Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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être de l’étant

quarta-feira 13 de dezembro de 2023

Sein des Seienden   [SZ  ]

Dans la mesure où l’être constitue le questionné et où être veut dire ÊTRE DE L’ÉTANT, c’est l’étant lui-même qui apparaît comme l’interrogé de la question de l’être. C’est lui qui, pour ainsi dire, a à répondre de son être. Mais s’il doit pouvoir révéler sans falsification les caractères de son être, il faut alors que, de son côté, il soit d’abord devenu accessible tel qu’il est en lui-même. Du point de vue de son interrogé, la question de l’être exige l’obtention et la consolidation préalable du mode correct d’accès à l’étant. Seulement, nous appelons « étant » beaucoup de choses, et dans beaucoup de sens. Étant : tout ce dont nous parlons, tout ce que [7] nous visons, tout ce par rapport à quoi nous nous comportons de telle ou telle manière - et encore ce que nous sommes nous-mêmes, et la manière dont nous le sommes. L’être se trouve dans le « que » et le « quid   », dans la réalité, dans l’être-sous-la-main, dans la subsistance, dans la validité, dans l’être-là [existence], dans le « il y a ». Sur quel étant le sens de l’être doit-il être déchiffré, dans quel étant la mise à découvert de l’être doit-elle prendre son départ ‘ Ce point de départ est-il arbitraire, ou bien un étant déterminé détient-il une primauté dans l’élaboration de la question de l’être ‘ Quel est cet étant exemplaire et en quel sens a-t-il une primauté ‘ EtreTemps2

Que Descartes   soit « dépendant » de la scolastique médiévale et utilise sa terminologie, tout connaisseur du Moyen Âge peut s’en apercevoir. Néanmoins, rien n’est philosophiquement gagné avec cette « découverte » aussi longtemps que demeure obscure la portée fondamentale de cette influence de l’ontologie   médiévale sur la détermination - ou la non-détermination - ontologique de la res cogitans   pour les temps à venir. Et cette portée ne peut être appréciée que si préalablement le sens et les limites de l’ontologie antique sont mises en évidence à partir d’une orientation sur la question de l’être. En d’autres termes, la destruction se voit confrontée à la tâche d’interpréter le sol de l’ontologie antique à la lumière de la problématique de l’être-temporal  . Or il apparaît alors que l’explicitation antique de l’ÊTRE DE L’ÉTANT est orientée sur le « monde » ou la « nature » au sens le plus large et qu’en effet elle obtient la compréhension de l’être à partir du « temps ». La preuve extérieure - elle n’est bien sûr que cela - en est la détermination du sens de l’être comme parousia   ou ousia, ce qui signifie ontologico-temporalement la « présence ». L’étant est saisi en son être comme « présence », c’est-à-dire qu’il est compris par rapport à un mode temporel déterminé, le « présent ». EtreTemps6

Avec la caractérisation provisoire de l’objet thématique de la recherche (ÊTRE DE L’ÉTANT, ou sens de l’être en général), il semble que sa méthode soit aussi et déjà pré-dessinée. La dissociation de l’être par rapport à l’étant et l’explication de l’être lui-même, c’est là la tâche de l’ontologie. Mais la méthode de l’ontologie demeure au plus haut degré problématique tant que l’on veut - par exemple - prendre conseil auprès d’ontologies historiquement transmises ou de tentatives de ce genre. Comme le terme d’ontologie n’est appliqué à la présente recherche qu’en un sens formellement vaste, la voie qui consisterait à clarifier sa méthode en étudiant son histoire s’interdit d’elle-même. EtreTemps7

Si dans une telle saisie du concept de phénomène, l’indétermination subsiste touchant l’étant qui est advoqué comme phénomène, et si en général la question reste ouverte de savoir si ce qui se montre est à chaque fois un étant ou un caractère d’ÊTRE DE L’ÉTANT, c’est qu’on se sera borné à obtenir le concept formel de phénomène. Mais que l’on entende par ce qui se montre l’étant qui, au sens de Kant   par exemple, est accessible grâce à l’intuition empirique, et alors le concept formel de phénomène trouve son application correcte. Le phénomène ainsi employé remplit la signification du concept vulgaire de phénomène. Cependant, ce concept vulgaire n’est pas le concept phénoménologique de phénomène. Dans l’horizon   de la problématique kantienne, ce qui est conçu phénoménologiquement sous le nom de phénomène peut, sans préjudice d’autres différences, être illustré en disant : ce qui se montre déjà, d’emblée et conjointement, quoique non thématiquement, dans les apparitions - dans le phénomène vulgairement entendu - peut-être thématiquement porté au se-montrer, et ce-qui-ainsi-se-montre-en-soi-même (« formes de l’intuition »), voilà les phénomènes de la phénoménologie. Car manifestement l’espace et le temps doivent nécessairement pouvoir se montrer ainsi, ils doivent pouvoir devenir phénomènes si Kant prétend énoncer une proposition transcendantale fondée lorsqu’il dit que l’espace est le « où » apriorique d’un ordre. EtreTemps7

Mais ce qui en un sens privilégié demeure retiré, ou bien retombe dans le recouvrement, ou bien ne se montre que de manière « dissimulée », ce n’est point tel ou tel étant, mais, ainsi que l’ont montré nos considérations initiales, l’ÊTRE DE L’ÉTANT. Il peut être recouvert au point d’être oublié, au point que la question qui s’enquiert de lui et de son sens soit tue. Ce qui par conséquent requiert, en un sens insigne et à partir de sa réalité la plus propre, de devenir phénomène, c’est cela dont la phénoménologie s’est thématiquement « emparée » comme de son objet. EtreTemps7

La phénoménologie est le mode d’accès à et le mode légitimant de détermination de ce qui doit devenir le thème de l’ontologie. L’ontologie n’est possible que comme phénoménologie. Le concept phénoménologique de phénomène désigne, au titre de ce qui se montre, l’ÊTRE DE L’ÉTANT, son sens, ses modifications et dérivés. Et le se-montrer n’est pas quelconque, [36] ni même quelque chose comme l’apparaître. L’ÊTRE DE L’ÉTANT peut moins que jamais être quelque chose « derrière quoi » se tiendrait encore quelque chose « qui n’apparaît pas ». EtreTemps7

Comme le phénomène au sens phénoménologique est toujours seulement ce qui constitue l’être, et que l’être est toujours ÊTRE DE L’ÉTANT, il est d’abord besoin, afin de libérer l’être, d’un apport correct de l’étant lui-même. Celui-ci doit aussi bien se montrer selon le mode d’accessibilité qui lui appartient authentiquement. Ainsi le concept vulgaire de phénomène devient-il phénoménologiquement pertinent. Cependant, la tâche préalable d’une confirmation « phénoménologique » de l’étant exemplaire comme point de départ pour l’analytique proprement dite est toujours déjà pré-dessinée à partir du but de celle-ci. EtreTemps7

Considérée en son contenu, la phénoménologie est la science de l’ÊTRE DE L’ÉTANT - l’ontologie. Lors de notre éclaircissement des tâches de l’ontologie, nous est apparue la nécessité d’une ontologie-fondamentale ayant pour thème l’étant ontologico-ontiquement privilégié, le Dasein  , mais aussi pour intention   de se convoquer devant le problème cardinal, à savoir la question du sens de l’être en général. Or la recherche même nous montrera que le sens méthodique de la description phénoménologique est l’explicitation. Le logos   de la phénoménologie du Dasein a le caractère de l’hermeneuein par lequel sont annoncés à la compréhension d’être qui appartient au Dasein lui-même le sens authentique de l’être et les structures fondamentales de son propre être. La phénoménologie du Dasein est herméneutique au sens originel du mot, d’après lequel il désigne le travail de l’explicitation. Cependant, dans la mesure où par la mise à découvert du sens de l’être et des structures fondamentales du Dasein en général est ouvert l’horizon de toute recherche ontologique ultérieure sur l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig], cette herméneutique devient en même temps « herméneutique » au sens de l’élaboration des conditions de possibilité de toute recherche ontologique. Et pour autant, enfin, que le Dasein a la primauté ontologique sur tout étant - en tant qu’il est dans la possibilité de l’existence -, l’herméneutique en tant qu’explicitation [38] de l’être du Dasein reçoit un troisième sens spécifique, à savoir le sens, philosophiquement premier, d’une analytique de l’existentialité, de l’existence. Dans cette herméneutique, en tant qu’elle élabore ontologiquement l’historialité du Dasein comme la condition ontique de possibilité de la recherche historique, s’enracine par conséquent ce qui n’est nommé que dérivativement « herméneutique » : la méthodologie des sciences historiques de l’esprit. EtreTemps7

