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Pensée de l’être et origine de la subjectivité

Caron (2005:83-86) – si-mesmo, eu, Dasein, temporalidade

Introduction générale

quinta-feira 7 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

Si mesmo não é eu, mas eu é fenômeno de si mesmo. Temos, portanto, de acceder primeiro à presença de um tal processo, e depois perguntar em que condições é que esse processo é possível. Mas como pensar este si que, ultrapassando a estrutura fixa do ego, o funda ao mesmo tempo na sua fixidez? Enquanto o homem for pensado como um ente subsistente, ou o sujeito como uma substância, [84] enquanto o ser for interpretado no modo de ente, e enquanto o ente fornecer a medida para toda a hermenêutica da ipseidade, perde-se o domínio que no homem permanece em contínua proximidade com o ser. Este domínio em que o homem aparece como uma relação ao ser é o que Heidegger chama de Dasein. De que forma é que o Dasein no homem o diferencia radicalmente do animal e deixa de fazer do corpo o lugar da individualidade? De que forma é que o si humano é irredutível a qualquer tipo de individualização biológica, e a sua identidade pessoal à simples unidade física de um organismo? Em que medida é que uma temporalidade originária, apanágio exclusivo do si humano enquanto Dasein, é suficiente para determinar a multiplicidade estrutural e, no entanto, ontologicamente estruturada da ipseidade? Como o si pode manter uma relação com o mundo e consigo mesmo e, em particular, como é que o si pode entreter uma relação com o seu próprio ser-em-relação e com todas as várias relações que o constituem? "Em que direção deve o homem situar-se e em relação a quê, para que tenha assim esta garantia de encontro com a sua essência? [Em que medida o homem é um, ele próprio colocado em relação à sua relação e às suas relações? [GA66  :154-155]. Em suma, surge uma segunda ordem de questões em torno daquilo a que Heidegger chamou desde cedo a "temporalidade do Dasein", que ele apresenta como a estrutura ontológica da ipseidade. O pensamento deve então progredir, com base nesta aquisição, da temporalidade da ipseidade ao ser-temporal.

original

Un premier ordre de problèmes apparaît autour de cette notion de soi et de la façon dont la tradition métaphysique a pu l’envisager. Il s’agit de prendre conscience de l’ampleur de cet oubli de l’être qui, conditionné par une longue errance dont l’euphémisme est l’histoire, réduit le soi au moi, et finit par faire du culte du moi la cause principale de l’arraisonnement de l’étant en totalité. Une première étape de la problématique consiste ainsi à regarder naître les conditions de l’éclosion de la notion de sujet puis les conséquences de son établissement dominant, ce qui revient à opérer avec Heidegger une désobstruction de cette notion de sujet afin de faire apparaître ce dernier dans sa nudité, soit comme le constitué d’un acte voilé de constitution qui est à sa base (processus opéré par le soi). Le soi n’est pas le moi, mais le moi est phénomène du soi. Il faudra donc accéder dans un premier temps à la présence d’un tel procès, puis demander à quelles conditions ce procès est possible. Mais comment penser ce soi qui, dépassant la structure figée de l’ego, en même temps la fonde en sa fixité ? Tant que l’homme est pensé comme un étant subsistant ou le sujet comme une substance, [84] tant que l’être est interprété sur le mode de l’étant et que l’étant donne la mesure pour toute herméneutique de l’ipséité, le domaine qui dans l’homme demeure en continuelle proximité avec l’être est perdu. Ce domaine dans lequel l’homme apparaît comme relation à l’être est ce que Heidegger nomme le Dasein. En quoi le Dasein en l’homme différencie-t-il de manière radicale ce dernier de l’animal et cesse de faire du corps le lieu de l’individualité propre ? En quoi le soi humain est-il irréductible à toute individualisation de type biologique, et son identité personnelle à la simple unité physique d’un organisme ? Dans quelle mesure une temporalité originaire qui serait l’apanage exclusif du soi humain en tant que Dasein, est-elle suffisante pour déterminer la multiplicité structurelle et pourtant ontologiquement structurée de l’ipséité ? Comment le soi peut-il entretenir un rapport au monde et à lui-même, et notamment, comment le soi peut-il entretenir un rapport vis-à-vis de son propre être-en-rapport et de tous les divers rapports qui le constituent ? « En direction de quoi l’homme doit-il être situé et par rapport à quoi, qu’il possède ainsi cette garantie de rencontrer son essence ? […] Dans quelle mesure l’homme est-il un, lui-même placé dans le rapport à son rapport et à ses rapports ? » [GA66  :154-155]. Bref, un deuxième ordre de questions jaillit autour de ce que Heidegger a tôt baptisé la « temporalité du Dasein », et qu’il présente comme la structure ontologique de l’ipséité. La pensée doit alors progresser, sur la base de cette acquisition, de la temporalité de l’ipséité à l’être-temporal.

