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Fink (1966b:74-78) – a seriedade da vida e o jogo

quarta-feira 29 de novembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque traduzido

[…] Na maioria das vezes sabemos que a vida humana tem sentido. O indivíduo não sabe claramente para onde tende sua vontade de viver mais íntima, mas sabe que ela tende para alguma coisa, que uma aspiração atua dentro dele. Cada homem é um projeto vital; cada homem dá um tom único à antiga e eterna melodia da existência. O projeto vital do indivíduo não lhe é revelado com clareza, sua meta interior não se apresenta aos seus olhos sem máscara; a maioria busca seu caminho vagando. Poucas pessoas passam pela vida com uma certeza infalível e veem a estrela para a qual se dirigem. Via de regra, os homens são guiados pela interpretação pública do caminho certo do homem, são determinados por ideais, morais e doutrinas intersubjetivas. Todos procuram o caminho da felicidade humana, a maioria junta-se às multidões que se aventuram pelos diversos caminhos da eudaimonia  . […]

Hildenbrand & Lindeberg

[…] La plupart du temps nous savons que la vie humaine comporte un sens. L’individu ne sait pas clairement vers quoi tend sa plus intime volonté de vivre, mais il sait que celle-ci tend vers quelque chose, qu’une aspiration agit en lui. Tout homme est un projet vital; tout homme confère un ton unique à la très vieille, à l’éternelle mélodie de l’existence. Le projet vital de l’individu n’est pas clairement dévoilé à celui-ci, son but intime ne s’offre pas sans masque à ses yeux; la plupart cherchent leur voie en errant. Peu de gens vont dans la vie avec une certitude infaillible et voient l’étoile vers laquelle ils se dirigent. En règle générale, les hommes sont guidés par l’interprétation publique du juste chemin de l’homme, ils sont déterminés par des idéaux, des morales et des doctrines intersubjectives. Tous cherchent le chemin de la félicité humaine, la majorité se joint aux foules qui s’aventurent dans les différents chemins vers l’eudaimonia. L’homme ne peut, comme l’animal, se satisfaire de sa simple venue sur terre sans se poser de questions, il cherche un sens, une cause et une fin. Son séjour sur la terre est troublé par le souci continuel de trouver le sens juste et valable de la vie et par là le vrai bonheur. Dans tout ce qu’il fait ou ce qu’il laisse de côté, il évalue, il apprécie ses situations vitales selon l’idéal pro-jeté. Il ne vit pas simplement sa vie, il prend constamment position à l’égard de celle-ci, et ce faisant il n’est aucunement sûr et certain du critère dont il se sert. Cette tension de l’incertaine recherche du bonheur jette une ombre sur toutes les journées et toutes les [75] œuvres de l’homme et constitue, pour un jugement plus profond, ce qu’on appelle le « sérieux de la vie ». Ce sérieux, nous le sentons dans le dur combat pour le pain quotidien, dans les confrontations de notre technique avec la nature surpuissante, dans nos efforts pour maîtriser nos désirs et nos passions, dans les misères de l’âme et le désespoir de notre conscience, et encore lorsque nous faisons notre difficile apprentissage ou que nous essayons de comprendre et d’aider nos semblables. Le sérieux de la vie détermine toutes les activités qui, médiatement, font apercevoir les fins dernières, toutes les activités que l’on accomplit et où l’on persévère en vue de l’humaine félicité. Les activités que le sérieux de la vie couvre de son ombre, passent elles-mêmes comme sérieuses à nos yeux; elles ont pour nous un « sens » et se rattachent étroitement au sens suprême de l’existence. De telles actions s’opposent à des actions non-sérieuses dont le sens ne vient pas de la structuration de l’ensemble des fins humaines et qui apparaissent comme « libres de tout sens ». L’activité présente alors un caractère non obligatoire particulier, elle ne dérive pas de la visée d’ensemble, du projet de la vie; elle est « sans but ». Non pas, naturellement, que nous agirions alors sans aucun plan, mais le plan de chacune de ces activités n’est pas ancré dans le projet qui dirige ordinairement notre vie. L’activité sérieuse est en quelque sorte interrompue « par endroits » par des « îles » d’un accomplissement non sérieux de notre vie. Naturellement, personne