Les deux caractères du Dasein qu’on a esquissés : la primauté de l’« existentia   » sur l’essentia  , la mienneté, indiquent déjà qu’une analytique de cet étant est convoquée devant une région phénoménale spécifique. Cet étant n’a pas, n’a jamais le mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT qui est seulement sous-la-main à l’intérieur du monde. Par conséquent, il ne peut pas non plus être thématiquement prédonné à la façon dont on « trouve » un étant sous-la-main. Sa prédonation correcte va si peu de soi que la déterminer constitue déjà une pièce essentielle de l’analytique ontologique de cet étant. De l’accomplissement sûr de la prédonation convenable de cet étant dépend la possibilité de porter en général l’être de cet étant à la compréhension. Quelque provisoire que soit l’analyse, elle exige toujours déjà que le point de départ correct soit assuré. EtreTemps9

Du reste, cette exemplification historique de l’intention de l’analytique risque en même temps d’égarer. Car l’une de ses premières tâches sera de montrer que la position initiale d’un moi ou d’un sujet d’emblée donné manque radicalement la réalité phénoménale du Dasein. Toute idée de « sujet » persiste - à moins qu’elle n’ait été clarifiée par une détermination ontologique fondamentale préalable - à poser ontologiquement le subjectum (hypokeimenon  ), et cela quelle que soit l’énergie avec laquelle on se défend, sur le plan ontique, de toute « substantialisation de l’âme » ou « chosification de la conscience [Gewissen  ] ». Mais il est tout d’abord besoin d’assigner à la choséité [Dinglichkeit  ] elle-même sa provenance ontologique si l’on veut pouvoir poser la question de savoir ce qu’il faut comprendre positivement par un être non chosifié du sujet, de l’âme, de la conscience [Gewissen], de l’esprit de la personne. Car si tous ces titres nomment autant de domaines phénoménaux déterminés et « explorables », leur usage ne va jamais sans une indifférence remarquable à s’enquérir de l’ÊTRE DE L’ÉTANT ainsi désigné. Ce n’est donc point l’effet d’un arbitraire dans la terminologie si nous évitons ces titres, ainsi que les expressions de « vie » et d’« homme », pour désigner l’étant que nous sommes nous-mêmes. EtreTemps10

En soulignant l’absence de toute réponse univoque et assez fondée ontologiquement à la question du mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT que nous sommes nous-mêmes du côté de l’anthropologie  , de la psychologie   et de la biologie  , nous ne portons aucun jugement sur le travail positif de ces disciplines. D’autre part, il faut constamment se rappeler qu’il n’est pas question d’induire après coup et hypothétiquement ces fondements ontologiques absents à partir du matériel empirique de ces disciplines, puisque au contraire ces fondements sont toujours déjà là dès l’instant que du matériel empirique est seulement rassemblé. Que la recherche positive   n’aperçoive point ces fondements et les prenne pour allant de soi, cela ne prouve nullement qu’ils ne sont pas à la base de cette recherche, et qu’ils ne posent problème dans un sens bien plus radical que ne peut l’être une thèse de la science positive [NA: Néanmoins, l’ouverture d’un a priori   n’est pas construction « apriorique ». Grâce à E. Husserl  , nous avons réappris non seulement à comprendre le sens de toute « empirie » philosophique authentique, mais encore à manier l’outil [Zeug  ] nécessaire pour y trouver accès. L’« apriorisme » est la méthode de toute philosophie   scientifique qui se comprend elle-même. Comme il n’a rien à voir avec une construction, la recherche de l’a priori requiert la préparation convenable du sol phénoménal. L’horizon prochain qui doit nécessairement être préparé pour l’analytique du Dasein consiste dans sa quotidienneté [Alltäglichkeit  ] médiocre.]. EtreTemps10

L’« être-auprès » du monde en tant qu’existential ne peut en aucun cas signifier de chose survenantes. Un « être-à-côté » d’un étant nommé Dasein et d’un autre étant nommé « monde », cela n’existe pas. D’ailleurs, nous avons coutume d’exprimer parfois l’être-ensemble de deux choses sous-la-main en disant : « La table est "auprès" de la porte », « la chaise "touche" le mur ». Mais de « contact », il ne saurait ici être question en toute rigueur, non seulement parce qu’un examen plus attentif finit toujours par constater l’existence d’un espace intermédiaire entre la chaise et le mur, mais plutôt parce que la chaise ne peut fondamentalement pas toucher le mur, quand bien même l’espace intermédiaire en question s’annulerait. Pour cela, en effet, il faudrait que le mur puisse faire encontre [begegnen  ] « à » la chaise. Un étant ne peut toucher un étant sous-la-main à l’intérieur du monde que s’il a nativement le mode d’être de l’être-à… - que si, avec son Da-sein  , lui est déjà découvert quelque chose comme un monde à partir duquel de l’étant puisse se manifester dans le contact, pour ainsi devenir accessible en son être-sous-la-main. Deux étants qui sont sous-la-main à l’intérieur du monde et, qui plus est, sont en eux-mêmes sans-monde ne sauraient se « toucher », aucun des deux ne peut « être auprès de » l’autre. Notre ajout : « et qui de surcroît sont sans-monde » ne doit pas être omis, puisque même un étant qui n’est pas sans-monde - par exemple le Dasein lui-même - est sous-la-main « dans » le monde, plus exactement peut être appréhendé avec un certain droit et dans certaines limites comme seulement sous-la-main. Ce qui exige de faire totalement abstraction de, ou ne pas apercevoir du tout la constitution existentiale de l’être-à… Néanmoins, il n’est pas question de confondre cette appréhension possible du « Dasein » comme étant, ou n’étant plus que sous-la-main, avec certain mode d’« être-sous-la-main » propre au Dasein. Ce mode, en effet, n’est plus accessible à qui fait abstraction des structures spécifiques du Dasein, mais au contraire seulement à qui les comprend d’emblée. Le Dasein [56] comprend son être le plus propre au sens d’un certain « être-sous-la-main factuel » NA: Cf. infra, §29 [EtreTemps29], p. [134-140]. Et pourtant la « factualité » du fait du Dasein propre est ontologiquement sans commune mesure avec la survenance factuelle d’une espèce minérale. La factualité propre au fait du Dasein, ce mode en lequel tout Dasein est à chaque fois, nous l’appelons sa facticité. La structure compliquée de cette déterminité [Bestimmtheit  ] d’être ne peut elle-même être saisie comme problème qu’à la lumière d’une élaboration préalable des constituants existentiaux fondamentaux du Dasein. Le concept de facticité inclut ceci : l’être-au-monde [In-der-Welt-sein  ] d’un étant « intramondain », mais d’un étant capable de se comprendre comme lié en son « destin » à l’ÊTRE DE L’ÉTANT qui lui fait encontre à l’intérieur de son propre monde. EtreTemps12

