destaque
Pelo contrário, vimos, seguindo os passos sucessivos da meditação, como a questão do ser do ente e do ente em totalidade deixou de visar um horizonte do Dasein para se tornar uma escuta do Ser presente e oculto na Essência.
Mas, em consequência, o pensar já não é simplesmente uma iniciativa do ser-aí; é um acontecimento do próprio Ser no ser-aí. E o início da filosofia já não depende da decisão de um homem: o primeiro pensador só o foi, em rigor, através do pensamento do Ser nele se realizando.
A estrutura da errância e a relação entre liberdade e errância ajudam-nos a compreender a inserção da metafísica e da filosofia no tempo.
Em suma, a metafísica ocidental após os primeiros gregos foi sempre, em certa medida, vítima do senso comum e da sua recusa constitutiva de questionar a evidência do ente revelado. Pois foi neste preciso momento da história do mundo, quando se deu o início da filosofia, que começou também o domínio expresso do senso comum, da sofística.
A revelação do ente e o pensamento do Ser são de fato inseparáveis, e é na sua unidade que surge a equivocidade da essência: o senso comum irá para o essencial, isto é, a evidência do ente, enquanto a filosofia se preocupará com o essencial, isto é, a presença poderosa e oculta do Ser. Mas o senso comum não quer ter nada a ver com a obnubilação do ente em totalidade; enquanto a filosofia, antes de se tornar "metafísica", aceita-a e submete-se a ela. A metafísica deixa-se levar pela miragem do subsistente e da consciência; identifica a certeza desta consciência evidente com a verdade. A filosofia, pelo contrário, deixa dominar o mistério e pensa em termos de verdade da essência.
original
Dans la conférence qui porte ce titre [L’essence de la vérité], Heidegger commence, nous le savons, le revirement par lequel le temps sera compris à partir de l’être et non plus l’être à partir du temps. La tâche ne sera toutefois menée à son terme qu’en des développements postérieurs à la présente méditation: à dessein le philosophe ne prend pas ici en considération «la question du sens, ou encore du domaine de projet, c-à-d de l’ouverture, c-à-d de la vérité de l’Être et non pas de l’étant seulement» [GA9 :WW:26]. Il se contente, si l’on peut dire, de nous faire saisir l’expérience que voici: «c’est seulement à partir du Dasein, dans lequel peut s’engager l’homme, que se prépare pour l’homme historique la proximité de la vérité de l’être» [GA9 :WW:27].
Pour nous mener à cette expérience, Heidegger approfondit la méditation qu’amorçait la reprise de la théorie kantienne de l’objectivation. En analysant ici l’essence de la Vorstellung, de la pré-position, ou mieux peut-être de l’apprésentation, il cherche à dire ce qui constitue «la pure correspondance de la faculté à son objet» [GA3 :131].
Dans le Kantbuch cet élément constituant était un «laisser-s’objeter», une manière de se tourner vers … ; dans Vom Wesen der Wahrheit, l’essence de l’adaequatio realitatis et cognitionis se découvre comme liberté: «L’apérité du comportement (dans lequel nous laissons l’étant devenir mesure de nos actes), ce qui rend intrinsèquement possible la conformité se fonde dans la liberté. L’essence de la vérité est la liberté» [GA9 :WW:12].
Il faut rappeler qu’en explicitant le sens du dawider, de cet opposant absolu qui selon Kant détermine nécessairement le concept, Heidegger s’était situé déjà, au-delà du logique, au plan de l’être.
Dès lors la liberté qui accomplit l’essence de la vérité sous la [58] forme du dévoilement de l’étant, loin d’être une propriété de l’homme ou un libre arbitre, possède l’homme «et cela si originairement qu’elle seule permet à une humanité d’engendrer la relation à l’étant en totalité et comme tel, sur quoi se fonde et se dessine toute l’histoire» [GA9 :WW:16].
