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Didier Franck (1981:21-24) – encarnação

terça-feira 5 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

1. Heidegger destaca muito claramente, no protótipo da percepção de uma coisa transcendente, uma diferença entre dois modos de dação, ou seja, uma diferença fenomenológica. Uma diferença hierárquica, um destes modos implicando necessariamente o outro. Mas, como em Husserl  , a questão do sentido da carne não é colocada.

2. Afirmar que a característica relevante da percepção é a corporização — Heidegger não fala aqui de presença encarnada — vem a alinhar-se com o idealismo transcendental das Ideias… I, pois nunca antes a percepção das coisas transcendentais tinha sido qualificada como encarnada [1]. Isto abre uma dupla série de questões.

Original

1. Heidegger fait très clairement ressortir, sur le prototype de la perception d’une chose transcendante, une différence entre deux modes de donation, c’est-à-dire une différence phénoménologique. Différence hiérarchisée, un seul de ces modes impliquant nécessairement l’autre. Mais, tout comme chez Husserl  , la question du sens de la chair n’est pas posée.
 
2. Affirmer que le trait pertinent de la perception est l’incarnation — Heidegger ne parle pas ici de présence incarnée — revient à s’aligner sur l’idéalisme transcendantal des Idées… I, puisque jamais avant celles-ci la perception des choses transcendantes n’avait été qualifiée d’incarnée [2]. Cela ouvre une double série de questions.

A. La première vise le développement de l’idéalisme husserlien et en requiert les motivations. Y a-t-il un lien, et quel, entre l’incarnation perceptive et le passage à l’idéalisme ? Précisons. C’est, dit-on communément, la découverte d’un nouveau sens de l’immanence, intentionnel, la découverte de l’inclusion non-effective du noème dans la noèse, qui a rendu phénoménologiquement accessible le terme objectif de la relation intentionnelle, autorisant dès lors une « décision » métaphysique et [22] l’abandon de la neutralité initiale des Recherches logiques. En quel sens la transformation du concept d’immanence se noue-t-elle à l’incarnation perceptive ? Comment s’est imposée la nécessité d’une telle transformation ?

Phénoménologiquement, c’est-à-dire sous la pression des phénomènes eux-mêmes. Le premier sens — traditionnel — de l’immanence, « c’est, dira le débutant, être en moi ; transcendant, hors de moi » [3]. Détermination qui repose sur la distinction d’un dedans et d’un dehors et non, phénoménologiquement, sur une différence entre des modes de donnée. Or, d’une manière très générale, l’analyse husserlienne de la connaissance substituera aux concepts de perception externe et interne ceux de perception adéquate et inadéquate fondés sur la seule différenciation des types d’intuition. Le domaine de la phénoménologie commençante est celui de l’évidence entendue comme ce qui est effectivement immanent aux phénomènes de conscience et le critère de l’immanence, la présence incarnée [4]. Un texte de la première [23] version de la cinquième Recherche l’atteste, que les variantes de la seconde édition viennent renforcer. « L’évidence qu’on accorde d’ordinaire à la perception interne indique qu’on la comprend alors comme une perception adéquate qui n’attribue rien à ses objets qui n’ait été représenté intuitivement et donné effectivement dans le vécu de perception lui-même et, inversement, qui les pose et les représente d’une manière précisément aussi intuitive qu’ils sont en fait (faktisch) vécus dans et avec la perception. Toute perception est caractérisée par l’intention d’appréhender son objet comme présent lui-même, précisément tel qu’il est, existant et visé […d’appréhender son objet comme présent dans son ipséité incarnée]. A cette intention correspond la perception, elle est adéquate quand l’objet est bien “ là ”, en tant que ce qu’il est, présent en chair, donc lui-même présent dans la perception et ne faisant qu’un avec elle. [A cette intention correspond éminemment et dans une remarquable perfection la perception, elle est adéquate quand, en elle, l’objet lui-même est bien, et au sens le plus rigoureux im strengsten Sinne), “ en chair ” présent, est appréhendé comme ce qu’il est, sans reste, donc quand il est effectivement (reell) inclus dans le percevoir lui-même] » [5].

Inclusion effective et donation incarnée sont bien d’abord confondues. Mais, une fois reconnu que, dans la perception, les choses me sont données en chair [6], les deux motifs doivent être séparés et le concept d’immanence transformé. Si la chose transcendante est donnée en chair, elle ne peut cependant faire chair avec le vécu où elle s’esquisse. Mais peut-on penser la chose (res) hors de toute relation au vécu et à la conscience, et cette relation, à son tour, ne peut-elle être pensée comme irréelle ? Si la tradition sceptique (Hume  , essentiellement) est là pour répondre négativement au premier point, l’intentionnalité est la solution du second. Autrement dit, la chose n’a de sens que comme chose visée, relation intentionnelle à une transcendance, relation donnée en chair dans le vécu lui-même. Si la relation comme telle fait chair avec le vécu et que son terme objectif — le noème — [24] y est intentionnellement inclus, alors le nouveau sens de l’immanence rend phénoménologiquement pensable l’incarnation perceptive.

