destaque
Mas ao Dasein, "o ser não é dado passivamente, como o é o ser das coisas" (J. Patocka ), não basta "deixar-se ir a ser" (A. Artaud). Temos que carregar o nosso ser, e é a originalidade do Dasein ter — por mais difícil que seja — "ser" (p. 42). Este modo específico que o homem tem de ser não é ainda o próprio Dasein, mas é o ser do Dasein; e este ser, Heidegger reserva-lhe o nome de Existenz, tal como acaba de irromper na tradução alemã de Kierkegaard . É assim que podemos ler (p. 53), "Das Dasein existiert", o Dasein existe. Trata-se de uma fórmula breve e crucial, a partir da qual se torna claro que a tradução de Existenz por existência é essencial, mas também que a tradução "clássica" de Dasein por existência é impossível ("a existência existe"??); a distinção a fazer entre existência (Existenz) e Dasein, estabelecida na página 12, é claramente colocada, e podemos mesmo dizer, com Machado, para caracterizar a direção em que este tratado se encaminha, que "para penetrar no ser, não há outra porta senão a existência do homem" (Juan de Mairena, p. 266). Em suma: adjacente à questão do ser, mas não confundida com ela, está a questão do Dasein, porque a experiência mais imediata do "ser" que temos é o "eu sou". É assim que o esboço do livro admitirá que, para darmos uma interpretação do sentido do ser em geral ao seu "horizonte", teremos de passar pela análise ontológica do Dasein.
original
Le second chapitre de l’introduction expose que, pour élaborer la question de l’être, il y aura deux tâches à mener de front. L’interprétation du sens de [521] être réclame une investigation approfondie de l’étant pour qui être il y a, celui des étants qui, parce qu’il parle, porte témoignage de l’être – l’homme rebaptisé Dasein.
Mais au Dasein, « l’être n’est pas passivement donné, comme l’est l’être des choses » (J. Patocka ), il ne lui suffit pas de « se laisser aller à être » (A. Artaud). Nous avons à porter notre être et c’est l’originalité du Dasein d’avoir – quelle qu’en soit la difficulté – « à être » (p. 42). Cette manière spécifique qu’a l’homme d’être, ce n’est pas encore le Dasein lui-même mais c’est l’être du Dasein; et cet être, Heidegger lui réserve le nom d’Existenz tel qu’il vient d’éclater dans la traduction allemande de Kierkegaard . C’est ainsi que nous pouvons lire (p. 53), « Das Dasein existiert », le Dasein existe. Brève et capitale formule d’où il ressort que la traduction de Existenz par existence s’impose mais aussi que la traduction « classique » de Dasein par existence, elle, est impossible («l’existence existe»??); la distinction à faire entre existence (Existenz) et Dasein, établie dès la page 12, s’en trouve clairement posée et l’on peut même dire, avec Machado, pour caractériser la direction dans laquelle s’engage ce traité que « pour pénétrer dans l’être, il n’est d’autre portillon que l’existence de l’homme » (Juan de Mairena, p. 266). Résumons : attenante à la question de l’être, mais sans se confondre avec elle, se pose donc la question du Dasein, car l’expérience d’« être » la plus immédiate que nous ayons est le « je suis ». C’est ainsi que le plan du livre admettra que, pour donner à une interprétation du sens de être en général son « horizon », il faudra en passer par l’analyse ontologique du Dasein.
Analyse ontologique du Dasein? Si l’on souligne que le radical du mot — celui sur lequel Heidegger fait même porter l’accent tonique allemand [1] – est sein, être, l’expression pourrait susciter la même ironie que la « botanique des plantes » dont parle Heidegger à la page 46. Mais pour qui sait lire l’adjectif n’est pas de trop et, en dépit d’un contresens qui a longtemps sévi, Être et Temps n’est pas un livre qui donne à l’anthropologie le pas sur l’ontologie. En faisant du Dasein le thème premier et le moment « préparatoire » de sa recherche, Heidegger donne du Dasein l’analyse ontologique que celui-ci demande par définition puisque, qui dit Dasein, dit sein.
