Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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être-sous-la-main

quarta-feira 13 de dezembro de 2023

Vorhandenheit  
ser simplesmente dado
objective presence

Comme celle de toute ontologie  , la problématique de l’ontologie grecque doit nécessairement tirer son fil conducteur du Dasein   lui-même. Le Dasein, c’est-à-dire l’être de l’homme, est déterminé dans sa « définition » vulgaire autant que philosophique comme, zoon logon echon  , comme le vivant dont l’être est essentiellement déterminé par la possibilité de parler. Le legein   (cf. §7 [EtreTemps7], B) est le fil conducteur pour l’obtention des structures d’être de l’étant tel qu’il fait encontre tandis qu’il est advoqué et discuté. C’est pourquoi l’ontologie antique qui se configure chez Platon   devient « dialectique ». Avec l’élaboration progressive du fil conducteur ontologique lui-même, c’est-à-dire avec l’« herméneutique » du logos surgit la possibilité d’une saisie plus radicale du problème de l’être. La dialectique, qui était un embarras philosophique authentique, devient superflue. C’est pourquoi Aristote   n’avait « plus » pour elle de « compréhension », l’ayant déplacée et élevée jusqu’à un sol plus radical. Le legein lui-même, ou le noein   - le pur et simple accueil de quelque chose de sous-la-main en son pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, que Parménide   avait déjà pris pour guide de [26] l’explicitation de l’être - a la structure temporale   du pur « présentifier » de quelque chose. L’étant qui se montre en lui et pour lui, et qui est compris comme le proprement étant, reçoit par conséquent son interprétation par rapport au pré-sent (Gegen-wart  ), c’est-à-dire qu’il est conçu comme présence (ousia  ). EtreTemps6

L’advocation toujours déjà préalable de l’être dans le « parler de » (logos) l’étant est le kategoreisthai. Ce mot signifie d’abord : accuser publiquement, imputer quelque chose à quelqu’un à la face de tous. Employé ontologiquement, le terme veut dire : imputer pour ainsi dire à l’étant ce qu’il est toujours déjà en tant qu’étant, c’est-à-dire le faire voir à tous en son [45] être. Ce qui est aperçu et visible en un tel voir, ce sont les kategoriai. Elles embrassent les déterminations aprioriques de l’étant tel qu’il est diversement advocable et discutable dans le logos. Existentiaux et catégories sont les deux formes fondamentales possibles de caractères d’être. L’étant qui leur correspond requiert une guise d’interrogation primaire à chaque fois distincte : l’étant est un qui (existence) ou un quoi (ÊTRE-SOUS-LA-MAIN au sens le plus large). Quelle est la connexion entre ces deux types de caractères d’être ? Il n’est possible d’en traiter qu’à l’intérieur de l’horizon   une fois clarifié de la question de l’être. EtreTemps9

Ce qui ne vaut pas moins de la « psychologie   », dont on ne saurait méconnaître aujourd’hui les tendances anthropologiques. Le défaut d’un fondement ontologique ne saurait non plus être compensé en insérant anthropologie   et psychologie dans une biologie   générale. Il n’est possible de comprendre et de saisir la biologie comme « science de la vie » que pour autant qu’elle est fondée - sans y être fondée exclusivement - dans l’ontologie du Dasein. [50] La vie est un mode d’être spécifique, mais il n’est essentiellement accessible que dans le Dasein. L’ontologie de la vie s’accomplit sur la voie d’une interprétation privative ; elle détermine ce qui doit être pour que puisse être quelque chose qui ne serait « plus que vie ». La vie n’est pas un pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, ni, encore, un Dasein. Et le Dasein, inversement, ne peut en aucun cas être déterminé en affirmant qu’il est vie (ontologiquement indéterminée), plus que quelque chose d’autre. EtreTemps10

L’« être-auprès » du monde en tant qu’existential ne peut en aucun cas signifier de chose survenantes. Un « être-à-côté » d’un étant nommé Dasein et d’un autre étant nommé « monde », cela n’existe pas. D’ailleurs, nous avons coutume d’exprimer parfois l’être-ensemble de deux choses sous-la-main en disant : « La table est "auprès" de la porte », « la chaise "touche" le mur ». Mais de « contact », il ne saurait ici être question en toute rigueur, non seulement parce qu’un examen plus attentif finit toujours par constater l’existence d’un espace intermédiaire entre la chaise et le mur, mais plutôt parce que la chaise ne peut fondamentalement pas toucher le mur, quand bien même l’espace intermédiaire en question s’annulerait. Pour cela, en effet, il faudrait que le mur puisse faire encontre [begegnen  ] « à » la chaise. Un étant ne peut toucher un étant sous-la-main à l’intérieur du monde que s’il a nativement le mode d’être de l’être-à… - que si, avec son Da-sein  , lui est déjà découvert quelque chose comme un monde à partir duquel de l’étant puisse se manifester dans le contact, pour ainsi devenir accessible en son ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Deux étants qui sont sous-la-main à l’intérieur du monde et, qui plus est, sont en eux-mêmes sans-monde ne sauraient se « toucher », aucun des deux ne peut « être auprès de » l’autre. Notre ajout : « et qui de surcroît sont sans-monde » ne doit pas être omis, puisque même un étant qui n’est pas sans-monde - par exemple le Dasein lui-même - est sous-la-main « dans » le monde, plus exactement peut être appréhendé avec un certain droit et dans certaines limites comme seulement sous-la-main. Ce qui exige de faire totalement abstraction de, ou ne pas apercevoir du tout la constitution existentiale de l’être-à… Néanmoins, il n’est pas question de confondre cette appréhension possible du « Dasein » comme étant, ou n’étant plus que sous-la-main, avec certain mode d’« ÊTRE-SOUS-LA-MAIN » propre au Dasein. Ce mode, en effet, n’est plus accessible à qui fait abstraction des structures spécifiques du Dasein, mais au contraire seulement à qui les comprend d’emblée. Le Dasein [56] comprend son être le plus propre au sens d’un certain « ÊTRE-SOUS-LA-MAIN factuel » (NA: Cf. infra, §29 [EtreTemps29], p. [134-140]). Et pourtant la « factualité » du fait du Dasein propre est ontologiquement sans commune mesure avec la survenance factuelle d’une espèce minérale. La factualité propre au fait du Dasein, ce mode en lequel tout Dasein est à chaque fois, nous l’appelons sa facticité. La structure compliquée de cette déterminité [Bestimmtheit  ] d’être ne peut elle-même être saisie comme problème qu’à la lumière d’une élaboration préalable des constituants existentiaux fondamentaux du Dasein. Le concept de facticité inclut ceci : l’être-au-monde [In-der-Welt-sein  ] d’un étant « intramondain », mais d’un étant capable de se comprendre comme lié en son « destin » à l’être de l’étant qui lui fait encontre à l’intérieur de son propre monde. EtreTemps12

