Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Caron (2005:100-102) – a fascinação do olhar pelo brilho do ente

sexta-feira 8 de dezembro de 2023

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[…] Heidegger aprendeu com aquilo a que chamou, em 1926, "antropologia agostiniana", os requisitos pelos quais qualquer abordagem à essência da subjetividade deve ser medida e, em particular, o requisito fundamental — sobre o qual assenta todo o seu pensamento e toda a sua interpretação de outros filósofos — de não confinar o si mesmo apenas ao domínio do que está ao alcance do [101] simples olhar. O primado do ver, cuja amplitude Heidegger constata no projeto husserliano de investigação das estruturas psíquicas, é um elemento de que muito rapidamente quis aprender a desconfiar, e isto em contacto com Santo Agostinho  : "Este notável primado do ’ver’, foi sobretudo Agostinho   que o destacou" [1]. Pois o autor, no Livro X de suas Confissões, efetivamente advertia seu leitor sobre o poder que a visão carregava em si para nos levar, ela mesma, a uma fascinação pelo ente, que acaba por nos fazer perder de vista o fluxo invisível da manifestação através da qual o próprio ente é ente. Agostinho   apercebe-se do espantoso privilégio que o ver tem para todo o conhecimento humano, que não cessa de se modelar nele sem o pensar, deixando o si mesmo, pouco a pouco, de se interessar pelo essencial e deixando-se arrastar para fora pelo brilho do ente. Refugiar-se no olhar é também, para Heidegger, uma forma de separar o próprio olhar daquilo a que tem acesso para ser um olhar de alguma coisa, uma forma de poupar o olhar, contornando aquilo para que deve olhar [regarder] e que deve "re-garder". O olhar deixa-se levar pelo mais fácil e traz em si a estrutura de um abandono do original pelo derivado; é uma derivação, uma tentação de evitar e contornar o essencial.

original

Comme le montre le cours de 1921 sur Augustin   et le néoplatonisme, et comme le confirme une note de Sein und Zeit   indiquant une double « influence » de saint Augustin   et d’Aristote   sans nommer Husserl   [2], Heidegger a appris de ce qu’il appelle en 1926 « l’anthropologie augustinienne » les exigences à l’aune desquelles toute approche de l’essence de la subjectivité doit être tentée, et notamment l’exigence fondamentale – sur laquelle repose toute sa pensée et toute son interprétation des autres philosophes – de ne pas cantonner le soi uniquement au domaine de ce qui est à la portée du [101] simple regard. La primauté du voir, dont Heidegger constate l’ampleur prise dans le projet husserlien d’investigation des structures psychiques, est un élément dont il a très vite voulu apprendre à se méfier, et ce au contact de saint Augustin   : « Cette remarquable primauté du « voir », c’est surtout Augustin   qui l’a dégagée » [3]. Car l’auteur, au livre X de ses Confessions, a effectivement averti son lecteur du pouvoir que la vue portait en elle afin de nous porter elle-même vers une fascination pour l’étant, qui finit par nous faire perdre de vue l’invisible flux de manifestation par où l’étant lui-même est étant. Augustin   perçoit l’étonnant privilège que possède le voir pour toute connaissance humaine, celle-ci ne cessant de se modeler sur lui sans y penser, le soi laissant progressivement tout intérêt pour l’essentiel et se laissant entraîner loin de son propre par le chatoiement de l’étant. Se réfugier dans le regard est également pour Heidegger une manière de couper sa propre vue de ce à quoi elle a accès pour être vision de quelque chose, une manière de ménager son regard en contournant ce envers quoi il doit avoir égard et qu’il doit re-garder. Le regard se laisse prendre au plus facile, et porte en lui la structure d’un délaissement de l’originaire pour le dérivé ; il est une dérivation, une tentation d’éviter et de contourner l’essentiel. Heidegger écrit ainsi que le voir, prisonnier de ce qu’il voit ou du simple étant présent-subsistant, est le déploiement du contournement, « le comment du contournement-se-ménageant » : « [das Sehen! ist ein Wie des Umgehens mit » [4]. Or, la préoccupation principale de Husserl   se meut, de son propre aveu, dans l’horizon du regard [5], et Heidegger demeure ainsi d’emblée retenu, notamment par ses lectures augustiniennes, loin de ce projet consistant à faire venir les vécus intentionnels dans « la sphère de la présence absolue » ou « dans la sphère de la pure vue ». La connaissance réduite à la vision présuppose sans y penser l’éclaircie dans laquelle elle s’accomplit et ne médite pas la teneur même, concrète bien que non ontique, de cette venue en présence ; elle est inattentive à la provenance première et dédaigne de « [s’]enfoncer jusqu’aux yeux dans la source de soie » [6]. Ainsi [102] Husserl   pourra-t-il affirmer dès les Recherches logiques, et pourtant au cœur même de cette Sixième Recherche qui a tant marqué Heidegger (ce pour quoi il y a plus de motifs de parler d’une stimulation que d’une influence de Husserl  ), cette phrase en laquelle se résume remarquablement toute l’ incompatibilité de principe entre lui-même et Heidegger : « au lieu d’avoir à porter notre attention sur l’acte donateur, nous devons bien plutôt la concentrer sur ce qu’il donne, sur l’ensemble qu’il fait apparaître in concreto, et élever sa forme générale à la conscience conceptuelle générale » [7].

CARON  , Maxence. Pensée de l’être et origine de la subjectivité. Paris: CERF, 2005.


Ver online : Maxence Caron


[1SuZ. p. 171.

[2Cf. SuZ, p. 199 n, où Heidegger précise que la primauté donnée au « souci » dans l’interprétation de la structure du soi provient « de ses tentatives pour interpréter l’anthropologie augustinienne – c’est-à-dire gréco-chrétienne – par rapport aux fondements posés dans l’ontologie d’Aristote ». Le souci est en effet la façon dont le soi prend conscience de lui-même comme s’ayant lui-même pour charge, c’est-à-dire comme pouvant porter sur soi un regard, capacité dont l’origine n’est donc pas pour Heidegger à chercher dans le regard, mais dans ce qui déploie le souci lui-même et que Heidegger définira comme la relation d’être-envers ce non-étant qu’est la mort. Saint Augustin n’a cessé de mettre en relief la constitution in-quiète du soi traversé par l’exigence du rapport à ce qui n’est aucun étant, et Aristote avait d’ores et déjà souligné le caractère insituable de l’être irréductible à une seule categorie, soit l’insaisissabilité de l’être. Avec saint Augustin, cette insaisissabilité de l’être advient comme le cœur même de la subjectivité, ou, selon une expression qu’il emploie à plusieurs reprises, comme « l’âme même de l’âme ».

[3SuZ.p. 171.

[4GA60, p. 218.

[5Reste à savoir si ce regard est, comme l’affirme Heidegger, prisonnier de l’étant et incapable d’un projet vers l’invisible comme tel.

[6Rimbaud, Nocturne vulgaire, in Illuminations : Œuvres complètes, p. 142.
Nous soulignons. À noter : le jeu de mots sur « soie », le soi rimbaldien étant toujours éprouvé sur le mode paradoxal, à la fois comme une insaisissable altérité (« Je est un Autre ») et comme la source dont on aimerait pouvoir toujours garder la douceur près de soi. Douceur angoissante d’insaisissabilité, tel est le soi tissé de soie.

[7Hua XX, p. 141-142 ; Recherches logiques (RL), III, p. 174.