ne méconnaîtra que de telles pauses intermittentes revêtent une énorme importance dans l’économie de notre vie, que nous nous détendons dans le non-sérieux du jeu, que nous reprenons des forces et que nous nous régénérons, que nous replongeons dans la légèreté insouciante et l’heureuse oisiveté comme dans un bain ravigotant. Si donc, au sens d’une économie supérieure, le jeu est lui aussi au service de la vie sérieuse et devient un « moyen » de régénération, il se charge alors lui-même de certains éléments de sérieux. Cependant, en elle-même, l’activité ludique n’est pas sérieuse; elle n’a pas le poids et le caractère de fardeau de la réalité humaine en tant que tâche de la réalisation de soi ; elle est déchargée de sérieux et exerce une grande force de séduction sur les hommes en raison de sa flottante légèreté. Le jeu nous entraîne vers une attitude « esthétique » devant la vie et donc vers une sous-détermination de la réalité de l’être humain. Le « ludique » est une catégorie connue de l’activité inauthentique, non sérieuse, du « faire-comme-si » sans engagement et sans obligation. A chaque instant on [76] peut arrêter le jeu, on peut supprimer une règle du jeu. Nous nommons « jeu » par exemple un semblant d’occupation, les manières de quelqu’un qui fait l’important sans véritable énergie dans le travail ; nous appelons le flirt un « jeu ». La plupart du temps, le concept du ludique comporte une nuance négative et signifie une activité inauthentique, apparente, un faire-comme-si. Il l’a des paraphrases ludiques à l’accomplissement sérieux de la vie, lorsque nous faisons semblant de travailler, de lutter ou d’aimer. Cependant il n’est pas certain que le ludique ne consiste qu’en de telles paraphrases du sérieux de la vie et qu’il ne trouve que là son domaine. La conception habituelle du jeu accorde une signification positive   au jeu des enfants et a la tendance de juger de façon dépréciative celui des adultes, abstraction faite de son rôle médiateur comme jeu récréatif. Toutes les activités ludiques tombent ainsi dans la classe du « non-sérieux ». Évidemment personne ne contestera que les actions ludiques soient réelles, mais en tant qu’activités non sérieuses elles impliquent un moment d’« irréalité ». Cette irréalité leur est inhérente même si ce ne sont pas des spectacles. Il n’est pas facile de s’en apercevoir. L’action humaine n’est pas simplement un événement réel comme la fuite d’un nuage. Les nuages qui passent sont évidemment vus et compris par l’homme, mais sans qu’ils manifestent encore un « sens » propre. En revanche, toute action humaine — s’agit-il même de l’opération la plus insignifiante — manifeste la fin que l’on vise par elle. Presque toute action humaine est un geste comportant un sens, qui renvoie au tout de l’existence et à la fin dernière qui le commande. Le jeu est une activité faite de gestes dont le sens n’y renvoie pas; une activité qui s’en écarte même à l’extrême et se donne pour non sérieuse et pour apparente. Cela vaut pour les innombrables jeux récréatifs qui nous font passer le temps. Faire passer le temps est déjà une situation   de non-sérieux d’une structure particulière : nous emplissons un temps vide, et ce avec quoi nous l’emplissons comment nous allons nous protéger contre un ennui qui menace est à peu près indifférent; nous emplissons une période de notre vie avec des futilités et non pas avec ce que nous voulons véritablement et que nous nous efforçons d’atteindre. Tout homme dispose d’un stock de temps limité, à chacun les heures et les jours sont comptés, seulement nous ne connaissons pas la valeur de cette mesure. Mais nous savons qu’avec chaque jour, chaque heure qui passe le temps s’écoule de notre vie que nous ne vivons qu’une seule fois; nous savons que nous ne pouvons rien récupérer [77] du temps que nous laissons passer. Et cependant nous passons des parties de ce temps de notre vie, précieux, irremplaçable, à des activités non sérieuses, qui tiennent de l’apparence, « nous jouons au tric-trac ». L’« irréalité » en tant que non-sérieux existentiel et que « faire-comme-si » constitue, selon la conception courante du jeu, un aspect caractéristique du jeu réel. Ainsi le jeu porte en lui, dans son être-réel, la paraphrase apparente comme trait constitutif.

