Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Boutot (HP:155-157) – o Bem (agathon)

segunda-feira 8 de janeiro de 2024

tradução

Se quisermos compreender o significado de idea   tou agathon   em Platão  , temos, antes de mais nada, de evitar interpretar agathon com a ajuda de determinações estranhas ao pensamento grego e completamente desconhecidas para ele. Normalmente traduzimos tò agathon por "o Bem", e com isso queremos dizer o "Bem moral  ", aquilo que está de acordo com a regra e a lei moral. "Uma tal concepção", diz-nos Heidegger, "afasta-nos do pensamento grego". Esta é, de fato, uma interpretação de origem e inspiração cristã que não alcança e distorce completamente o que a palavra agathon diz em grego. A ideia do Bem nada tem a ver, em Platão, com a "bondade" tomada no sentido moral. Em termos mais gerais, mesmo que Platão faça dela uma "ideia", o Bem não pode ser considerado nele como um "valor". De fato, não pode haver "valor" em sentido estrito, isto é, no sentido moderno da palavra, até à era da subjetividade. […] Em todos estes exemplos, o qualificativo agathos não tem conotação "moral", mas é aplicado em virtude de uma determinada "excelência", aptidão ou disposição. Aqui, ser bom significa ser adequado ou apto para algo. É sempre uma "bondade" que se exerce em relação a um determinado domínio da experiência, e não uma bondade absoluta ou uma bondade "em si". É em relação a este entendimento grego comum da palavra agathos que a idea tou agathon, a Ideia do Bem de Platão, deve ser entendida e interpretada, segundo Heidegger.

original

Si nous voulons saisir le sens de l’ἰδέα τοῦ ἀγαθοῦ chez Platon, il nous faut tout d’abord éviter d’interpréter l’ἀγαθόν à l’aide de déterminations étrangères à la pensée grecque et tout à fait inconnues d’elle. On traduit ordinairement τὸ ἀγαθόν par le « Bien » et on entend par là le « Bien moral », ce qui est conforme à la règle et à la loi morales. « Pareille conception, nous dit Heidegger, nous fait sortir de la pensée grecque ». Il s’agit là en effet d’une interprétation d’origine et d’inspiration chrétiennes qui n’atteint pas et fausse complètement ce que dit le mot ἀγαθόν en grec. L’idée du Bien n’a rien à voir chez Platon avec la « Bonté » prise au sens moral. D’une façon plus générale, même si Platon en fait une « idée », le Bien ne saurait être considéré chez lui comme une « valeur ». Il ne peut en effet y avoir de « valeur » au sens strict, c’est-à-dire au sens moderne du mot, qu’à partir de l’époque de la subjectivité. « La compréhension platonicienne de l’ἀγαθόν, nous dit Heidegger, est aussi essentiellement distincte du concept nietzschéen de valeur que la compréhension grecque de l’homme l’est de l’interprétation moderne de l’essence de l’homme en tant que sujet ». Même s’il est vrai que la notion moderne de « valeur », apparue au XIXe siècle, est, comme le dit Heidegger, « le dernier rejeton, et en même temps le plus faible, de l’ἀγαθόν », cela ne nous autorise pas pour autant à interpréter de façon récurrente celui-ci à partir de celle-là.

Pour la pensée grecque et platonicienne, l’ἀγαθόν n’est ni une notion morale, ni une valeur, mais signifie d’abord et avant tout, nous dit Heidegger, « l’apte (das Taugliche), ce qui est apte à quelque chose et qui rend apte quelque chose d’autre ». L’ἀγαθόν ne désigne pas chez les Grecs le Bon ou le Bien « en soi », mais bien plutôt le fait de posséder une aptitude déterminée, le fait d’être bon à ou pour telle ou telle chose. C’est ainsi qu’un bon cheval désigne chez Aristote  , comme le relève J. Beaufret  , un cheval « ἀγαθός δραμεῖν (bon pour la course) » et non pas bien sur un cheval ayant des vertus « morales » particulières, que Diomède, dans l’Iliade, est « ἀγαθος βόην (bon quant au cri) », qu’Ithaque dans l’Odyssée, est qualifiée de « ἀγαθή κουροτρόφος (bonne à nourrir de jeunes garçons) ». Platon utilise lui aussi ἀγαθός dans ce sens dans le Gorgias, par exemple, où Socrate s’interroge pour savoir si Périclès était aussi « ἀγαθος τὰ πολιτικά (bon quant aux affaires politiques) » qu’on le prétend généralement. Dans tous ces exemples, le qualificatif d’ἀγαθός n’a pas de connotation « morale », mais s’applique en vertu d’une « excellence », d’une aptitude ou d’une disposition particulière. Être bon veut dire ici être propre ou être apte à quelque chose. Il s’agit toujours d’une « bonté » qui s’exerce relativement à un certain domaine de l’expérience, et non pas d’une bonté absolue ou « en soi ». C’est eu égard à cette acception courante du mot ἀγαθός chez les Grecs qu’il convient de comprendre et d’interpréter l’ἰδέα τοῦ ἀγαθοῦ, l’Idée du Bien chez Platon, selon Heidegger.

[BOUTOT  , Alain. Heidegger et Platon. Le problème du nihilisme. Paris: PUF, 1987]


Ver online : Alain Boutot