Dans le Dasein lui-même, au Dasein lui-même cette constitution d’être est toujours déjà en quelque manière « bien connue ». Or à partir du moment où elle doit être effectivement [59] connue, la connaissance expresse - en tant que connaissance du monde - se prend justement elle-même pour relation exemplaire de l’« âme » au monde [NT: Phrase « lourde » dans l’original, et en même temps trop expressive pour qu’on ait cru devoir la « refaire ». Heidegger parle du phénomène de la « connaissance du monde » presque comme d’une personne qui se fait passer pour ou « pose à » (sich nehmen   zu… ) - en l’occurrence au « modèle » de tout être-au-monde [In-der-Welt  -sein] possible. Comme c’est ici - comme toujours - de la modalité propre du phénomène qu’il s’agit, il est impossible d’affaiblir ce genre d’énoncés dans un sens métaphorique, et, par conséquent, de les traduire de manière autre que littérale.]. La connaissance du monde (noein) ou l’advocation et la discussion du « monde » (logos) fonctionne par conséquent comme le mode primaire de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] sans que celui-ci soit conçu comme tel. Or comme cette structure d’être demeure ontologiquement inaccessible, mais qu’elle est expérimentée ontiquement comme « relation » entre un étant (monde) et un autre étant (âme), comme enfin l’être est de prime abord compris grâce au point d’appui ontologique de l’étant en tant qu’intramondain, l’on tentera de concevoir cette relation entre les étants cités sur la base de ces étants et conformément au sens de leur être, bref comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. L’être-au-monde [In-der-Welt-sein], bien qu’expérimenté et connu préphénoménologiquement, est rendu invisible par une interprétation ontologiquement inadéquate. On ne connaît plus maintenant cette constitution d’être - non sans la considérer comme quelque chose d’« évident » - que sous l’empreinte à elle imposée par l’interprétation inadéquate. Dès lors, elle deviendra ensuite le point de départ « évident » pour les problèmes de théorie de la connaissance ou de « métaphysique de la connaissance ». Car quoi de plus « évident » qu’un tel rapport d’un « sujet » à un « objet », et inversement ? Ce « rapport sujet-objet » doit nécessairement être présupposé. Néanmoins il demeure une présupposition parfaitement fatale, bien que, ou parce qu’inattaquable en sa facticité tant que sa nécessité ontologique et avant tout son sens ontologique sont laissés dans l’ombre. EtreTemps12

Toutefois, la nature ne saurait être ici comprise comme ce qui est sans plus sous-la-main, et pas davantage comme puissance naturelle. La forêt est réserve de bois, la montagne est carrière de pierre, la rivière est force hydraulique, le vent est vent « dans les voiles ». Avec la découverte du « monde ambiant » vient à notre encontre une « nature » ainsi découverte. Il peut être fait abstraction de son mode d’être en tant qu’étant à-portée-de-la-main, elle-même peut n’être découverte et déterminée que dans son pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Mais à une telle découverte de la nature demeure également retirée la nature comme ce qui « croit et vit », qui nous assaille, nous captive en tant que paysage. Les plantes du botaniste ne sont pas les fleurs du sentier, les « sources » géographiquement situées d’un fleuve ne sont pas sa « source jaillissante ». EtreTemps15

À la quotidienneté [Alltäglichkeit  ] de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] appartiennent des modes de préoccupation [Besorgen  ] qui [73] font apparaître l’étant dont le Dasein se préoccupe de manière telle que c’est alors la mondialité [Weltmässigkeit] [NT: « Mondialité » : le mot allemand dit littéralement : conformité au monde, propriété d’être à la mesure du monde. On ne confondra pas cette détermination avec la mondanéité [Weltlichkeit] du Dasein, ou du monde « lui-même ».] de l’intramondain qui vient au paraître. Dans la préoccupation [Besorgen], l’étant de prime abord à-portée-de-la-main peut être rencontré comme inutilisable, comme impropre à son emploi déterminé. L’instrument de travail apparaît endommagé, le matériau inapproprié. L’outil [Zeug  ], en tout état de cause, demeure alors à-portée-de-la-main : mais ce qui découvre l’inemployabilité, ce n’est pas la constatation avisante de telles ou telles propriétés, mais la circon-spection propre à l’usage qui utilise. En une telle découverte de l’inemployabilité, l’outil [Zeug] s’impose. L’imposition [NT: Imposition, insistance, saturation. BW   traduisaient les trois termes allemands employés dans cette page : Auffälligkeit  , Aufdringlichkeit  , Aufsässigkeit   (non néologiques) par « attention », « importunité » et « persévération », ce qui est sans doute plus conforme aux indications du dictionnaire, mais non pas à l’esprit de la présente analyse, dans la mesure où ces trois déterminations concernent moins l’« expérience » de l’outil [Zeug] par le « sujet » que l’outil [Zeug] lui-même selon que, tout en s’effaçant, il apparaît pour la dernière - ou plutôt pour la première - fois. Il faut ici respecter, en d’autres termes, le fait que l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, s’il transparaît, ne devient pas pour autant considérativement thématique. Le marteau mal emmanché, le marteau sans clous, le marteau et les clous rencontrant l’obstacle d’un noeud dans le bois, bien loin de retenir mon attention, de m’être importuns, de m’imposer leur persévération - ce qui est évidemment exact, mais secondaire ici - demeurent si bien à-portée-de-la-main que c’est alors justement que leur être-à-portée-de-la-main s’annonce  .] donne l’outil [Zeug] à-portée-de-la-main sous la figure d’un certain ne-pas-être-à-portée-de-la-main. Or cela implique ceci : l’inutilisable gît simplement là - il se montre comme chose-outil [Zeug] qui a tel ou tel aspect et qui, en son être-à-portée-de-la-main, manifeste par cet aspect qu’elle était aussi et constamment sous-la-main. Le pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN s’annonce dans l’outil [Zeug], pour ensuite cependant se retirer à nouveau dans l’être-à-portée-de-la-main d’un étant dont on se préoccupe, en se sens qu’on le remet en état. Cet ÊTRE-SOUS-LA-MAIN de l’inutilisable n’est pas encore purement et simplement privé de tout être-à-portée-de-la-main, l’outil [Zeug] ainsi sous-la-main n’est pas encore une chose qui surviendrait seulement quelque part. La dégradation de l’outil [Zeug] n’est pas encore un simple changement chosique, une simple mutation de propriétés survenant dans un étant sous-la-main. EtreTemps16