Car à la « clé » du mot Dasein, c’est avant tout un problème de définition qu’il y a. On sait que pour Leibniz le problème philosophique fondamental a toujours été « la véritable détermination de la notion de substance » et que, chemin faisant, il a ressenti le besoin de changer de terme, qu’il a finalement appelé monade ce que les philosophes avaient appelé substance depuis la fin de l’Antiquité. Mais chez Heidegger Dasein n’est pas un aboutissement, c’est un point de départ. Il ne dit pas : « C’est de l’homme que j’ai à parler. » Non, il dit : « Puisque c’est de l’être que j’ai à parler, je vais m’attaquer au Dasein. »
Mais pourquoi Dasein? pourquoi redéfinir l’homme en le dénommant Dasein? N’y a-t-il pas en 1927 quelque deux siècles au moins que la philosophie moderne conçoit l’homme comme sujet? N’y a-t-il pas surtout une très classique définition qui énonce que l’homme est l’animal raisonnable ou, pour le dire en grec, ζῷον λόγον ἔχον, le vivant qui a la parole? Cette définition, qui se veut philosophique, Heidegger la cite plusieurs fois (p. 25, 48, 165) et ne la bouscule (cf. p. 183), peut-être qu’en apparence. En réalité [522] il la médite, c’est-à-dire qu’il l’approfondit et la radicalise. « Sujet », « animal raisonnable », ce ne sont pas là de mauvaises définitions de l’homme, seulement, aux yeux de Heidegger, elles sont loin de dire assez clairement et assez directement l’essentiel – ce d’où il faudrait justement partir pour les recomprendre et en saisir l’exacte portée, car, dit-il, le sujet, dès lors qu’il est « ontologiquement entendu comme il faut » (p. 111), n’est autre que le Dasein lui-même.
L’essentiel à faire ressortir ici c’est être. Et ce que tente de dire « au terme du laconisme » (R. Char) le mot Dasein, c’est précisément qu’avec l’homme, ce dont il s’agit avant tout et « essentiellement », c’est d’être. Mais en quel sens? car cette dernière formule n’est pas dénuée d’ambiguïté et, après tout, ne serait-il pas plus simple de dire, avec toute une tradition, que l’« âme » (cf. p. 14) constitue l’être de l’homme ou, avec Pascal , par exemple, que l’homme pense et que la pensée fait l’homme? Bien sûr, l’homme pense. Heidegger ne dit pas le contraire. Mais serrant de beaucoup plus près ce que penser veut dire, il dit surtout, il dit d’abord que la pensée, comme trait fondamental de l’homme, est pensée de l’être : là où pensée a lieu, là être — da sein.
Or ici ce n’est pas à Pascal , ni au Descartes de la seconde Méditation que va la référence – car il y a bel et bien une référence (cf. p. 171 et 212) — mais à Parménide cité dès la page 14 du livre :
τὰ γὰρ αὐτό νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι.
Le Même, en vérité, est à la fois penser et être.
L’être, pourrions-nous dire, perce au cœur du Dasein et le Dasein en question est tout entier cette percée qui n’est qu’à lui (d’où le possessif de la page 133 : « Le Dasein est son ouvertude »). Le Dasein est le lieu de percée de l’être (un peu au sens où l’on dit qu’un abcès crève!). Dans Qu’est-ce que la métaphysique“1. (1929), le Dasein sera d’ailleurs appelé « lieutenant du rien » (cf. Questions, I, p. 66) dans l’exacte mesure où c’est « là » que « le rien perce » (comme disait, jouant avec le feu, Valéry). Il y a dans cette image du tenant-lieu quelque chose du désencombrement, du mouvement d’allégir, que dit étymologiquement l’allemand Lichtung, le mot « clairière » de la page 133. Ce « lieutenant» n’est pas celui qui monte la garde devant la « place » mais bien davantage celui qui fait de la place et maintient celle-ci libre, vacante, ouverte. Il ménage au « rien qu’est l’être » (p. 7, apostille d) le minimum de « vide » grâce auquel il peut, en son sens strict de Dasein, le « laisser apparaître pour lui donner accueil » (Parménide ). C’est, précise Heidegger, comme « pure expression d’être » (p. 12), que le terme a été choisi.
Tout cela, nous le voyons d’autant mieux aujourd’hui grâce à la Lettre sur l’humanisme, publiée vingt ans après l’Être et le Temps; elle en constitue « l’indispensable commentaire ». Car, reconnaissons-le, pour identifier, dès 1927, dans la mention de Parménide la «partie émergée de l’iceberg», il aurait fallu avoir de très bons yeux!