Mais, demandera-t-on, la détermination jusqu’ici proposée de cette constitution d’être ne s’enferme-t-elle pas exclusivement dans des énoncés négatifs ‘ Nous ne cessons d’apprendre ce que cet être-à… présumé si fondamental n’est pas. Assurément. Cependant, cette prépondérance de la caractérisation négative n’est point fortuite. Elle annonce   bien plutôt elle-même la spécificité du phénomène, et par là elle est positive en un sens authentique, adéquat au phénomène lui-même. Si la mise en lumière phénoménologique de l’être-au-monde [In-der-Welt  -sein] a le caractère d’un rejet des dissimulations et des recouvrements, c’est parce que ce phénomène est toujours déjà « vu » en quelque manière lui-même en tout Dasein. Et s’il en est ainsi, c’est parce qu’il est une constitution fondamentale du Dasein, parce qu’il est toujours déjà ouvert avec son être pour sa compréhension d’être. Néanmoins, le phénomène, la plupart du temps, est toujours déjà aussi radicalement mésinterprété, ou interprété de manière ontologiquement insuffisante. Et pourtant cette modalité même : « voir d’une certaine façon et quand même mésinterpréter le plus souvent » ne se fonde elle-même en rien d’autre qu’en cette constitution d’être même du Dasein conformément à laquelle il se comprend de prime abord lui-même - donc aussi son être-au-monde [In-der-Welt-sein] - à partir de l’étant et de l’ÊTRE DE L’ÉTANT qu’il n’est pas lui-même, mais qui lui fait encontre « à l’intérieur » de son monde. EtreTemps12

Tandis qu’il s’oriente vers l’étant et qu’il le saisit, le Dasein ne sort point de sa sphère intérieure où il serait d’abord enfermé, mais, conformément à son mode d’être originel, il est toujours déjà « dehors », auprès d’un étant qui lui fait encontre dans le monde à chaque fois déjà découvert. Quant au séjour déterminant auprès de l’étant à connaître, il n’est pas davantage un abandon de la sphère intérieure : même en cet « être-dehors » auprès de l’objet, le Dasein est « à l’intérieur », mais en ce sens précis que c’est lui-même, en tant qu’être-au-monde [In-der-Welt-sein], qui connaît. Enfin, l’accueil du connu ne doit pas être compris comme un retour, après la sortie qui lui a permis de s’en saisir, du sujet, chargé de son butin, dans la « retraite » de la conscience [Gewissen] ; au contraire, même en tant qu’il accueille, préserve et conserve, le Dasein connaissant demeure, en tant que Dasein, dehors. Le « simple » savoir d’une relation d’ÊTRE DE L’ÉTANT, la « pure » représentation de cette relation, le fait d’y « penser, sans plus » ne me placent pas moins auprès de l’étant, dehors dans le monde, que ne le fait une saisie originaire. Même l’oubli, où apparemment s’efface toute relation d’être à l’étant auparavant connu, doit être conçu comme une modification de l’être-à… originaire, et autant vaut de toute illusion   et de toute erreur. EtreTemps13

Les considérations précédentes aussi bien que l’emploi courant du mot « monde » témoignent avec éclat de sa plurivocité. Débrouiller cette multiplicité de sens peut être un bon moyen d’indiquer les divers phénomènes qui leur correspondent, ainsi que leurs connexions mutuelles : 1. « Monde » est employé comme concept ontique et signifie alors le tout de l’étant qui peut-être sous-la-main à l’intérieur du monde. 2. « Monde » fonctionne comme terme ontologique et signifie l’ÊTRE DE L’ÉTANT nommé sous 1. « Monde » peut alors très bien devenir le titre d’une région embrassant une multiplicité d’étants ; dans l’expression : le « monde » du mathématicien, par exemple, le [65] monde signifie la région des objets possibles de la mathématique. 3. « Monde » peut être encore une fois compris dans un sens ontique. Il ne désigne plus, à présent, l’étant que le Dasein n’est essentiellement pas et qui peut faire encontre [begegnen] de manière intramondaine, mais ce « où » un Dasein factice « vit » en tant que tel. Le monde a ici une signification existentielle préontologique, qui comporte à nouveau diverses possibilités, selon que le monde désigne le monde « public » du « nous » ou le monde ambiant « propre » et prochain (domestique). 4. « Monde », enfin, désigne le concept ontologico-existential de la mondanéité [Weltlichkeit]. La mondanéité [Weltlichkeit] est elle-même modifiable selon le tout structurel à chaque fois propre à des « mondes » particuliers, mais elle implique l’a priori de la mondanéité [Weltlichkeit] en général. Terminologiquement, nous prendrons ici le mot monde dans la troisième des significations citées. S’il est parfois employé selon la première de ces significations, celle-ci sera signalée à l’aide de guillemets. EtreTemps14

Un regard sur l’ontologie traditionnelle nous apprend qu’en manquant l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] comme constitution du Dasein, on passe du même coup à côté du phénomène de la mondanéité [Weltlichkeit]. Au lieu de l’apercevoir, on tente d’interpréter le monde à partir de l’ÊTRE DE L’ÉTANT qui est sous-la-main de manière intramondaine, sans pour autant y être même d’abord découvert comme tel, c’est-à-dire à partir de la nature. La nature, entendue de manière ontologico-catégoriale, est un cas-limite de l’étant intramondain possible. Le Dasein ne peut découvrir l’étant comme nature qu’à l’intérieur d’un mode déterminé de son être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Ce connaître a le caractère d’une certaine démondanisation du monde. La « nature » comme ensemble catégorial des structures d’être d’un certain étant faisant encontre à l’intérieur d’un monde ne saurait en aucun cas rendre la mondanéité [Weltlichkeit] intelligible. De même le phénomène de la « nature » au sens du concept romantique de la nature, par exemple, n’est-il saisissable ontologiquement qu’à partir du concept de monde, c’est-à-dire à partir de l’analytique du Dasein. EtreTemps14

Notre interprétation provisoire de la structure d’ÊTRE DE L’ÉTANT à-portée-de-la-main (des « outils ») a mis en évidence le phénomène du renvoi ; elle l’a fait, cependant, de manière si schématique que nous avions en même temps souligné la nécessité de mettre à découvert ce phénomène, d’abord simplement indiqué, en sa provenance ontologique. De plus, il est apparu que le renvoi et la totalité de renvois devaient en un certain sens être constitutifs de la mondanéité [Weltlichkeit] elle-même. Le monde, en effet, nous ne l’avons vu jusqu’ici que luire dans et pour des guises déterminées de la préoccupation [Besorgen  ] pour l’étant à-portée-de-la-main dans le monde ambiant, plus précisément avec l’être-à-portée-de-la-main de cet étant. Par suite, plus [77] nous pénétrerons dans la compréhension de l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain, et plus s’élargira et se consolidera le sol phénoménal pour la libération du phénomène du monde. EtreTemps17