Les modes de l’imposition, de l’insistance et de la saturation ont pour fonction de porter au paraître dans l’étant à-portée-de-la-main le caractère de l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Cependant, l’à-portée-de-la-main n’est pas alors encore simplement considéré et fixé comme du sous-la-main, l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN qui s’annonce demeure lié à l’être-à-portée-de-la-main de l’outil [Zeug]. Celui-ci ne se voile pas encore en simples choses. L’outil [Zeug] devient seulement « une chose qu’on a laissée traîner » [NT: Il faudrait traduire carrément par « un machin », puisque tel est dans un allemand plus familier l’autre sens du mot Zeug, outil [Zeug]. « Was machen   sie mit diesen alten Zeugen ? », « Que cherchez-vous à tirer de ces vieilles choses ? » aurait dit Husserl   à Heidegger, parlant… de ses propres Recherches logiques.] et qu’il faudrait écarter du chemin ; ce besoin d’éloignement manifeste cependant que l’étant à-portée-de-la-main est demeuré tel en dépit de son ÊTRE-SOUS-LA-MAIN irréductible. EtreTemps16

En quoi cette indication au sujet de la modification de la rencontre de l’étant à-portée-de-la-main et du dévoilement de son ÊTRE-SOUS-LA-MAIN peut-elle contribuer à l’éclaircissement du phénomène du monde ? En analysant cette modification, nous sommes restés attachés à l’être de l’étant intramondain, et nous n’avons donc pas encore réussi à nous rapprocher du phénomène du monde. Et pourtant, même sans encore le saisir, nous nous sommes assurés de la possibilité de porter ce phénomène sous le regard. EtreTemps16

L’« institution des signes » peut également manifester avec une clarté particulière ce caractère spécifique des signes. Cette institution, en effet, s’accomplit dans, et à partir d’une prévoyance circon-specte qui a besoin de la possibilité à-portée-de-la-main de se faire toujours annoncer par un étant à-portée-de-la-main le monde ambiant à chaque fois accessible. Or à l’être qui est de prime abord à-portée-de-la-main à l’intérieur du monde appartient un caractère qui a été décrit plus haut [NT: Supra, p. [75].]: il se retient en soi, il ne ressort pas. C’est pourquoi l’usage circon-spect a besoin de trouver dans le monde ambiant un outil [Zeug] à-portée-de-la-main qui assume en son caractère d’outil [Zeug] la « tâche » de faire s’imposer l’à-portée-de-la-main. De ce fait, la production d’un tel outil [Zeug] - des signes - doit se soucier de leur imposition. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’on portera les outils ainsi devenus manifestes à un quelconque ÊTRE-SOUS-LA-MAIN : au contraire, il devront être « disposés » d’une manière déterminée, propre à faciliter leur accès. EtreTemps17

À l’intérieur du champ de recherches qui est actuellement le nôtre, l’essentiel est de maintenir de manière fondamentale les différences - que nous n’avons cessé de marquer - entre les diverses structures et dimensions de la problématique ontologique : 1. l’être de l’étant intramondain tel qu’il fait de prime abord encontre (être-à-portée-de-la-main) ; 2. l’être de l’’étant (ÊTRE-SOUS-LA-MAIN) qui devient trouvable et déterminable dans une traversée spécifiquement découvrante de l’étant de prime abord rencontré ; 3. l’être de la condition ontique de possibilité de la découvrabilité de l’étant intramondain en général - la mondanéité [Weltlichkeit] du monde. L’être nommé en dernier lieu est une détermination existentiale de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], c’est-à-dire du Dasein. Quant aux deux premiers concepts de l’être, ce sont des catégories, qui ne concernent que l’étant dont l’être n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig]. - On peut certes saisir formellement le complexe de renvois qui constitue en tant que significativité [Bedeutsamkeit  ] la mondanéité [Weltlichkeit] au sens d’un système de relations. Mais il importe seulement d’observer que de telles formalisations nivellent les phénomènes jusqu’à en ruiner la teneur phénoménale authentique, surtout lorsqu’elles s’appliquent à des rapports aussi « simples » que ceux qu’abrite la significativité [Bedeutsamkeit]. En leur teneur phénoménale, ces « relations » et ces « relatifs » du pour…, du en-vue-de…, de l’avec… d’une tournure [Bewandtnis  ] répugnent à toute fonctionnalisation mathématique ; pas davantage ne sont-ils des notions, des fruits de la seule « pensée » : ils sont les rapports où la circon-spection préoccupée en tant que telle séjourne à chaque fois déjà. Ce « système de relation » comme constituant de la mondanéité [Weltlichkeit] volatilise si peu l’être de l’à-portée-de-la-main intramondain que c’est seulement sur la base de la mondanéité [Weltlichkeit] du monde que cet étant est découvrable en son « en soi substantiel ». Et de même c’est seulement si de l’étant intramondain peut en général faire encontre [begegnen] que s’ouvre la possibilité de rendre accessible dans le champ de cet étant le sans-plus-sous-la-main. Ce dernier type d’étant, sur la base de son être-sans-plus-sous-la-main, peut être déterminé mathématiquement en « concepts fonctionnels » du point de vue de ces « propriétés ». Mais des concepts fonctionnels de cette sorte ne sont en général ontologiquement possibles que par rapport à de l’étant dont l’être a le caractère de la pure substantialité : des concepts fonctionnels ne sont jamais possibles que comme concepts substantiels formalisés [NT: Allusion critique au livre d’E. Cassirer  , Substanzbegriff und Funktionsbegriff, 1925, traduit en français en 1977 par P. Caussat sous le titre Substance et fonction.]. EtreTemps18

