destaque
Esse olho que os gregos tinham para o fundo noturno em relação ao qual tem sentido a noção de eclosão ou φύσις, “este olho não para o que vemos, mas para o que já temos em vista quando vemos o que vemos” [GA9 , pág. 263; Q I e II, pág. 520], os gregos estão em vias de perdê-lo, o que resulta numa marginalização da dimensão de abertura de uma individualidade que apenas se encarrega do que lhe é imediatamente visível em si ou no mundo. Heidegger concebe o advento do pensamento metafísico como o estabelecimento da primazia da luz e da visão que lhe é correlata. O olho fecha-se para a sua própria possibilidade do invisível de onde inicialmente tudo se via emergir. Visão no sentido grego clássico (o de Platão e Aristóteles ) é para Heidegger um termo que cobre um amplo campo de aplicação. Este termo acaba por abranger o de conhecimento, e Heidegger muitas vezes traduz o clássico νοεῖν por ver ou tomada de vista; νοεῖν é “ter em vista”, e διανοεῖν é “apreender completamente de um lado a outro e perceber antecipadamente” [34, p. 178 e 329; EV , pág. 204 e 366]. A visão refere-se, em última análise, à conexão com tudo o que nos é acessível. Através da visão, através deste olhar que é o de toda a alma, a coisa torna-se disponível e entrega-se ao meu alcance; ela se oferece a mim e desperta em mim a possibilidade do desejo de dispor dela.
Original
Cet œil que les Grecs avaient pour le fond nocturne par rapport auquel la notion d’éclosion ou de φύσις a un sens, « cet œil non pas pour ce que l’on voit, mais pour ce qu’on a déjà en vue lorsqu’on voit ce que l’on voit » [GA9 , p. 263 ; Q I et II, p. 520], les Grecs sont en train de le perdre, ce qui a pour conséquence une mise à l’écart de la dimension d’ouverture d’une ipséité qui ne prend en charge que ce qui lui est immédiatement visible en elle-même ou dans le monde. Heidegger conçoit l’avènement de la pensée métaphysique comme instauration du primat de la lumière et de celui du voir qui lui est corrélatif. L’œil se ferme à sa propre possibilité pour l’invisible dont tout a pourtant été initialement vu surgir. La vue au sens grec classique (celui de Platon et d’Aristote ) est pour Heidegger un terme qui recouvre un large champ d’application. Ce terme finit par recouvrir celui de connaissance, et Heidegger traduit souvent le νοεῖν classique par voir ou prise en vue ; νοεῖν c’est « avoir en vue », et διανοεῖν c’est « saisir à fond de part en part et percevoir par avance » [34, p. 178 et 329 ; EV , p. 204 et 366]. La vue désigne en fin de compte le lien à tout ce qui nous est accessible. Par la vue, par ce regard qui est celui de l’âme entière, la chose devient disponible et se livre à mes prises ; elle s’offre à moi et éveille en moi la possibilité d’une volonté d’en disposer. Quand je demande à quelqu’un : « tu as vu ? », je lui demande s’il a bien profité du spectacle qui s’est offert à son regard. L’essence originelle du voir n’est donc pas réduite au seul pouvoir des yeux du corps même si le [401] schème « corporaliste » est appliqué à la connaissance en général [1]: le voir désigne ainsi la faculté de ce que Platon ou Aristote nomment « l’œil de l’âme » ; cet œil se tient toujours en liaison essentielle avec la lumière de l’ouvert-sans-retrait en qui est maintenu tout apparaître. Le voir a donc une signification bien plus étendue que celle que laisserait entendre la simple occurrence de captation sensorielle ; il désigne d’abord et avant tout, dans la généralité de l’ιδεῖν, le fait de se représenter ou de connaître quelque chose. Comme le remarque profondément et avant Heidegger ce texte augustinien que Heidegger connaît : « Voir appartient en propre aux yeux. Mais nous usons de ce mot, même s’il s’agit des autres sens, quand nous les appliquons à connaître. Nous ne disons pas : « Écoute comme ça brille », ni : « sens comme ça luit », ni : « goûte comme ça resplendit », ni : « touche comme ça éclaire ». On dit voir pour exprimer toutes ces choses. Et même nous ne nous bornons pas à dire : « Vois quelle lumière ! » (les yeux seuls peuvent nous donner cette sensation), mais nous disons encore : « Vois quel son ! vois quelle odeur ! vois quelle saveur ! vois quelle dureté ! »[…] Cette fonction de la vision, qui est essentiellement celle des yeux, les autres sens l’assument métaphoriquement, quand ils cherchent à connaître quelque chose » [2]. La vision est une fonction qui dépasse la simple localisation oculaire, et les yeux du corps sont eux-mêmes la figure d’un regard plus vaste, « sens commun » dépassant lui-même la distinction des sens, toujours-déjà dépendant d’une clarté que Heidegger veut lui-même replacer dans l’espace de jeu au sein duquel elle est déployée.
La vue du soi grec est directement en rapport avec ce qui est disponible dans l’être, c’est-à-dire avec ce qui est apparu au jour et présent en son é-vidence, bref, l’étant. L’étant et la vue naissent co-originairement d’un même acte. Et c’est la contrée lumineuse en laquelle l’acte de voir et la chose vue demeurent inscrits, qui rend possible la relation a priori de ces deux réalités ; la lumière elle-même, rapport précédant les termes, les constitue en leur être. C’est la lumière du Bien qui accorde pour Platon le non-voilement aux choses connues et donne également à celui qui connaît la capacité de [402] connaître : « L’œil, dit Heidegger, est lui-même « lumineux », il se donne au paraître, et c’est ainsi qu’il peut accueillir et percevoir ce qui apparaît. Pour qui voit à travers elle, cette image suggère les relations désignées par Platon (Rép. VI, 508 e) : « ce qui, donc, accorde le non-voilement aux choses connues, mais donne aussi au connaisseur le pouvoir [de connaître], je dis que cela est l’Idée du Bien » » C’est dire que, au commencement de la métaphysique, voir et savoir sont institués comme une même chose.