La tournure [Bewandtnis  ], tel est l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain, l’être vers lequel il est à chaque fois déjà de prime abord libéré. Avec lui, en tant qu’étant, il retourne à chaque fois de ceci ou de cela. Cela, avoir une tournure [Bewandtnis], est la détermination ontologique de l’être de cet étant, et non pas un énoncé ontique à son sujet. Ce dont il retourne, voilà le pour-quoi de l’utilité et le à-quoi de l’employabilité. Avec le pour-quoi de l’utilité, il peut derechef retourner de… ; par exemple, avec cet étant à-portée-de-la-main que nous appelons, et pour cause, un marteau, ce dont il retourne, c’est de marteler ; avec ce martèlement, il retourne de consolider une maison ; avec cette consolidation, de se protéger des intempéries ; cette protection « est » en vue de l’abritement du Dasein, autrement dit en vue d’une possibilité de son être. De quoi retourne-t-il avec un étant à-portée-de-la-main, cela est à chaque fois prétracé à partir de la totalité de tournure [Bewandtnis]. La totalité de tournure [Bewandtnis] qui, par exemple, constitue en son être-à-portée-de-la-main l’étant à portée de la main dans un atelier, est « antérieure » à l’outil [Zeug] singulier ; de même, autre exemple, celle d’une ferme, avec l’ensemble de son matériel et de ses bâtiments. Mais la totalité de tournure [Bewandtnis] renvoie elle-même en dernière instance à un pour-quoi avec lequel il ne retourne plus de rien - autrement dit qui n’est plus un étant sur le mode d’être de l’à-portée-de-la-main à l’intérieur d’un monde, mais un étant dont l’être est déterminé comme être-au-monde [In-der-Welt-sein], à la constitution d’être duquel la mondanéité [Weltlichkeit] elle-même appartient. Ce pour-quoi primaire n’est plus un pour-cela comme « de » possible d’une tournure [Bewandtnis]. Le « pour-quoi » primaire est un en-vue-de-quoi. Mais le en-vue-de concerne toujours l’être du DASEIN, pour lequel en son être il y va toujours essentiellement de cet être. Nous n’avons pas encore à poursuivre plus avant la connexion indiquée, conduisant de la structure de la tournure [Bewandtnis] à l’être du Dasein en tant que en-vue-de-quoi authentique et unique. Préalablement, le « laisser-retourner » exige d’être suffisamment clarifié pour que nous portions le phénomène de la mondanéité [Weltlichkeit] à la déterminité [Bestimmtheit] requise pour pouvoir en général soulever les problèmes qui la concernent. EtreTemps18

Mais, lorsque nous déterminons ainsi l’être de l’à-portée-de-la-main (tournure [Bewandtnis]) et même la mondanéité [Weltlichkeit] elle-même comme un complexe de renvois, cela ne revient-il pas à volatiliser l’« être substantiel » de l’étant intramondain en un système de relations, et puisque des relations sont toujours simplement « pensées », à dissoudre l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain dans [88] la « pure pensée » ‘ EtreTemps18

À l’intérieur du champ de recherches qui est actuellement le nôtre, l’essentiel est de maintenir de manière fondamentale les différences - que nous n’avons cessé de marquer - entre les diverses structures et dimensions de la problématique ontologique : 1. l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain tel qu’il fait de prime abord encontre (être-à-portée-de-la-main) ; 2. l’être de l’’étant (être-sous-la-main) qui devient trouvable et déterminable dans une traversée spécifiquement découvrante de l’étant de prime abord rencontré ; 3. l’être de la condition ontique de possibilité de la découvrabilité de l’étant intramondain en général - la mondanéité [Weltlichkeit] du monde. L’être nommé en dernier lieu est une détermination existentiale de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], c’est-à-dire du Dasein. Quant aux deux premiers concepts de l’être, ce sont des catégories, qui ne concernent que l’étant dont l’être n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig]. - On peut certes saisir formellement le complexe de renvois qui constitue en tant que significativité [Bedeutsamkeit  ] la mondanéité [Weltlichkeit] au sens d’un système de relations. Mais il importe seulement d’observer que de telles formalisations nivellent les phénomènes jusqu’à en ruiner la teneur phénoménale authentique, surtout lorsqu’elles s’appliquent à des rapports aussi « simples » que ceux qu’abrite la significativité [Bedeutsamkeit]. En leur teneur phénoménale, ces « relations » et ces « relatifs » du pour…, du en-vue-de…, de l’avec… d’une tournure [Bewandtnis] répugnent à toute fonctionnalisation mathématique ; pas davantage ne sont-ils des notions, des fruits de la seule « pensée » : ils sont les rapports où la circon-spection préoccupée en tant que telle séjourne à chaque fois déjà. Ce « système de relation » comme constituant de la mondanéité [Weltlichkeit] volatilise si peu l’être de l’à-portée-de-la-main intramondain que c’est seulement sur la base de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde que cet étant est découvrable en son « en soi substantiel ». Et de même c’est seulement si de l’étant intramondain peut en général faire encontre [begegnen] que s’ouvre la possibilité de rendre accessible dans le champ de cet étant le sans-plus-sous-la-main. Ce dernier type d’étant, sur la base de son être-sans-plus-sous-la-main, peut être déterminé mathématiquement en « concepts fonctionnels » du point de vue de ces « propriétés ». Mais des concepts fonctionnels de cette sorte ne sont en général ontologiquement possibles que par rapport à de l’étant dont l’être a le caractère de la pure substantialité : des concepts fonctionnels ne sont jamais possibles que comme concepts substantiels formalisés [NT: Allusion critique au livre d’E. Cassirer  , Substanzbegriff und Funktionsbegriff, 1925, traduit en français en 1977 par P. Caussat sous le titre Substance et fonction.]. EtreTemps18

La détermination ontologique de la res corporea exige l’explication de la substance, c’est-à-dire de la substantialité de cet étant en tant que substance. Qu’est-ce qui constitue l’être-en-lui-même propre de la res corporea ‘ Comment une substance est-elle comme telle saisissable, autrement dit comment sa substantialité l’est-elle ‘ « Et quidem ex quolibet attributo substantia   cognoscitur ; sed una tamen est cujusque substantiae praecipua proprietas, quae ipsius naturam essentiamque constituit, et ad quam aliae omnes referuntur » [NA: Principia, I, 53, A.-T., t. VIII, p. 25; NT: (« Certes la substance est connaissable par un attribut quelconque ; toutefois, chaque substance à une propriété principale qui constitue sa nature ou essence, et à laquelle toutes les autres sont relatives. » Sur ces citations de Descartes, v. le Handbuch, p. 458-459.)]. Les substances sont accessibles dans leurs « attributs », et toute substance a une propriété insigne où devient déchiffrable l’essence de la substantialité d’une substance déterminée. Quelle sera cette propriété dans le cas de la res corporea ‘ « Nempe extensio in longum, latum et profundum, substantiae corporeae naturam constituit » [NA: Ibid.]: « l’extension en longueur, largeur et profondeur constitue l’être véritable de la substance corporelle » que nous appelons « monde ». Or qu’est-ce qui confère à l’extensio un tel privilège ‘ « Nam omne aliud quod corpori tribui potest, extensionem praesupponit » [NA: Ibid.; NT: (« Car tout ce qui peut être attribué d’autre à un corps présuppose l’extension. »)]. L’extension est cette constitution d’ÊTRE DE L’ÉTANT en question, qui doit « être » avant toutes les autres déterminations d’être afin que celles-ci puissent « être » ce qu’elles sont. L’extension doit pouvoir être primairement « assignée » à la chose corporelle. Et c’est pourquoi la preuve de l’extension et de la substantialité du « monde » caractérisée par elle s’accomplira en montrant comment toutes les autres déterminité [Bestimmtheit]s de cette substance, avant tout la divisio, la figura, le motus  , ne peuvent être conçues que comme des modi   de l’extensio, alors qu’inversement l’extensio demeure intelligible sine figura vel motu. EtreTemps19

La question critique suivante s’élève : est-ce que cette ontologie du « monde » s’enquiert vraiment du phénomène du monde, et, sinon, détermine-t-elle à tout le moins un étant intramondain au point que sa mondialité [Weltmässigkeit] puisse y être rendue visible ‘ Dans les deux cas, la réponse doit être négative. L’étant que Descartes s’efforce de saisir en son fond ontologique grâce à l’extensio n’est au contraire découvrable que moyennant le passage par un étant intramondain de prime abord à-portée-de-la-main. Cependant, quand bien même il en serait ainsi, quand bien même la caractérisation ontologique de cet étant intramondain déterminé (la nature) - aussi bien l’idée de substantialité que le sens du existit et du ad existendum inclus dans sa définition - conduirait dans l’obscurité, la possibilité ne subsiste-t-elle point de poser et de promouvoir d’une certaine manière le problème ontologique du monde à l’aide d’une ontologie qui se fonde sur la scission radicale de Dieu, du Moi et du « monde » ‘ Réponse : que même cette possibilité ne subsiste point, c’est là justement ce qui exige de montrer expressément que Descartes n’en est même pas à se tromper dans la détermination ontologique du monde, mais que son interprétation et les fondements sur lesquels elle repose ont conduit à passer par-dessus le phénomène du monde aussi bien que par-dessus l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain de prime abord à-portée-de-la-main. EtreTemps21