En exposant le problème de la mondanéité [Weltlichkeit] (§14 [EtreTemps14]), nous avons insisté sur l’importance de la conquête d’un accès adéquat à ce phénomène. Notre élucidation critique du point de départ cartésien aura par conséquent à poser la question suivante : quel mode d’être du Dasein Descartes   fixe-t-il comme la voie d’accès adéquate à l’étant à l’être duquel (extensio) il identifie l’être du « monde » ? Réponse : l’accès unique et authentique à cet étant est le connaître, l’intellectio, celle-ci étant prise au sens de la connaissance mathématico-physique. La connaissance mathématique vaut comme ce mode de saisie de l’étant qui peut toujours être assuré d’une possession certaine de l’étant saisi en elle. Ce qui a un mode d’être tel qu’il satisfasse à l’être qui est accessible dans la connaissance mathématique est au sens propre. Cet étant est ce qui est toujours ce qu’il est ; c’est pourquoi ce qui constitue l’être proprement dit [96] de l’étant expérimenté dans le monde est ce dont on peut montrer qu’il a le caractère de la demeurance constante - le remanens capax mutationum. N’est proprement que ce qui constamment subsiste. C’est la mathématique qui connaît un tel étant. Ce qui est accessible par elle dans l’étant constitue l’être de cet étant. Ainsi, c’est à partir d’une idée déterminée de l’être, celle qui est enveloppée dans le concept de substantialité, et à partir de l’idée d’une connaissance qui connaît ce qui est ainsi que son être est pour ainsi dire dicté au « monde ». Bien loin de se laisser prédonner par l’étant intramondain le mode d’être de cet étant, Descartes prescrit au contraire au monde son être « véritable » sur la base d’une idée de l’être (être = ÊTRE-SOUS-LA-MAIN constant) qui n’est pas plus légitimée en son droit que dévoilée en son origine. Ce n’est donc pas primairement l’invocation d’une science spécialement appréciée pour des raisons contingentes, la mathématique, qui détermine l’ontologie du monde, mais bien plutôt l’orientation fondamentalement ontologique sur l’être comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN constant, à la saisie duquel la connaissance mathématique satisfait en un sens privilégié. Ainsi Descartes accomplit-il philosophiquement et expressément le déplacement [NT: Littéralement : une « commutation » (Umschaltung  ), terme qui exprimerait aussi bien (il n’est cependant guère usuel) cet extraordinaire « changement dans la continuité » qui caractérise la position historiale unique de Descartes.] de l’influence de l’ontologie traditionnelle vers la physique mathématique moderne et ses fondements transcendantaux. EtreTemps21

[98] L’idée de l’être comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN constant ne motive pas seulement une détermination extrême de l’être de l’étant intramondain et son identification avec le monde en général, elle empêche en même temps de porter les comportements du Dasein sous un regard ontologiquement adéquat. Du même coup, tout chemin est complètement barré qui permettrait seulement d’apercevoir le caractère fondé de tout comportement sensible et intellectuel, et de le comprendre comme une possibilité de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Mais l’être du « Dasein », à la constitution fondamentale duquel l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] appartient, Descartes ne veut le saisir que sur le même mode que l’être de la res extensa  , comme substance. EtreTemps21

Et pourtant, même abstraction faite du problème spécifique du monde, peut-on espérer accéder ontologiquement par cette voie à l’être de l’étant qui fait de prime abord encontre dans le monde ambiant ? En se référant à la choséité [Dinglichkeit  ] matérielle, n’a-t-on pas déjà posé tacitement un sens de l’être - l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN chosique constant - auquel l’équipement après coup de l’étant à l’aide de prédicats axiologiques apportera ensuite si peu un complément ontologique que ces caractères de valeur, au contraire, ne demeurent eux-mêmes que des déterminité [Bestimmtheit]s ontiques d’un étant qui a le mode d’être de la chose ? L’ajout de prédicats axiologiques n’est pas le moins du monde capable de nous apporter de nouvelle révélation sur l’être des « biens », s’il est vrai qu’il ne fait que présupposer à nouveau pour eux le mode d’être du pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Des valeurs sont des déterminité [Bestimmtheit]s sous-la-main d’une chose. Elles ne tiennent finalement leur origine ontologique que de la position préalable de la réalité chosique comme couche fondamentale. Or l’expérience préphénoménologique nous montre déjà dans l’étant prétendument chosique quelque chose que la choséité [Dinglichkeit] ne parvient pas à rendre pleinement compréhensible. L’être chosique, par conséquent, a besoin d’un complément. Que signifie donc ontologiquement l’être des valeurs, ou leur « validité » que Lotze   interprétait comme un mode d’« affirmation » ? Que signifie ontologiquement cette « adhérence » des valeurs aux choses ? Tant que ces déterminations demeurent dans l’obscurité, la reconstruction de la chose d’usage à partir de la chose naturelle ne peut apparaître que comme une opération ontologiquement discutable, indépendamment même de l’inversion fondamentale de la problématique qu’elle représente. Car cette reconstruction de la chose d’usage que l’on a d’abord « dépouillée » n’a-t-elle pas toujours déjà besoin du regard préalable, positif sur le phénomène dont la totalité doit être reproduite dans la reconstruction ? Car si la constitution d’être la plus propre de celui-ci n’est pas d’abord adéquatement explicitée, alors la reconstruction ne reconstruit-elle point sans le moindre plan ? Dans la mesure où cette reconstruction et ce « complément » de l’ontologie traditionnelle du « monde » atteint pour résultat ce même étant dont était partie notre analyse [100] antérieure de l’être-à-portée-de-la-main de l’outil [Zeug] et de la totalité de tournure [Bewandtnis], elle crée l’illusion   que l’être de cet étant serait en effet éclairci, ou tout au moins pris comme problème. Mais aussi peu Descartes, grâce à l’extensio comme proprietas, touche à l’être de la substance, tout aussi peu le recours à des propriétés « axiologiques » est capable de porter seulement sous le regard l’être comme être-à-portée-de-la-main, et encore moins de faire de lui un thème proprement ontologique. EtreTemps21