La chair devient ainsi le médium du regard phénoménologique, avant toute distinction de l’immanence et de la transcendance. Milieu de toute donation, le seul rappel du « principe des principes » suffit à le montrer : « Avec le principe des principes, nulle théorie imaginable ne peut nous induire en erreur : à savoir que toute intuition donatrice originaire est une source de droit pour la connaissance ; tout ce qui s’offre à nous dans l’intuition de façon originaire (pour ainsi dire dans son effectivité incarnée) doit être simplement reçu pour ce qu’il se donne, mais sans non plus outrepasser les limites dans lesquelles il se donne alors » [7]. L’intuitivité originaire est donation incarnée. Préalable à l’opposition de l’immanence et de la transcendance, c’est-à-dire à la différence la plus radicale qui soit, celle de la conscience et du monde, du vécu et de la chose, est avéré par la loi d’essence qui est au principe de la réduction : « Toute chose donnée en chair peut également ne pas être ; nul vécu donné en chair n’a la possibilité de ne pas être également » [8]. En effet, si la chair se trouve de part et d’autre de cette différence rectrice et fondamentale, c’est qu’elle y échappe, voire en ménage la possibilité [9]. Est-ce à dire qu’elle est irréductible ou toujours réduite ? Serait-elle à l’origine de l’origine du monde et du monde même ? Laissons provisoirement ces questions dilemmatiques qui présupposent une compréhension de l’unité des différents sens de la chair.


Ver online : Didier Franck


FRANCK, Didier. Chair et corps. Sur la phénoménologie de Husserl. Paris: Minuit, 1981, p. 21-24


[1Para nos limitarmos aos textos publicados pelo próprio Husserl. Sabemos hoje que, deste ponto de vista, o essencial foi adquirido desde as cinco Lições de 1907 sobre A Ideia da Fenomenologia

[2Pour s’en tenir aux seuls textes publiés par Husserl lui-même. Nous savons aujourd’hui que, de ce point de vue, l’essentiel est acquis depuis les cinq Leçons de 1907 sur L’idée de la phénoménologie.

[3L’idée de la phénoménologie, p. 106.

[4Cela revient à dire que la phénoménologie initiale est hylétique et noétique sans être jamais noématique. La première édition des Recherches logiques distinguait entre « le contenu réel ou phénoménologique (descriptif-psychologique) » d’un acte et son « contenu intentionnel » (Log. Unt. Bd. 2, p. 374). Husserl ajouta en note la remarque suivante dans la seconde édition : « Dans la première édition de notre ouvrage, nous avions écrit : “contenu réel ou phénoménologique”. En fait, le mot “phénoménologique” comme aussi le mot “descriptif” avaient été, dans la première édition de ce livre, entendus exclusivement comme se rapportant à des composantes réelles de vécus, et même, dans la présente édition, nous les avions jusqu’ici employés de préférence dans ce sens. Ce qui est conforme au fait que le point de départ naturel de nos recherches se trouvait dans l’attitude psychologique. Mais, si l’on réfléchit à nouveau sur les recherches déjà effectuées et si l’on approfondit davantage les problèmes examinés — mais surtout à partir de ce chapitre —, il devient de plus en plus visible que la description de l’objectivité intentionnelle comme telle (prise telle qu’elle est saisie elle-même consciemment dans le vécu d’acte concret) représente une autre direction pour des descriptions à effectuer d’une manière purement intuitive et adéquate, par opposition à celle des composantes réelles des actes, et que cette orientation, elle aussi, doit être appelée phénoménologique. Si l’on suit ces indications de méthode, il en résultera nécessairement d’importantes extensions des sphères de problèmes qui sont ici mises à jour et des corrections considérables dues à la distinction pleinement consciente des couches descriptives. Cf. mes Idées directrices pour une phénoménologie, etc. Livre I (notamment, dans la 3e section, les développements sur noèse et noème). » Recherches logiques, trad. Ehe, Kelkel, Scherer, tome II, 2, p. 202.

[5Log. Unt. 1901, Bd. II, p. 333. Les variantes sont entre crochets.

[6Nous verrons plus loin pour quelles raisons Husserl n’a pas atteint dès les Recherches logiques à cette évidence descriptive.

[7Idées… I, § 24, p. 78.

[8Id., § 46, p. 151, où il est dit aussi : « … toute expérience, aussi vaste soit-elle, laisse subsister la possibilité que le donné n’existe pas en dépit de la conscience persistante de son auto-présence incarnée. » Il s’agit, évidemment, de l’expérience du monde des choses.

[9Une spécification ultérieure de la donation incarnée permet de distinguer immanence et transcendance : donné par esquisses ou non.