Pourtant, répliquera-t-on, même si en effet le problème du monde ainsi que l’ÊTRE DE L’ÉTANT qui fait de prime abord encontre dans le monde ambiant lui demeurent recouverts, Descartes n’en a pas moins posé les fondements de la caractérisation ontologique de l’étant intramondain qui fonde en son être tout autre étant, à savoir la nature matérielle. C’est sur celle-ci, considérée comme la couche fondamentale, que s’édifient les autres couches de la réalité intramondaine ; c’est dans la chose étendue comme telle que se fondent tout d’abord les déterminité [Bestimmtheit]s ; qui certes se manifestent comme qualités, mais n’en sont pas moins « au fond » des modifications quantitatives des modes de l’extensio. Puis, sur ces qualités encore [99] réductibles, s’appuient ensuite les qualités spécifiques comme « beau », « laid », « adéquat », « inadéquat », « convenable », « non convenable » ; ces qualités, si on les envisage selon une orientation primaire sur la choséité [Dinglichkeit], doivent être saisies comme des prédicats axiologiques non quantifiables, qui confèrent à la chose d’abord seulement matérielle le caractère d’un objet de valeur. Avec cette stratification, la réflexion accède même à l’étant que nous avions caractérisé ontologiquement comme l’outil [Zeug] à-portée-de-la-main. Il semble bien, par conséquent, que l’analyse cartésienne du « monde » procure des fondations solides à la structure de l’étant de prime abord à-portée-de-la-main, et qu’elle requière tout au plus que l’on complète - comme il est aisé de le faire - la chose naturelle en chose d’usage au plein sens du terme. EtreTemps21

Et pourtant, même abstraction faite du problème spécifique du monde, peut-on espérer accéder ontologiquement par cette voie à l’ÊTRE DE L’ÉTANT qui fait de prime abord encontre dans le monde ambiant ‘ En se référant à la choséité [Dinglichkeit] matérielle, n’a-t-on pas déjà posé tacitement un sens de l’être - l’être-sous-la-main chosique constant - auquel l’équipement après coup de l’étant à l’aide de prédicats axiologiques apportera ensuite si peu un complément ontologique que ces caractères de valeur, au contraire, ne demeurent eux-mêmes que des déterminité [Bestimmtheit]s ontiques d’un étant qui a le mode d’être de la chose ‘ L’ajout de prédicats axiologiques n’est pas le moins du monde capable de nous apporter de nouvelle révélation sur l’être des « biens », s’il est vrai qu’il ne fait que présupposer à nouveau pour eux le mode d’être du pur être-sous-la-main. Des valeurs sont des déterminité [Bestimmtheit]s sous-la-main d’une chose. Elles ne tiennent finalement leur origine ontologique que de la position préalable de la réalité chosique comme couche fondamentale. Or l’expérience préphénoménologique nous montre déjà dans l’étant prétendument chosique quelque chose que la choséité [Dinglichkeit] ne parvient pas à rendre pleinement compréhensible. L’être chosique, par conséquent, a besoin d’un complément. Que signifie donc ontologiquement l’être des valeurs, ou leur « validité » que Lotze   interprétait comme un mode d’« affirmation » ‘ Que signifie ontologiquement cette « adhérence » des valeurs aux choses ‘ Tant que ces déterminations demeurent dans l’obscurité, la reconstruction de la chose d’usage à partir de la chose naturelle ne peut apparaître que comme une opération ontologiquement discutable, indépendamment même de l’inversion fondamentale de la problématique qu’elle représente. Car cette reconstruction de la chose d’usage que l’on a d’abord « dépouillée » n’a-t-elle pas toujours déjà besoin du regard préalable, positif sur le phénomène dont la totalité doit être reproduite dans la reconstruction ‘ Car si la constitution d’être la plus propre de celui-ci n’est pas d’abord adéquatement explicitée, alors la reconstruction ne reconstruit-elle point sans le moindre plan ‘ Dans la mesure où cette reconstruction et ce « complément » de l’ontologie traditionnelle du « monde » atteint pour résultat ce même étant dont était partie notre analyse [100] antérieure de l’être-à-portée-de-la-main de l’outil [Zeug] et de la totalité de tournure [Bewandtnis], elle crée l’illusion que l’être de cet étant serait en effet éclairci, ou tout au moins pris comme problème. Mais aussi peu Descartes, grâce à l’extensio comme proprietas, touche à l’être de la substance, tout aussi peu le recours à des propriétés « axiologiques » est capable de porter seulement sous le regard l’être comme être-à-portée-de-la-main, et encore moins de faire de lui un thème proprement ontologique. EtreTemps21

Lorsque nous attribuons au Dasein lui-même une spatialité, un tel « être dans l’espace » doit manifestement être compris à partir du mode d’être de cet étant. La spatialité du Dasein - lequel n’a essentiellement rien à voir avec l’être-sous-la-main - ne peut signifier ni quelque chose comme la survenance dans un emplacement de l’« espace du monde », ni l’être-à-portée-de-la-main à une place. Car l’une et l’autre sont des modes d’ÊTRE DE L’ÉTANT rencontré à l’intérieur du monde. Le Dasein, lui, est « au » monde au sens de l’usage préoccupé et familier de l’étant qui fait encontre de manière intramondaine. Si donc de la spatialité lui échoit en quelque façon, cela n’est possible que sur le fondement de cet être-à. [105] Or la spatialité de celui-ci manifeste les caractères de l’é-loignement [Entfernung  ] et de l’orientation. EtreTemps23

En apparence, nos indications formelles au sujet des déterminité [Bestimmtheit]s fondamentales du Dasein (cf. §9 [EtreTemps9]) ont déjà fourni la réponse à la question de savoir qui cet étant (le Dasein) est à chaque fois. Le Dasein est un étant que je suis à chaque fois moi-même, son être est mien. Cette détermination indique une constitution ontologique, mais elle ne fait pas plus. Elle contient en même temps l’indication ontique - au demeurant grossière - selon laquelle c’est à chaque fois un Je qui est cet étant, et non pas autrui. La question qui ‘ puise sa réponse dans le Je lui-même, dans le « sujet », le « Soi-même ». Le qui est ce qui se maintient identique dans le changement des comportements et des vécus, et qui se rapporte alors à cette multiplicité. Ontologiquement, nous le comprenons comme ce qui est à fois, déjà et constamment sous-la-main dans et pour une région close - comme ce qui gît au fond en un sens éminent : subjectum. Celui-ci, en tant qu’il reste même dans une altérité multiple, a le caractère du Soi-même. On peut bien récuser l’idée de substance de l’âme, de la choséité [Dinglichkeit] de la conscience [Gewissen] ou d’objectivité de la personne, il n’en reste pas moins que, du point de vue ontologique, l’on continue de poser quelque chose dont l’être conserve explicitement ou non le sens de l’être-sous-la-main. La substantialité, tel est le fil conducteur ontologique de la détermination de l’étant à partir duquel la question du qui ‘ reçoit réponse. Tacitement, le [115] Dasein est d’emblée conçu comme sous-la-main ; à tout le moins l’indétermination de son être implique-t-elle toujours ce sens d’être. Et pourtant, l’être-sous-la-main est le mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig]. EtreTemps25