Dans quelle mesure, en caractérisant l’à-portée-de-la-main, avons-nous d’ores et déjà rencontré sa spatialité ? Il a été question de l’étant de prime abord à-portée-de-la-main. Or cette expression ne désigne pas seulement l’étant qui à chaque fois fait encontre d’abord, avant d’autres étants, mais aussi et en même temps l’étant qui est « à proximité ». L’à-portée-de-la-main de l’usage quotidien [alltäglich] a le caractère de la proximité. Cette proximité de l’outil [Zeug], a y regarder de plus près, est déjà suggérée dans le terme même qui exprime son être : « être-à-portée-de-la-main ». L’étant « à main » a à chaque fois une proximité différente, qui n’est point fixée par la mesure de distances. Cette proximité se règle bien plutôt à partir d’une utilisation et d’un emploi qui ne la « prennent en compte » que de manière circon-specte. En même temps, la circon-spection de la préoccupation [Besorgen] fixe l’étant ainsi proche au point de vue de la direction où l’outil [Zeug] est à chaque fois accessible. La proximité orientée de l’outil [Zeug] signifie qu’il n’a pas seulement, quelque part sous-la-main, son emplacement dans l’espace, mais que, en tant qu’outil [Zeug], il est essentiellement « amené », « remisé », « mis en place », « disposé ». Ou bien l’étant a sa place, ou bien il « traîne » - ce dernier cas devant être fondamentalement distingué de la pure survenance en un quelconque point de l’espace. La place se détermine à chaque fois comme place de cet outil [Zeug] pour… - à partir de la totalité des places, orientées les unes vers les autres, du complexe d’outils à-portée-de-la-main sur le mode du monde ambiant. La place et la diversité des places ne sauraient être interprétées comme le « où » d’un quelconque ÊTRE-SOUS-LA-MAIN des choses. La place est toujours le « là-bas » et le « là » déterminés de la destination (NT: Le mot allemand (Hingehören  ) ne connotant pas ici une « finalité », mais le fait d’« avoir sa place », d’« être à sa place ».) d’un outil [Zeug], laquelle destination correspond à chaque fois au [103] caractère d’outil [Zeug] de l’à-portée-de-la-main, c’est-à-dire à l’appartenance à une totalité d’outils qui lui est assignée par sa tournure [Bewandtnis]. Toutefois, la destination emplaçable d’une totalité d’outils a pour condition de possibilité le « vers où » en général en lequel est assignée à un complexe d’outils la totalité de la place. Ce « vers où » de la destination outil [Zeug]itaire possible tenu d’avance sous le regard circon-spect de l’usage préoccupé, nous le nommons la contrée. EtreTemps22

Cependant, la caractérisation du faire-encontre des autres s’oriente à nouveau à chaque fois sur le Dasein propre. Est-ce à dire qu’elle parte elle aussi d’un « Moi » privilégié et isolé, de telle manière qu’il faille ensuite chercher un passage conduisant de ce sujet isolé vers autrui ? Pour éviter ce contresens, il convient de préciser en quel sens nous parlons ici des « autres ». « Les autres », cela ne veut pas dire : tout le reste des hommes en-dehors de moi, dont le Moi se dissocierait - les autres sont bien plutôt ceux dont le plus souvent l’on ne se distingue pas soi-même, parmi lesquels l’on est soi-même aussi. Cet être-Là-aussi avec eux n’a pas le caractère ontologique d’un ÊTRE-SOUS-LA-MAIN « ensemble » à l’intérieur d’un monde. L’« avec » est ici à la mesure du Dasein [Daseinsmässig], le « aussi » désigne une mêmeté d’être comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] préoccupé de manière circon-specte. L’« avec » et le « aussi » doivent être compris existentialement, non pas catégorialement. Sur la base de ce caractère d’avec propre à l’être-au-monde [In-der-Welt-sein], le monde est à chaque fois toujours déjà celui que je partage avec les autres. Le monde du Dasein est monde commun [Mitwelt]. L’être-à est être-avec [Mitsein  ] avec les autres. L’être-en-soi intramondain de ceux-ci est être-Là-avec [Mitdasein]. EtreTemps26

La « préoccupation [Besorgen] » pour la nourriture et le vêtement, les soins donnés au corps malade sont eux aussi sollicitude [Fürsorge]. Toutefois, nous comprenons cette expression, comme c’était le cas pour notre usage terminologique de la « préoccupation [Besorgen] », comme un existential. La sollicitude [Fürsorge] sous la forme factice et sociale de l’« assistance », par exemple, se fonde dans la constitution d’être du Dasein comme être-avec [Mitsein]. Son urgence factice est motivée par le fait que le Dasein se tient de prime abord et le plus souvent dans les modes déficients de la sollicitude [Fürsorge]. Être pour, contre, sans… les uns les autres, passer indifféremment les uns à côté des autres, ce sont là des guises possibles de la sollicitude [Fürsorge]. Et précisément, les modes cités en dernier lieu de la déficience et de l’indifférence caractérisent l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] quotidien [alltäglich] et moyen. Ces modes d’être manifestent derechef le caractère de non-imposition et d’« évidence » qui échoit tout aussi bien à l’être-Là-avec [Mitdasein] quotidien [alltäglich] intramondain d’autrui qu’à l’être-à-portée-de-la-main de l’outil [Zeug] dont on se préoccupe chaque jour. Ces modes indifférents de l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] peuvent aisément conduire l’interprétation ontologique à expliciter de prime abord cet être au sens du pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN de plusieurs sujets. Apparemment, il ne s’agit que de variantes infimes de ce même mode d’être, et pourtant, entre la survenance ensemble « indifférente » de choses quelconques et l’indifférence propre à des étants qui sont l’un avec [122] l’autre, la différence est essentielle. EtreTemps26