Naturellement, l’aspect d’irréalité ressort plus fortement dans ces jeux que sont les spectacles. Toutes les fois que le joueur se glisse dans un « rôle » dont il se fait un masque, l’activité ludique acquiert deux dimensions : elle est à la fois action de celui qui joue et action de l’homme au monde du jeu. Qu’est-ce donc que ce singulier caractère d’« irréalité » qui appartient à ce monde du jeu? Cette irréalité n’est pas simplement rien, elle est une « apparence » qui est, un étant. Mais où et comment est cette apparence du monde ludique ? Est-elle semblable à une représentation de notre fantaisie par laquelle nous formons bien réellement des images mais sans nous représenter rien de réel ? L’objet de l’imagination   est seulement dans l’âme qui imagine, il est une réalité psychique et non une réalité objective ou inter subjective. Mais qu’en est-il de l’apparence du monde ludique? Est-elle seulement le produit de l’imagination d’une âme solitaire. N’y a-t-il pas ici une certaine réalité objective? Ou bien est-ce que cette apparence du monde ludique existe pour tous ceux qui jouent ensemble, et d’une certaine manière aussi pour les spectateurs d’un tel jeu? Lorsque nous voyons la scène du théâtre, nous voyons ensemble les événements qui se produisent sur le podium, et pas seulement ce qui est tout simplement réel dans ces événements, les hommes en chair et en os, leurs costumes et les coulisses, nous voyons ensemble aussi le monde ludique, nous comprenons ensemble les caractères des personnages que l’on joue. La raison n’en est pas que chacun recevant pour soi la stimulation des paroles et des mouvements des acteurs fait naître en soi des images. Nous voyons le jeu en même temps comme jeu d’hommes tout simplement réels et comme représentation de la vie de figures appartenant au monde ludique. Ici se pose la grande question de savoir si nous comprenons le monde ludique d’une façon suffisamment essentielle lorsque nous le considérons pour ainsi dire comme le reflet subsistant objectivement de la vie réelle. Certes, si nous considérons sans parti pris le phénomène ludique, le monde du jeu se donne pour [78] une sorte de reflet de miroir. Il faut même puiser dans une discussion de la réflexion les catégories nécessaires pour caractériser de façon assez minutieuse la relation entre réalité et irréalité, inhérente au jeu. Mais cela ne va pas sans danger. L’image de miroir se donne en elle-même comme « dérivant » de l’image originelle, elle se donne pour imitation de celle-ci. Lorsque la philosophie   s’est expliquée avec la force dionysiaque du jeu, avec un acharnement originel et une passion extrême, lorsque Platon   a combattu les poètes — Homère   et la muse tragique —, la pensée critique a dirigé d’abord ses attaques contre le caractère de reflet du jeu, et a tôt fait d’obtenir le verdict proclamant que toute poésie n’est qu’imitation. L’interprétation de l’art poétique comme mimésis a dominé longtemps l’interprétation métaphysique de l’art. Le poète, dit Platon, est semblable au peintre; et celui-ci, à un miroir. Nous restons tous prisonniers de la fascination exercée par l’interprétation de Platon, aussi longtemps que nous comprenons le jeu comme reflet de miroir, et celui-ci comme reflet de choses-archétypes sous l’espèce de fantômes qui copient. Il nous faut nous libérer de cette fascination.


Ver online : Eugen Fink


[FINK, Eugen. Le jeu comme symbole du monde. Tr. Hans Hildenbrand & Alex Lindenberg. Paris: Minuit, 1966, p. 74-78]