Le soi se fonde ainsi, comme nous le montrerons en une première section, dans une temporalité originaire ; il est, en son être même, temporal. Mais un problème fondamental subsiste : une fois traversé, infusé, pénétré de cette temporalité, le concept de soi disparaît presque totalement de la réflexion heideggerienne. Là oii la Selbstheit constituait un motif primordial de recherche dans une œuvre telle que Sein und Zeit  , les mots mêmes de soi ou d’ipséité s’évadent progressivement du vocabulaire heideggerien. L’évolution chronologique de l’œuvre heideggerien pose donc la question de la progressive disparition de la notion de « soi ». Une fois fondée en vérité – ou mieux : à peine le soi s’approchant du chemin sur lequel il doit (et ne s’est donc pas encore) engagé, à peine situé face à sa propre tâche (ce qui advient précisément à la fin de Sein und Zeit  ) – le soi semble s’abolir alors que son but demeure [85] le même : trouver son propre fond. Le projet reste le même et cependant l’objet de ce projet semble disparaître… Disparaît-il vraiment, ou est-ce seulement le nom qui, pour des raisons liées à la Chose (Sache) même, se raréfie après l’usage massif qu’en fait Heidegger pendant toute la décennie 1920-1930 ? Nous sommes au moins logiquement fondés à pressentir que, si la pensée s’enfonce dans la Sache seihst, la Sache seihst est alors nécessairement et précisément vouée par essence et par définition à reprendre en soi le Seihst, à reprendre la mêmeté du soi dans le propre déploiement de sa Mêmeté. Ainsi, le soi changerait-il tout simplement de nom au moment même où il se trouve établi en son fond, sans pour autant disparaître, se déployant uniquement d’une autre façon et en d’autres termes ? Peut-on décemment parler d’un revirement ou d’un renversement complet des termes de la problématique qui surgirait au moment de ce que Heidegger a lui-même appelé le « Tournant » de sa pensée, mais dont il a dit qu’il était le Tournant de toute pensée aux prises avec l’Affaire (Sache) de la pensée ? Si le Tournant est véritablement un tel revirement, alors autant dire qu’il est inutile de vouloir chercher à penser chez Heidegger un thème (le soi) qui ne demeure explicitement présent en ces termes précis que dans la première partie de l’œuvre de l’auteur, puis s’efface, marquant le début d’une seconde période (qui correspond arithmétiquement aux trois quarts de l’œuvre entier). Mais le soi s’efface-t-il réellement, ou au contraire se dissimule t il derrière des termes comme celui de l’Ereignis, du Sei?ilassen ou de la Gelassenheit, dont on pourrait inférer, en y portant une attention soutenue, les implications fondamentales pour la structure et l’origine du soi ? Il est évident que c’est cette seconde perspective qui doit être, sinon admise a priori, du moins pensée pour qu’on puisse voir s’il est justement possible de l’admettre. On peut en tout cas d’ores et déjà affirmer qu’il est impossible de soutenir l’existence d’une distinction entre un Heidegger première manière et un Heidegger deuxième manière, lors même que Heidegger – que l’on doit au moins, dès lors qu’on veut essayer de comprendre son œuvre, supposer maître du cours de sa pensée [1] – prévoit le chemin emprunté par la fameuse « deuxième manière » dès l’introduction de Sein und Zeit   ? Faut-il souscrire à la thèse actuellement en vogue, [86] selon laquelle, par un retournement subit, Heidegger passerait de la compréhension d’un Dasein actif à celle d’un homme s’abandonnant à ce qui lui est destiné ? Peut-on opposer, comme le fait M. Haar   [2], le Heidegger de l’Entschlossenheit à celui de la Gelassenheit, et n’y a-t-il aucune continuité pensable entre ces deux concepts fondamentaux ? L’Entschlossenheit n’est-elle qu’une « résolution » au sens banal et volontariste du terme, et la Gelassenheit un laisser-faire également au sens banal et passif du terme, ou bien peut-on au contraire les lire l’un dans l’autre en pensant chacun de ces concepts dans toute leur teneur ? Peut-on parler d’une abolition du soi, d’un dangereux anti-humanisme, d’une personnalité humaine demeurée infondée, d’une dissolution du soi dans un vide de type bouddhique ? N’y existe-t-il pas, au contraire, une raison profonde et rigoureusement spéculative à cet effacement de la notion, une raison liée à la conquête et à la manifestation progressive de son sol ? La disparition d’un terme est-elle forcément symptôme de l’abandon d’une pensée ? Assurément non : une notion une fois fondée disparaît en son être-indépendant et, n’étant plus objet de recherche mais corrélât du déploiement de sa vérité, perd son nom quand se découvre la pensée de sa structure essentielle. Abandon de la pensée du soi ? Et si c’était l’inverse qui était vrai, et si c’était justement parce que le soi trouvait son origine qu’il se résolvait précisément en cette origine (réconciliant les significations obvies de « Entschlossenheit » et « Gelassenheit ») ? C’est en tout cas la pensée de Heidegger lorsqu’il écrit : « par l’appel, en une lointaine Origine, une terre natale nous est rendue » [3]. En cette courte phrase, conclusion de Feldweg, s’entremêlent les thèmes de l’origine, de l’être (« l’appel »), du soi (« nous »). Il y a une profonde unité de la pensée heideggerienne, et il devient impossible de se porter ainsi indéfiniment contre les propres paroles de l’auteur.


Ver online : Maxence Caron


[CARON, Maxence. Heidegger. Pensée de l’être et origine de la subjectivité. Paris: CERF, 2005, p. 83-84]


[1C’est une attitude méthodologique et philologique que nous avons voulu nous imposer comme élémentaire.

[2M. Haar, Heidegger et l’essence de l’homme.

[3GA13:90; Q III et IV, p. 15.