Le Dasein quotidien [alltäglich] puise l’explicitation préontologique de son être dans le mode d’être [130] prochain du On. De prime abord, l’interprétation ontologique suit cette tendance explicitative, elle comprend le Dasein à partir du monde et le trouve comme un étant intramondain. Plus encore : l’ontologie « prochaine » va jusqu’à se laisser donner par le « monde » le sens de l’être par rapport auquel ces « sujets » étants sont compris. Mais comme le phénomène du monde passe lui-même inaperçu dans cette identification au monde, c’est le sous-la-main intramondain, ce sont les choses qui prennent sa place. L’être de l’étant qui est-Là-avec est conçu comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Ainsi la mise en lumière du phénomène positif de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] quotidien [alltäglich] prochain ouvre-t-elle un aperçu sur la racine de l’omission de cette constitution d’être par l’interprétation ontologique. C’est elle-même qui, en son mode d’être quotidien [alltäglich], se manque et se recouvre de prime abord. EtreTemps27

Si l’être de l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] quotidien [alltäglich], qui apparemment se rapproche ontologiquement du pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, s’en distingue en réalité fondamentalement, il sera encore plus impossible de comprendre l’être du Soi-même authentique comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. L’être-Soi-même authentique ne repose pas sur un état d’exception du sujet dégagé du On, mais il est une modification existentielle du On comme existential essentiel. EtreTemps27

L’expression « vue » doit naturellement être préservée d’un contresens. Elle caractérise [147] l’être-éclairci comme quoi nous avions caractérisé l’ouverture du Là. Non seulement ce « voir » ne désigne pas la perception par les yeux du corps, mais encore il n’a rien à voir avec le pur accueil non-sensible d’un sous-la-main en son ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Seule importe à la signification existentiale de la vue cette propriété spécifique du voir : il laisse faire encontre [begegnen] en lui-même à découvert l’étant qui lui est accessible. Ce que fait évidemment chaque « sens » à l’intérieur de son domaine natif de découverte. D’ailleurs, la tradition   de la philosophie  , depuis son début, est primairement orientée sur le « voir » comme mode d’accès à l’étant et à l’être. Afin de maintenir la connexion avec elle, on peut formaliser les concepts de vue et de voir de manière à les prendre comme des termes universels caractérisant tout accès - en tant qu’accès en général - à l’étant et à l’être. EtreTemps31

Toutefois, cette mise en lumière de l’échéance ne dégage-t-elle pas un phénomène contraire à la détermination qui nous a servi à indiquer l’idée formelle d’existence ? Le Dasein peut-il être conçu comme l’étant dans l’être duquel il y va du pouvoir-être si cet étant, en sa quotidienneté [Alltäglichkeit], s’est précisément perdu, et si, dans l’échéance, il « vit » écarté de soi ? Réponse : l’échéance sur le monde ne peut devenir une « preuve » phénoménale contre l’existentialité du Dasein que si celui-ci est posé comme Moi-sujet isolé, comme un point d’identité dont il s’écarterait. Car le monde devient alors un objet ; alors, l’échéance sur lui est ontologiquement mésinterprétée en ÊTRE-SOUS-LA-MAIN selon la guise propre à un étant intramondain. Si au contraire nous maintenons l’être du Dasein dans sa constitution d’être-au-monde [In-der-Welt-sein], il devient manifeste que l’échéance, comme mode d’être de cet être-à, apporte bien plutôt la preuve la plus élémentaire à l’appui de l’existentialité du Dasein. Dans l’échéance, il n’y va de rien d’autre que du pouvoir-être-au-monde [In-der-Welt-sein], même si c’est sur le mode de l’inauthenticité. Le Dasein ne peut échoir [verfallen] que parce qu’il y va pour lui de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] compréhensif et affecté. Inversement, l’existence authentique n’est pas quelque chose qui flotte au-dessus de la quotidienneté [Alltäglichkeit] échéante : existentialement, elle n’est qu’une saisie modifiée de celle-ci. EtreTemps38

L’analytique du Dasein, en poussant jusqu’au phénomène du souci, est destinée à préparer la problématique fondamental-ontologique, la question du sens de l’être en général. Il convient donc, à partir des résultats acquis, d’infléchir expressément le regard dans cette direction, autrement dit de dépasser la tâche particulière d’une anthropologie apriorique existentiale. Or pour cela, les phénomènes qui se tiennent dans la connexion la plus étroite avec la question directrice de l’être doivent être pris en vue rétrospectivement et saisis de manière encore plus pénétrante. Ces phénomènes, ce sont d’une part les guises de l’être qui ont été expliquées : l’être-à-portée-de-la-main, l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, qui déterminent l’étant intramondain qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig]. Or comme la problématique ontologique, depuis toujours, a compris primairement l’être au sens de l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN (« réalité », effectivité du monde) tout en laissant l’être du Dasein ontologiquement indéterminé, il est besoin d’une élucidation de la connexion ontologique entre souci, mondanéité [Weltlichkeit], être-à-portée-de-la-main et ÊTRE-SOUS-LA-MAIN (réalité). Ce qui nous conduira à une détermination plus aiguë du concept de réalité dans le cadre d’une discussion des problématiques gnoséologiques orientées sur cette idée, à savoir celle du réalisme et de l’idéalisme. EtreTemps39

Il faut d’abord remarquer expressément que Kant   utilise le terme Dasein [« existence »] pour désigner le mode d’être qui est nommé dans la présente recherche « ÊTRE-SOUS-LA-MAIN ». « La conscience [Gewissen  ] de mon Dasein », cela veut dire pour Kant : la conscience [Gewissen] de mon ÊTRE-SOUS-LA-MAIN au sens de Descartes. Le terme Dasein désigne alors aussi bien l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN de la conscience [Gewissen] que l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN des choses. EtreTemps43