Le Dasein quotidien [alltäglich] puise l’explicitation préontologique de son être dans le mode d’être [130] prochain du On. De prime abord, l’interprétation ontologique suit cette tendance explicitative, elle comprend le Dasein à partir du monde et le trouve comme un étant intramondain. Plus encore : l’ontologie « prochaine » va jusqu’à se laisser donner par le « monde » le sens de l’être par rapport auquel ces « sujets » étants sont compris. Mais comme le phénomène du monde passe lui-même inaperçu dans cette identification au monde, c’est le sous-la-main intramondain, ce sont les choses qui prennent sa place. L’ÊTRE DE L’ÉTANT qui est-Là-avec est conçu comme être-sous-la-main. Ainsi la mise en lumière du phénomène positif de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] quotidien [alltäglich] prochain ouvre-t-elle un aperçu sur la racine de l’omission de cette constitution d’être par l’interprétation ontologique. C’est elle-même qui, en son mode d’être quotidien [alltäglich], se manque et se recouvre de prime abord. EtreTemps27

Dans le projet du comprendre, de l’étant est ouvert en sa possibilité. Le caractère de possibilité correspond à chaque fois au mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT compris. L’étant intramondain en général est projeté vers le monde, c’est-à-dire vers un tout de significativité [Bedeutsamkeit], dans les rapports de renvoi de laquelle la préoccupation [Besorgen] comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] s’est d’entrée de jeu fixée. Lorsque de l’étant intramondain est découvert avec l’être du Dasein, autrement dit lorsqu’il est venu à compréhension, nous disons qu’il a du sens. Cependant, ce qui est compris, ce n’est pas en toute rigueur le sens, mais l’étant - ou l’être. Le sens est ce en quoi la compréhensibilité de quelque chose se tient. Ce qui est articulable dans l’ouvrir compréhensif, nous l’appelons le sens. Le concept de sens embrasse la structure formelle de ce qui appartient nécessairement à ce que l’explicitation compréhensive articule. Le sens est le vers-quoi, tel que structuré par la pré-acquisition, la pré-vision [Vor-sicht  ] et l’anti-cipation, du projet à partir duquel quelque chose devient compréhensible comme quelque chose. Dans la mesure où comprendre et explicitation forment la constitution existentiale de l’être du Là, le sens doit être conçu comme la structure formelle-existentiale de l’ouverture qui appartient au comprendre. Le sens est un existential du Dasein, non pas une propriété qui s’attache à l’étant, est « derrière » lui ou flotte quelque part comme « règne intermédiaire ». De sens, le Dasein n’en « a » que pour autant que l’ouverture de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] est « remplissable » par l’étant découvrable en elle. Seul le Dasein, par suite, peut être sensé ou in-sensé. Ce qui veut dire que son être propre et l’étant ouvert avec lui peut être approprié dans la compréhension ou rester interdit à l’in-compréhension. EtreTemps32

En fin de compte, la recherche philosophique doit se résoudre à demander une bonne fois quel mode d’être échoit à la parole. Est-elle un outil [Zeug] à-portée-de-la-main à l’intérieur du monde, ou bien a-t-elle le mode d’être du Dasein - ou ni l’un, ni l’autre ‘ Quelle modalité l’être de la langue a-t-il pour que celle-ci puisse être « morte » ‘ Qu’est-ce que cela signifie ontologiquement que la croissance et la décomposition d’une langue ‘ Nous possédons une science de la langue, et pourtant l’ÊTRE DE L’ÉTANT qu’elle prend pour thème reste obscur ; plus encore : l’horizon d’un questionnement possible à son sujet est voilé. Est-ce l’effet du hasard si les significations, de prime abord et le plus souvent, sont « mondaines », si elles sont pré-dessinées par la significativité [Bedeutsamkeit] du monde, et même souvent plus spécialement « spatiales », ou bien ce « fait » possède-t-il, et pourquoi, une nécessité ontologico-existentiale ‘ La recherche philosophique devra ici renoncer à une « philosophie du langage » pour s’enquérir des « choses mêmes », et se mettre ainsi dans l’état d’une problématique conceptuellement clarifiée. EtreTemps34

Le « scandale de la philosophie » ne consiste pas en ce que cette preuve se fait encore désirer, mais en ce que de telles preuves sont encore et toujours attendues et tentées. De telles attentes, visées et exigences proviennent d’une position ontologiquement non-satisfaisante de ce vis-à-vis de quoi l’on doit montrer qu’un « monde » sous-la-main est indépendant et « extérieur ». Ce ne sont pas les preuves qui sont insuffisantes, c’est le mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT qui formule et qui réclame ces preuves qui est sous-déterminé. Par suite, l’illusion peut naître qu’en montrant le nécessaire être-ensemble-sous-la-main de deux sous-la-main, l’on établirait, ou même l’on pourrait établir quelque chose sur le Dasein en tant qu’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Mais le Dasein bien compris répugne à de telles preuves, parce qu’il est à chaque fois déjà en son être ce dont des preuves apportées après-coup tiennent la démonstration pour nécessaire. EtreTemps43

Si le titre de réalité désigne l’ÊTRE DE L’ÉTANT sous-la-main à l’intérieur du monde (res) - et il n’est pas question d’y entendre autre chose -, cela signifie pour l’analyse de ce mode d’être que l’étant intramondain ne peut être ontologiquement conçu que si le phénomène de l’intramondanéité [Weltlichkeit] est clarifié. Or celle-ci se fonde dans le phénomène du monde, qui, quant à lui, appartient en tant que moment structurel essentiel de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] à la constitution fondamentale du Dasein. L’être-au-monde [In-der-Welt-sein], à son tour, est ontologiquement solidaire de la totalité structurelle de l’être du Dasein, où nous avons reconnu le souci. Or ainsi sont caractérisés les fondements et les horizons dont la clarification rend seulement possible l’analyse de la réalité. Le caractère de l’en-soi, de même, ne peut devenir ontologiquement compréhensible que dans ce contexte. C’est en nous orientant sur ce contexte problématique que nos analyses antérieures ont interprété l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain [NA: Récemment, Nicolai HARTMANN, à la suite de Scheler  , a placé au fondement de sa théorie de la connaissance, qui est orientée ontologiquement, la thèse du connaître comme « relation d’être ». Cf. ses Grundzüge einer Metaphysik   der Erkenntnis   [Principes d’une métaphysique de la connaissance], 2ème éd. complétée, 1925. Mais Scheler comme Hartmann méconnaissent de la même manière, quelle que soit la différence séparant leurs bases de départ phénoménologiques, que l’ontologie en son orientation fondamentale traditionnelle achoppe sur le Dasein, et que la « relation d’être » (cf. supra, p. [59] sq.) renfermée dans le connaître contraint justement à sa révision fondamentale, et non pas simplement à son amélioration critique. La sous-estimation de l’influence silencieuse d’une position ontologiquement non clarifiée de la relation d’être entraîne Hartmann vers un « réalisme critique » qui, au fond, est totalement étranger au niveau même de la problématique exposée par lui. Sur la conception hartmanienne de l’ontologie, v. son étude « Wie ist kritische   Ontologie überhaupt möglich ‘ » [« Comment l’ontologie critique est-elle en général possible ‘ »], dans la Festschrift Paul Natorp  , 1924, p. 124 sq.]. EtreTemps43

Ce que nous avons été obligés de dire de l’indéterminité [Bestimmtheit] ontologique des fondements chez Dilthey   s’applique fondamentalement à cette théorie. L’analyse fondamentale de la « vie » ne saurait non plus être introduite subrepticement après coup à titre d’infrastructure. C’est elle qui porte et conditionne l’analyse de la réalité, l’explication pleine de la résistivité et de ses présupposés phénoménaux. La résistance fait encontre dans un ne-pas-pouvoir-passer, comme empêchement d’un vouloir-passer. Mais avec celui-ci est d’ores et déjà ouvert quelque chose vers quoi pulsion et volonté sont exposées. Or l’indétermination ontique de ce « vers-quoi » ne saurait ontologiquement passer inaperçue, ou même être saisie comme un rien. L’exposition vers… qui se heurte à la résistance et peut seule s’y « heurter » est elle-même déjà auprès d’une totalité de tournure [Bewandtnis]. Mais la découverte de celle-ci se fonde dans l’ouverture du tout de renvois de la significativité [Bedeutsamkeit]. L’expérience de la résistance, autrement dit la découverte tendue de ce qui résiste, n’est ontologiquement possible que sur la base de l’ouverture du monde. La résistivité caractérise l’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain. Des expériences de résistance ne déterminent facticement que l’ampleur et la direction de la découverte de l’étant faisant encontre à l’intérieur du monde. Leur sommation, bien loin de pouvoir produire seulement l’acte d’ouverture du monde, le présuppose au contraire. Le « contre » est porté en sa possibilité ontologique par l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] ouvert. EtreTemps43