L’histoire, et l’histoire de l’Occident en particulier, commence en effet, selon Heidegger, «là où l’étant lui-même est élevé expressément et maintenu dans son non-voilement, là où ce maintien est compris à la lumière d’une interrogation portant sur l’étant comme tel» [GA9 :WW:16]. En d’autres termes, l’histoire commence là où le Dasein, encore incompris et qui n’a pas même besoin de se fonder ni de fonder en général en une essence, s’ex-pose au caractère dévoilé de l’étant en totalité et comme tel, c-à-d là où le Dasein commence d’ek-sister en s’ex-posant au non-voilement de l’Être. On pourra dire en d’autres termes encore: le commencement de l’ek-sistence, plus profonde que l’existentia de la substance ou que l’authenticité morale du soi, l’interrogation sur l’étant comme tel, le dévoilement initial de l’étant en totalité s’accomplissent en même temps, «mais ce temps, lui-même non mesurable, ouvre la possibilité de toute mesure» [GA9 :WW:16,15].
Or l’ek-sistence ainsi comprise s’enracine dans la liberté comme essence de la vérité.
D’autre part, «parce que la vérité en son essence est liberté, l’homme historique peut aussi, en laissant être l’étant, ne pas le laisser être en ce qu’il est et tel qu’il est» [GA9 :WW:17].
Mais ceci dépend-il du simple libre arbitre ou de la négligence de l’homme? Assurément non, puisque, nous l’avons dit, la liberté qui est essence de la vérité possède l’homme. La non-vérité doit donc appartenir à la liberté ainsi comprise, c-à-d à l’essence de la vérité. Dès lors la liberté qui fondait l’essence de la vérité en tant qu’adéquation se fonde à son tour dans l’essence de la vérité.
De quelle vérité s’agit-il en ce fondement de la liberté? Heidegger répond: de l’essence complète de la vérité, c-à-d de cette vérité qui contient sa propre non-essence. Et le «non» de cette [59] non-vérité originaire désigne ici le domaine encore inexploré de la vérité de l’Être: ce qui dans la présence de l’Être est nécessairement caché.
Ainsi en pensant l’essence de la vérité comme adéquation, on en vient à penser l’essence d’un comportement du Dasein. Cette dernière se découvrant comme racine de l’ek-sistence ou de la transcendance finie de ce Dasein, la pensée se tourne vers ce qui possède le Dasein, vers la présence présente dans le comportement où il se libère pour l’apérité. A ce point, la question concernant l’essence (das Wesen) de la vérité est devenue, par l’interrogation sur l’essence de la liberté, une question concernant la vérité de l’essence. Mais par la même l’essence est comprise maintenant en un sens verbal, c-à-d comme ce qui est activement présent et présente: Wesen désigne alors das was west [GA9 :WW:26].
Mais ne savons-nous pas déjà ce qui est présent? N’est-ce pas l’étant en totalité, dévoilé dans l’apérité première de l’eksistence qui est libérée pour s’exposer à l’étant comme tel venant à sa rencontre ?
Sans doute. Pourtant ceci demeure insuffisant.
En effet tout dévoilement de l’étant est partiel. Plus il est net, plus il repousse dans l’ombre le fond sur lequel il s’accomplit, c-à-d l’étant en totalité. Et, ce qui est beaucoup plus important, ce dévoilement de l’étant contribue à dissimuler ce qui rend possible l’apérité, la liberté. Or celle-ci, nous l’avons vu, se fonde sur la vérité complète de l’essence, sur cette essence présente, qui inclut l’obnubilation fondamentale qui est sa non-essence.
Dévoiler l’étant sera donc d’abord ne pas apercevoir que le dévoilement lui-même est partiel, puisque c’est d’emblée voiler l’étant en totalité. Mais c’est aussi contribuer à dissimuler ce qui est nécessairement caché et par là préserver «la non-vérité originelle» qui est «plus ancienne que toute révélation de tel ou tel étant . .. plus ancienne que le laisser-être lui-même» [GA9 :WW:19].
Heidegger appelle mystère «la dissimulation de l’étant comme tel, obnubilé en totalité» en tant qu’elle domine le Dasein de l’homme et permet au libre laisser-être de la préserver [1].