La preuve de l’« existence des choses hors de moi » s’appuie sur le fait que le changement et la permanence appartiennent cooriginairement à l’essence du temps. Mon ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, c’est-à-dire l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, donné dans le sens interne, d’une multiplicité de représentations, est un change (Wechsel  ) sous-la-main. Or une déterminité [Bestimmtheit] temporelle présuppose quelque chose de sous-la-main de façon permanente. Mais ce sous-la-main permanent ne peut pas être « en nous », « car précisément mon existence dans le temps ne peut être tout d’abord déterminée que par ce permanent » (NA: Ibid.) . Avec le change sous-la-main empiriquement posé « en moi » est donc nécessairement co-posé empiriquement un [204] sous-la-main permanent « en dehors de moi ». Ce permanent est la condition de possibilité de l’ÊTRE-SOUS-LA-MAIN d’un change « en moi ». L’expérience de l’être-dans-le-temps de représentations suppose cooriginairement du changeant « en moi » et du permanent « hors de moi ». EtreTemps43

Si le « problème de la réalité », pris au sens de la question de savoir si un monde extérieur est et peut être démontré sous-la-main, se révèle un problème impossible, ce n’est pas parce que son développement conduit à des apories intenables, mais parce que l’étant même qui est pris pour thème dans ce problème décline pour ainsi dire un tel mode de questionnement. Il n’y a pas à prouver que et comment un « monde extérieur » est sous-la-main - il y a à mettre en lumière pourquoi le Dasein comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] a tendance à commencer par enterrer d’abord « gnoséologiquement » le « monde extérieur » dans le néant, pour ensuite seulement s’appliquer à le prouver. Le fondement s’en trouve dans l’échéance du Dasein et dans le déplacement, motivée par celle-ci, de la compréhension primaire d’être vers l’être comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN. Si le questionnement conforme à cette orientation ontologique est de type « critique », c’est une simple « intériorité » qui s’imposera de prime abord à lui à titre d’unique étant sous-la-main assuré ; après quoi, une fois le phénomène originaire de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] mis en pièces, il s’emploiera sur la base de ce résidu, du sujet isolé, à recomposer ce sujet avec un « monde ». EtreTemps43

La réalité, en tant que titre ontologique, est rapportée à l’étant intramondain. Si ce titre sert de désignation pour ce mode d’être en général, c’est qu’être-à-portée-de-la-main et ÊTRE-SOUS-LA-MAIN fonctionnent comme modes de la réalité. Au contraire, si on laisse au mot sa signification traditionnelle, il désigne alors l’être au sens du pur ÊTRE-SOUS-LA-MAIN chosique. Toutefois, tout ÊTRE-SOUS-LA-MAIN n’est pas ÊTRE-SOUS-LA-MAIN chosique. La « nature » qui nous « environne » et nous « embrasse » est sans doute de l’étant intramondain, mais elle ne manifeste ni le mode d’être de l’être-à-portée-de-la-main ni celui du sous-la-main selon la guise de la « choséité [Dinglichkeit] naturelle ». Mais de quelque manière que cet « être » de la nature puisse être interprété, il n’en reste pas moins que tous les modes d’être de l’étant intramondain sont ontologiquement fondés dans la mondanéité [Weltlichkeit] du monde, et, par là, dans le phénomène de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. D’où il résulte cet aperçu : pas plus que la réalité n’a de primauté à l’intérieur des modes d’être de l’étant intramondain, pas davantage ce mode d’être ne peut-il adéquatement caractériser ontologiquement quelque chose comme le monde et le Dasein. EtreTemps43

Ce qui cependant est dernier dans l’ordre des connexions ontologico-existentiales de dérivation vaut du point de vue ontico-factice comme le terme premier et le plus proche. Mais ce fait, considéré en sa nécessité propre, se fonde à son tour sur le mode d’être du Dasein lui-même. Dans l’identification préoccupée, le Dasein se comprend à partir de l’étant rencontré à l’intérieur du monde. L’être-découvert appartenant au découvrir est de prime abord trouvé de manière intramondaine dans l’ex-primé. Mais ce n’est pas seulement la vérité qui fait alors encontre comme du sous-la-main, mais encore la compréhension d’être en général comprend de prime abord tout étant comme sous-la-main. La méditation ontologique immédiate sur la « vérité » de prime abord rencontrée ontiquement comprend le logos (énoncé) comme logos tinos (énoncé sur…, être-découvert de…), mais interprète le phénomène en tant que sous-la-main du point de vue de son ÊTRE-SOUS-LA-MAIN possible. Mais comme celui-ci a été identifié au sens de l’être en général, la question de savoir si ce mode d’être de la vérité et sa structure de prime abord rencontrée sont originaires ou non ne peut même pas s’éveiller. La compréhension d’être du Dasein de prime abord régissante, et qui aujourd’hui encore n’a été ni FONDAMENTALEMENT ni EXPRESSÉMENT dépassée, recouvre elle-même le phénomène originaire de la vérité. EtreTemps44

La réponse à la question du sens de l’être fait encore défaut. En quelle mesure l’analyse fondamentale du Dasein jusqu’ici accomplie a-t-elle contribué à préparer l’élaboration de cette question ? La libération du phénomène du souci a permis de clarifier la constitution d’être de l’étant à l’être duquel appartient quelque chose comme la compréhension de l’être. Ainsi, l’être du Dasein a été en même temps délimité par rapport à des modes d’être (être-à-portée-de-la-main, ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, réalité) qui caractérisent l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein [Daseinsmässig]. Enfin le comprendre lui-même a été précisé, ce qui a permis en même temps de garantir la transparence méthodique du procédé compréhensif-explicitatif de l’interprétation de l’être. EtreTemps44

À la lumière de l’élucidation antérieure de la possibilité ontologique de saisie de la mort, il devient en même temps clair que diverses substructions - qui ne cessent de s’imposer à notre insu - de types d’étants munis d’un autre mode d’être (ÊTRE-SOUS-LA-MAIN ou vie) menacent d’égarer l’interprétation du phénomène, et même déjà sa première prédonation adéquate. Ce à quoi il n’est possible de remédier qu’en cherchant à procurer à la suite de l’analyse une déterminité [Bestimmtheit] ontologique suffisante des phénomènes constitutifs que sont la fin et la totalité. EtreTemps47