La réalité, en tant que titre ontologique, est rapportée à l’étant intramondain. Si ce titre sert de désignation pour ce mode d’être en général, c’est qu’être-à-portée-de-la-main et être-sous-la-main fonctionnent comme modes de la réalité. Au contraire, si on laisse au mot sa signification traditionnelle, il désigne alors l’être au sens du pur être-sous-la-main chosique. Toutefois, tout être-sous-la-main n’est pas être-sous-la-main chosique. La « nature » qui nous « environne » et nous « embrasse » est sans doute de l’étant intramondain, mais elle ne manifeste ni le mode d’être de l’être-à-portée-de-la-main ni celui du sous-la-main selon la guise de la « choséité [Dinglichkeit] naturelle ». Mais de quelque manière que cet « être » de la nature puisse être interprété, il n’en reste pas moins que tous les modes d’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain sont ontologiquement fondés dans la mondanéité [Weltlichkeit] du monde, et, par là, dans le phénomène de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. D’où il résulte cet aperçu : pas plus que la réalité n’a de primauté à l’intérieur des modes d’ÊTRE DE L’ÉTANT intramondain, pas davantage ce mode d’être ne peut-il adéquatement caractériser ontologiquement quelque chose comme le monde et le Dasein. EtreTemps43

De tous temps, la philosophie a rapproché vérité et être. La première découverte de l’ÊTRE DE L’ÉTANT chez Parménide   « identifie » l’être avec la compréhension ac-cueillante de l’être : to gar auto noein   estin te kai einai   NA: Fragment 5, Diels [= 3, Diels-Kranz].]. Dans son esquisse de l’histoire de la découverte des archai   [NA: Met., A.], Aristote   souligne que c’est guidés par « les choses mêmes » que les [213] philosophes antérieurs à lui furent contraints de questionner plus avant : auto to pragma   hodopoiesen autois kai sunenagkase zetein [NA: Id., 984 a 18 sq.]. Il caractérise encore ce même fait par ces mots : anagkazomenos d’akolouthei tois phainomenois [NA: Id., 986 b 31]; il (Parménide) fut contraint de suivre ce qui se montrait en lui-même. Dans un autre passage, nous lisons : hup’ autes tes aletheias anagkazomenoi [NA: Id., 984 b 10.], c’est contraints par la « vérité » elle-même qu’ils menèrent la recherche. Cette recherche, Aristote la caractérise comme philosophein peri tes aletheias [NA: Id., 983 b 2 ; cf. 988 a 20.], « philosopher » sur la « vérité », ou encore apophainesthia peri tes aletheias [NA: Id., ‘ 1, 993 b 17.], comme un faire-voir qui met en lumière eu égard à et dans l’orbe de la « vérité ». La philosophie elle-même est déterminée comme episteme   tis tes aletheias [NA: Id., 993 b 20.], une science de la « vérité ». Mais en même temps, elle est caractérisée comme une episteme, he theorei to on he on [NA: Id., . 1, 1003 a 21.], une science qui considère l’étant en tant qu’étant, c’est-à-dire eu égard à son être. EtreTemps44

Une recherche ontologique est un mode possible d’explicitation, laquelle a été [232] caractérisée comme élaboration et appropriation d’une compréhension [NA: Cf. supra, §32 [EtreTemps32], p. [148] sq.]. Toute explicitation a sa pré-acquisition, sa pré-vision [Vor-sicht] et son anti-cipation. Qu’elle devienne, en tant qu’interprétation, la tâche expresse d’une recherche, et alors le tout de ces « présuppositions », que nous appelons la situation   herméneutique, exige d’être préalablement clarifié et assuré à partir de et dans une expérience fondamentale de l’« objet » à ouvrir. L’interprétation ontologique, qui doit libérer l’étant du point de vue de sa constitution propre d’être, est tenue de porter l’étant thématique, à l’aide d’une première caractérisation phénoménale, à la pré-acquisition à laquelle toutes les démarches ultérieures de l’analyse devront rester adéquates. Mais celles-ci ont en même temps besoin d’être guidées pas la pré-vision [Vor-sicht] possible du mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT concerné. Pré-acquisition et pré-vision [Vor-sicht] pré-dessinent ensuite en même temps la conceptualité (anticipation) où toutes les structures d’être doivent être dégagées. EtreTemps45

Cependant, une interprétation ontologique originaire ne requiert pas seulement une situation herméneutique assurée en toute adéquation au phénomène : elle doit expressément s’assurer si elle a porté à la pré-acquisition le tout de l’étant thématique. De même, une première esquisse de l’être de cet étant, même si elle est phénoménalement fondée, ne suffit pas. La pré-vision [Vor-sicht] de l’être doit bien plutôt atteindre celui-ci du point de vue de l’unité des moments structurels qui lui appartiennent ou peuvent lui appartenir. C’est alors seulement que peut être posée et résolue avec sûreté phénoménale la question du sens de l’unité de la totalité d’ÊTRE DE L’ÉTANT en son tout. Or pouvons-nous dire que l’analyse existentiale du Dasein jusqu’ici accomplie provenait d’une situation herméneutique telle que par elle fût garantie l’originarité qui vient d’être réclamée du point de vue fondamental-ontologique ‘ Nous est-il possible, partant du résultat obtenu - l’être du Dasein est le souci -, de progresser jusqu’à la question de l’unité originaire de ce tout structurel ‘ EtreTemps45

Et qu’en est-il maintenant de la pré-acquisition de la situation herméneutique antérieure ‘ Quand et comment l’analyse existentiale s’est-elle assurée qu’en prenant son départ dans la quotidienneté [Alltäglichkeit], c’était tout le Dasein - cet étant depuis son « commencement » jusqu’à son « terme » - qu’elle pliait au regard phénoménologique thématisant ‘ Sans doute il a été affirmé que le souci est la totalité du tout structurel de la constitution du Dasein NA: Cf. supra, §41 [EtreTemps41], p. [191] sq.. Mais l’amorçage de l’interprétation n’implique-t-il pas déjà le renoncement à la possibilité de porter au regard le Dasein en totalité ‘ La quotidienneté [Alltäglichkeit] est bien justement l’être « entre » naissance et mort. Si l’existence détermine l’être du Dasein et si l’essence de l’existence est co-constituée par le pouvoir-être, alors il faut que le Dasein, aussi longtemps qu’il existe, en pouvant-être, à chaque fois ne soit pas encore quelque chose. L’étant dont l’existence constitue l’essence répugne essentiellement à sa saisie possible comme étant total. Non seulement la situation herméneutique ne s’est pas jusqu’ici assurée de l’« acquisition » de tout cet étant, mais la question se pose même de savoir si cette acquisition peut en général être atteinte, et si au contraire une interprétation ontologique originaire du Dasein n’est pas condamnée à échouer - sur le mode d’ÊTRE DE L’ÉTANT thématique lui-même. EtreTemps45