[60] Si laisser être l’étant sous la domination du mystère, c’est pour l’homme ek-sister, c’est néanmoins aussi insister, c’est «se raidir sur ce qu’offre l’étant en tant qu’il paraît en soi et se manifeste» [GA9 :WW:21]. De la sorte, le Dasein se trouve toujours déjà dans l’errance. Celle-ci est constituée, nous dit M. Heidegger, par le dévoilement de l’étant particulier comme oubli de la dissimulation de l’étant en totalité, lequel est lui-même obnubilé [GA9 :WW:22].
Dès lors entre la liberté et l’errance existe une relation de priorité mutuelle, mais à des niveaux différents. D’une part en effet, l’obnubilation antérieure au Dasein lui-même «ne peut être explicite ou dissimulée que par le fait d’un étant capable de s’ouvrir et d’illuminer» [2]. Mais «la liberté, comprise à partir de l’eksistence in-sistante du Dasein, n’est l’essence de la vérité (comme conformité de l’apprésentation) que parce que la liberté découle elle-même de l’essence originaire de la vérité, du règne du mystère dans l’errance» [GA9 :WW:23].
Aussi pour que le laisser être de l’étant comme tel et en totalité s’accomplisse selon l’essence, il doit être assumé de temps à autre selon le mystère caché dans l’errance : c’est dans l’errance aperçue comme telle qu’il faut accepter résolument le mystère [GA9 :WW:23].
L’interrogation philosophique est alors retournée vers le point d’où elle surgissait: le phénomène de l’oubli est assumé selon l’authenticité du Dasein. «La vue du mystère à partir de l’errance pose le problème de la question unique: qu’est-ce que l’étant comme tel dans sa totalité?» [GA9 :WW:23].
Le résultat principal de la méditation que nous venons de résumer concerne la métaphysique et l’idée de philosophie.
Une fois de plus, Heidegger a montré, en parlant le langage de la métaphysique, qu’il fallait la dépasser [GA9 :WW:26].
Lorsque la métaphysique veut résoudre le problème de l’Être en s’interrogeant sur l’être de l’étant et sur l’étant en totalité, [61] elle se rend incapable de poser correctement la question à laquelle elle entend répondre. On pourrait dire en effet qu’elle ne s’aperçoit pas elle-même comme ek-sistence in-sistante; elle ne prend pas en considération l’errance et manque par conséquent le mystère qui domine le questionnant lui-même.
On a vu, au contraire, en suivant les démarches successives de la méditation, comment la question concernant l’être de l’étant et l’étant en totalité cessait de viser un horizon du Dasein pour devenir une écoute de l’Être présent et dissimulé dans l’Essence.
Mais, du coup, penser n’est plus seulement une initiative de l’être-là; c’est un événement de l’Être lui-même dans l’être-là. Et le début de la philosophie ne dépend plus de la décision d’un homme : le premier penseur ne fut tel à strictement parler que par la pensée de l’Être s’accomplissant en lui.
La structure de l’errance et le rapport que soutient avec elle la liberté permettent du reste de comprendre l’insertion de la métaphysique et de la philosophie dans le temps.
Somme toute, la métaphysique occidentale après les premiers Grecs fut toujours dans une certaine mesure victime du sens commun et de son refus constitutif de mettre en question l’évidence de l’étant dévoilé. Car c’est à ce même moment de l’histoire du monde où s’accomplit le début de la philosophie que commence aussi la domination expresse du bon sens, de la sophistique [GA9 :WW:24].
Révélation de l’étant et pensée de l’Être sont en effet inséparables et c’est dans leur unité que surgit l’équivocité de l’essence: le sens commun ira à l’essentiel, c-à-d à l’évidence de l’étant, la philosophie se souciera de l’essentiel, c-à-d de la présence puissante et cachée de l’Être. Mais le sens commun ne veut rien savoir de l’obnubilation de l’étant en totalité; tandis que la philosophie, avant de devenir «métaphysique», l’accepte et s’y soumet. La métaphysique se laisse prendre au mirage du subsistant et de la conscience; elle identifie la certitude de cette conscience évidente à la vérité. La philosophie au contraire laisse dominer le mystère et pense la vérité de l’essence.