical philosophy. What does practical philosophy inherit from its father, speculative philosophy? Precisely the reference to a first. In order that there be knowledge of the sensible there must be a first to which the multiple can be referred and thus be made true or verified. Likewise, in order that there be action and not merely activities there must be a first that provides action with sense and direction. Political philosophies differ in the way they articulate this relation to the one, pros hen. Without such reference, however, the commonwealth would cease to be accessible to metaphysics. This first, in reference to which the commonwealth becomes conceivable, need not be a supreme power. Aristotle   compares the constitution of a principle for action to an army in full retreat, propelled by fear, but in which first one, then several soldiers stop, look to the rear where the [40] enemy is approaching and regain their courage. The entire army does not stop because two or three master their fear, but suddenly it obeys orders again and the activities of each become again the action of all. [10] Aristotle   views command (arche) imposing its order on the runaways just as he views substance, as arche, imposing its unity upon the accidents. Such is the filiation between ousiology and practical philosophy. Both observations are construed in relation “to the one.” This formal identity between speculative and practical philosophy maintains itself until the rise of what today is called political theory. [11] From Plato  ’s philosopher-king to Machiavelli’s prince, this pros hen reference defines the relations of the many subjects to the one leader as it defines the relations of the many accidents to substance and, in general, of the secondary analogates to prime analogates. [12] It is instructive in this regard that Aristotle   first analyzed “proportion,” the identity of relation between two terms, in the political context, [13] well before the Metaphysics. Political philosophy is not the same, to be sure, when the first to which acting is referred is a man, or a collectivity, or the common good, or duty. But these are all archai, and the point is to notice the structural similarity between what the tradition calls ontology and political philosophy. Political action originates in rule (of a commander or of law), quite as movement originates in cause. The analysis of the political domain can no more do without a principle of legitimation than that of becoming can do without a principle of movement, or that of sensible substance without a principle of unity. Each of these domains is conceived according to the schema of relation to a first; hence the categories of politics are not sui generis, but borrowed from ousiology. The deconstruction of ontology in Heidegger cuts short such transpositions. [14]


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[1Ce mot est Ort (US 37 / AP 41).

[2Wm 312/Q II 183 et SvG 111 / PR 151.

[3Aristote, Seconds Analytiques, II, 19; 100 a 11 avec les deux commentaires de Hans Georg Gadamer, Wahrheit und Methode, Tübingen, 3e éd., 1972, p. 333, et Kleine Schriften, t. I, Tübingen, 1967, p. 11Q. L’arché vers laquelle pointe la relation pros hen n’est pas toujours la même : dans l’Éthique, c’est la béatitude ; dans les deux derniers livres de la Politique, c’est l’État parfait. Mais à travers toutes les branches de la philosophie aristotélicienne, le schéma de pensée demeure celui de l’ousiologie.

[4Esa palabra es Ort (US 37 / AP 41).

[5Wm 312 / Q II 183 y SvG 111 / PR 151.

[6US 37/OWL 159; the translation omits the words “Spitze des Speeres” point of the lance.

[7Wm 312/Phy 224 and SvG 1x1. Cf. H. G. Gadamer, Die Idee des Guten zwischen Plato und Aristoteles (Heidelberg, 1978), pp. 91 f.

[8Regarding medieval philosophy, Heidegger seems however to deny that the pre-understanding of causality which determines the representation of the world as created is of Aristotelian origin (Hw 19/PLT 29).

[9Agere sequitur esse. See the various formulations of this axiom in Thomas Aquinas, cited by Joseph de Finance, Etre et agir dans la philosophie de Saint Thomas (Rome, 1965), pp. 70-72.

[10Aristotle, Posterior Analytics, II, 19; 100 a 11 with the two commentaries by Hans-Georg Gadamer, Truth and Method (New York, 1975), p. 314, and, more specifically, Kleine Schriften, vol. I (Tübingen, 1967), p. 110. The arche to which the pros hen relation points in the last two books of the Politics is the perfect state; in the Ethics, it is happiness. Throughout the branches of Aristotelian philosophy the paradigmatic thought pattern remains that of ousiology, the doctrine of substance.

[11The special issue of the Revue française de science politique devoted to “Political Theory,” Vol. XI, no. 2 (1961), contains several contributions illustrating this formal identity. See especially the remarks by Eric Weil, “Philosophie politique, theorie politique,” ibid., pp. 267-294.

[12As I said, this concept of formal identity between the theoretical and the practical philosophies depends on the reading of Metaphysics, IV, 2; 1003 a 33 (“Being is spoken of in many ways, but always relative to one term”) which remained predominant in Aristotelian-ism until Franz Brentano, On the Several Senses of Being in Aristotle, trans. R. George (Berkeley, 1975). Opposed to this reading based on the analogy of being stands that of Pierre Aubenque, Le probleme de litre chez Aristote (Paris, 1966), especially pp. 190-198. For Aubenque, the concept of the analogy of being is not authentically Aristotelian and consequently the One to which the pros hen relation refers is not, in the last analysis, substance: “the pros hen has nothing to do with a relation of attribution” (p. 194). Rather, it refers to being, as distinct from ousia and as a “residual” factor of the categories. Cf. Gadamer, Truth and Method, pp. 278-289.

[13Nicomachean Ethics, V, 6; 113 a 26 ff. This passage deals with political justice, that is, with justice as it applies to free men (which presupposes the existence of unfree men in the city, “unequals,” toward whom relations are ruled by a mere semblance of justice, καθ’ όμοιότητα). Justice among citizens is founded upon their “proportional or arithmetic” equality (κατ’ αναλογίαν ή κατ’ άριθμόν). Then Aristotle adds that this latter equality refers subjects, “not to a man, but to a rational principle.” Thus justice and equality among citizens are understood in terms of the same reference to a first that provides the rational schema in the later theory of substance and accidents, see for example, Metaphysics, IV, 2; 1003 b 6-10.

[14This deconstruction, writes a commentator, has “in effect undercut all of what Heidegger would call the metaphysical theories concerning the relation between what is to be thought and what is to be done or achieved politically,” Dauenhauer, “Renovating the Problem of Politics,” op. cit., p. 629.