L’être pour la mort est devancement dans un pouvoir-ÊTRE DE L’ÉTANT dont le mode d’être est le devancement même. Dans le dévoilement devançant de ce pouvoir-être, le Dasein s’ouvre à lui-même quant à sa possibilité extrême. Mais se projeter vers son pouvoir-être le plus propre veut dire : pouvoir se comprendre soi-même dans l’ÊTRE DE L’ÉTANT ainsi dévoilé : [263] exister. Le devancement se manifeste comme possibilité du comprendre du pouvoir-être extrême le plus propre, c’est-à-dire comme possibilité d’existence authentique. La constitution ontologique de celle-ci doit être rendue visible grâce au dégagement de la structure concrète du devancement dans la mort. Comment s’accomplit la délimitation phénoménale de cette structure ‘ Manifestement, en déterminant les caractères de l’ouvrir devançant qui doivent nécessairement lui appartenir pour qu’il puisse devenir le pur comprendre de la possibilité la plus propre, absolue, indépassable, certaine et comme telle indéterminée. Mais il reste ici à considérer que le comprendre ne signifie pas primairement : fixer du regard un sens, mais se comprendre dans le pouvoir-être qui se dévoile dans le projet [NA: Cf. supra, §31 [EtreTemps31], p. [142] sq.]. EtreTemps53

Du reste, l’interprétation ontologique du « Je » ne saurait obtenir la solution du problème en se bornant à refuser de suivre le dire-Je quotidien [alltäglich] : bien plutôt doit-elle pré-dessiner tout d’abord la direction dans laquelle le questionnement doit se poursuivre. Le Je désigne l’étant que l’on est en « étant-au-monde ». Mais l’être-déjà-dans-un-monde en tant qu’être-auprès-de-l’à-portée-de-la-main intramondain signifie cooriginairement un en-avant-de-soi. « Je » désigne l’étant pour lequel il y va de l’ÊTRE DE L’ÉTANT qu’il est. Avec le « Je », c’est le souci qui s’exprime - de prime abord et le plus souvent dans le dire-Je « fugace » de la préoccupation [Besorgen]. Si le On [das Man  ]-même dit le plus bruyamment et le plus fréquemment Je-Je, c’est parce que fondamentalement il n’est pas authentiquement lui-même, et qu’il se dérobe au pouvoir-être authentique. Cependant, si la constitution ontologique du Soi-même ne se laisse reconduire ni à un Moi-substance, ni à un « sujet », et si c’est à l’inverse le dire-Je-Je quotidien [alltäglich]-fugace qui doit être compris à partir du pouvoir-être authentique, de là ne suit pas encore la thèse selon laquelle le Soi-même serait le fondement constamment sous-la-main du souci. L’ipséité ne peut être déchiffrée existentialement que sur le pouvoir-être-Soi-même authentique, c’est-à-dire sur l’authenticité de l’être du Dasein comme souci. C’est de celle-ci que la constance propre au Soi-même, en tant que prétendue permanence du sujet, reçoit son éclaircissement. Mais en même temps le phénomène du pouvoir-être authentique ouvre le regard au maintien du Soi-même au sens de l’avoir-conquis-sa-tenue. Le maintien du Soi-même au double sens de la solidité et de la « constance » est la contre-possibilité authentique de l’absence de maintien de l’échéance ir-résolue. Le maintien du Soi-même [autonomie  ] ne signifie existentialement rien d’autre que la résolution devançante. La structure ontologique de celle-ci dévoile l’existentialité de l’ipséité du Soi-même. EtreTemps64

Lorsque nous disons : l’étant « a du sens », cela signifie : il est devenu accessible dans son être, lequel n’a « à proprement parler » de sens que projeté vers son vers-quoi. Si l’étant « a » du sens, c’est seulement parce que, d’emblée ouvert en tant qu’être, il devient compréhensible dans le projet de l’être, c’est-à-dire à partir du vers-quoi de celui-ci. C’est le [325] projet primaire du comprendre de l’être qui « donne » le sens. La question du sens de l’être d’un étant fait du vers-quoi du comprendre d’être sous-jacent à tout ÊTRE DE L’ÉTANT son thème propre. EtreTemps65

L’« intérêt de comprendre l’historialité » se confronte donc à la tâche d’une élaboration de la « différence générique entre ontique et historique ». Ainsi le but fondamental de la « philosophie de la vie » se trouve-t-il fixé. Néanmoins, le questionnement a besoin d’une radicalisation fondamentale. Car comment l’historialité pourrait-elle être philosophiquement saisie et « catégorialement » conçue dans sa différence avec l’ontique sinon en portant l’« ontique » aussi bien que l’« historique » à une unité plus originaire de comparabilité et de différenciabilité possible ‘ Or cela suppose d’apercevoir trois choses : 1. la question de l’historialité est une question ontologique s’enquérant de la constitution d’ÊTRE DE L’ÉTANT qui est historialement ; 2. la question de l’ontique est la question ontologique de la constitution d’ÊTRE DE L’ÉTANT qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig], du sous-la-main au sens le plus large ; 3. l’ontique est seulement un domaine de l’étant. L’idée de l’être embrasse l’« ontique » et l’« historique ». C’est elle qui doit se laisser « génériquement différencier ». EtreTemps77

Ce qui parait aussi éclairant que la différence séparant l’être du Dasein existant de l’ÊTRE DE L’ÉTANT qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig] (la réalité, par exemple) n’est pourtant que le [437] départ de la problématique ontologique, et non point quelque chose où la philosophie pourrait trouver son apaisement. Que l’ontologie antique travaille avec des « concepts de choses » et que le péril subsiste de « réifier la conscience [Gewissen] », on le sait depuis longtemps. Mais que signifie réification ‘ D’où provient-elle ‘ Pourquoi l’être est-il justement « de prime abord » « conçu » à partir du sous-la-main et non pas à partir de l’à-portée-de-la-main, qui pourtant se trouve encore davantage à proximité ‘ Pourquoi cette réification assure-t-elle constamment de nouveau sa souveraineté ‘ Comment l’être de la « conscience [Gewissen] » est-il positivement structuré pour que la réification lui demeure inadéquate ‘ La « différence » entre « conscience [Gewissen] » et « chose » suffit-elle en général à un déploiement originaire de la problématique ontologique ‘ Les réponses à ces questions sont-elles obvies ‘ Et la réponse peut-elle même être seulement cherchée tant que la question du sens de l’être en général demeure non posée et non clarifiée ‘ EtreTemps83


De quelle nature est maintenant cette vérité de l’ÊTRE DE L’ÉTANT ? Elle ne peut se déterminer qu’à partir de ce dont elle est vérité. Or, dans la mesure où, à l’intérieur de la Métaphysique moderne, l’ÊTRE DE L’ÉTANT s’est déterminé comme volonté et ainsi comme se‑vouloir ; dans la mesure où se‑vouloir c’est déjà, en lui‑même, se‑savoir soi‑même, l’étant, l’hypokeimenon, le subjectum se déploie sur le mode du se‑savoir soi‑même. L’étant (subjectum) se présente à lui‑même sur le mode du ego cogito  . Cette présentation sese sibi [NT: cette présentation sese sibi (dieses Sich-prasentieren) : cette traduction rend explicite la double orientation du réflexif, à l’aide du latin qui fait ressortir que toute réflexion se représente à soi-même], cette re‑présentation (Vor‑stellung  ) constitue l’ÊTRE DE L’ÉTANT qua subjectum. Le se‑savoir soi‑même devient ainsi le sujet par excellence. Dans le se‑savoir soi‑même se rassemble tout savoir, et son connaissable. C’est le rassemblement du savoir, comme le massif est le rassemblement des montagnes. En tant qu’un tel rassemblement, la subjectivité du sujet est co‑agitatio (cogitatio), con‑scientia, conscience. Mais la co‑agitatio est en soi déjà un velle, un vouloir. Ainsi, avec la subjectité du sujet, apparaît en même temps, comme son essence, la volonté. En tant que Métaphysique de la subjectité, la Métaphysique moderne pense l’ÊTRE DE L’ÉTANT dans le sens de la volonté. [GA5   294]