Si déjà le caractère ontologique de son être propre, étant donné la prépondérance de la compréhension échéante de l’être (être comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN), se tient éloigné du Dasein, cela vaut davantage encore des fondements originaires de cet être. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner si la temporalité, au premier regard, ne correspond pas à ce qui est accessible comme « temps » à la compréhension vulgaire. Le concept de temps de l’expérience vulgaire du temps et la problématique qui en naît ne sauraient donc, par conséquent, fonctionner inconsidérément comme critères de l’adéquation d’une interprétation. Bien plutôt la recherche doit-elle se rendre préalablement familière avec le phénomène originaire de la temporalité pour ne mettre au jour qu’à partir de lui la nécessité et le mode d’origine de la compréhension vulgaire du temps, ainsi que le fondement de sa domination. EtreTemps61

Si en outre la thématisation modifie et articule la compréhension d’être, alors l’étant thématisant, le Dasein doit déjà, pour autant qu’il existe, comprendre quelque chose comme de l’être. Le comprendre de l’être peut rester neutre, être-à-portée-de-la-main et ÊTRE-SOUS-LA-MAIN sont alors encore indistincts, et ils sont encore moins conçus ontologiquement. Mais pour que le Dasein puisse avoir l’usage d’un complexe d’outils, il doit comprendre, bien que non thématiquement, quelque chose comme la tournure [Bewandtnis] : il faut qu’un monde lui soit ouvert. Le monde est ouvert avec l’existence factice du Dasein, si tant est que cet étant existe essentiellement comme être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Et si enfin l’être du Dasein se fonde dans la temporalité, alors il faut que ce soit celle-ci qui possibilise l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] et ainsi la transcendance du Dasein, laquelle, de son côté, supporte l’être préoccupé - théorique ou pratique - auprès de l’étant intramondain. EtreTemps69

Tout ce qui nous incombe ici est de délimiter l’orbe de phénomènes qui, lorsqu’on parle de l’historialité du Dasein, est nécessairement co-visé ontologiquement. Sur la base de la transcendance, temporellement fondée, du monde, du mondo-historial est à chaque fois déjà « objectivement » là dans le provenir de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] existant, sans être saisi historiquement. Et comme le Dasein factice s’identifie de manière échéante à sa préoccupation [Besorgen], il comprend de prime abord son histoire mondo-historialement. Et comme de surcroît la compréhension vulgaire de l’être comprend indifféremment l’« être » comme ÊTRE-SOUS-LA-MAIN, l’être du mondo-historial est expérimenté et explicité au sens d’un sous-la-main qui arrive, est présent et disparaît. Et comme, enfin, le sens de l’être vaut en général pour ce qu’il y a de plus « évident », la question du mode d’être du mondo-historial et de la mobilité du provenir en général passe « quand même et à parler vrai » pour la sophistication stérile d’un verbalisme creux. EtreTemps75

Son clair aperçu du caractère fondamental de l’histoire, la « virtualité », Yorck le doit à sa connaissance du caractère d’être du Dasein humain lui-même, il ne l’obtient point en examinant en théoricien de la science l’objet de la considération historique : « Que l’ensemble du donné psycho  -physique ne soit pas [être = ÊTRE-SOUS-LA-MAIN de la nature, N.d.A.] mais vive, voilà le point germinal de l’historialité. Et une auto-méditation orientée non pas sur un Moi abstrait, mais sur la plénitude de mon Soi-même me découvrira historiquement déterminé tout comme la physique me connaît cosmiquement déterminé. Comme je suis nature, je suis histoire… » (p. 71). Et Yorck, qui a scruté toutes les « déterminations » inauthentiques « de rapports » et tous les relativismes « privés de sol » n’hésite pas à tirer de son aperçu dans l’historialité du Dasein la conséquence [Abfolge  ] ultime : « Mais d’un autre côté, étant donnée l’historialité interne de la conscience [Gewissen] de soi, une systématique coupée de la science historique [402] est méthodiquement inadéquate. De même que la physiologie ne peut faire abstraction de la physique, de même la philosophie - spécialement si elle est critique - ne peut faire abstraction de l’historialité… Le comportement personnel et l’historialité sont comme la respiration et le bol d’air, et, cela paraîtrait-il à quelque degré paradoxal, la non-historialisation du philosopher m’apparaît, au point de vue méthodique, comme un résidu métaphysique » (p. 69). « C’est parce que philosopher, c’est vivre, c’est pour cette raison - ne vous effrayez pas - qu’il y a à mon avis une philosophie de l’histoire - qui pourrait l’écrire ! -, non certes au sens où on l’a jusqu’à maintenant envisagée et tentée - ce contre quoi vous vous êtes irréfutablement déclaré. Le questionnement jusqu’ici de mise était faux, et même impossible, mais il n’est pas le seul. C’est pourquoi, en outre, il n’est pas de philosopher réel qui ne soit historique. La séparation entre philosophie systématique et exposition historique est essentiellement incorrecte » (p. 251). « Du reste, le pouvoir-devenir-pratique est le fondement juridique authentique de toute science. Mais la praxis   mathématique n’est pas la seule. La visée pratique de notre point de vue est la visée pédagogique, au sens le plus large et profond du mot. Elle est l’âme de toute vraie philosophie et la vérité de Platon et d’Aristote » (p. 42 sq.). « Vous savez ce que je pense de la possibilité d’une éthique comme science. Néanmoins, il est toujours possible de faire mieux. À qui, en vérité, de tels livres s’adressent-ils ? Ce sont des registres sur des registres ! Seule chose à remarquer : la tendance de la physique à aller en direction de l’éthique » (p. 73). « Si l’on comprend la philosophie comme une manifestation de la vie, et non comme l’expectoration d’une pensée sans sol, apparaissant privée de sol parce que le regard est détourné du sol de la conscience [Gewissen], alors la tâche est simple dans son résultat, si compliqué et pénible qu’en soit l’obtention. La liberté à l’égard des préjugés est la présupposition, et celle-ci, déjà, n’est pas facile à conquérir » (p. 250). EtreTemps77