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L’ABSOLU TECHNIQUE

Milet (2000:50-52) – A physis como essência da técnica

La physis comme essence de la technique

segunda-feira 29 de julho de 2019, por Cardoso de Castro

MILET  , 2000, p. 50-52

Pour Heidegger, «l’essence de la technique n’est absolument rien de technique.» L’essence de la technique n’est pas plus constituée par les objets techniques que celle de l’arbre par les arbres. Heidegger a auparavant prévenu : «Si nous répondons à cette essence, alors nous pouvons prendre conscience de la technique dans sa limitation.» L’essence de la technique est ce qui limite la technique. Qu’est-ce qui limite la technique, sinon la physis   ? La méditation de Heidegger cherche à s’avancer vers la physis - ce qui veut dire à la laisser venir. C’est pourquoi cette dernière n’est pas thématisée, posée. Elle vient en question - à travers la question de l’essence de la technique. L’enjeu est d’y ménager un accès. Mais le cheminement ne repose sur aucune assurance préalable. Dès lors, la question de la conférence n’est pas quelle est l’essence de la technique, mais : y a -t-il une essence de la technique, y a-t-il une limite possible à la puissance de la technique ? Y a-t-il un chemin vers la physis ?

Heidegger récuse la conception anthropologique et instrumentale de la technique. Celle-ci est exacte, et cependant, non vraie. La technique est fondée dans le dévoilement. Il paraît légitimer de penser que Heidegger fait écho à Aristote  , qui caractérise la techne  , en tant qu’elle a le genre du dévoilement, comme «disposition à produire accompagnée de règle vraie» (Ethique à Nicomaque, VI, 4, 1140 a). L’ accès au dévoilement est ménagé par une réinterprétation de la théorie aristotélicienne de la causalité : les quatre «causes» d’Aristote ne doivent pas s’entendre comme les règles d’une production d’effets. «Aition  » signifie : ce qui répond d’autre chose. Les quatre causes sont les modalités de «l’acte dont on répond» (Verschulden  ). Il y a une co-responsabilité de la «hyle  » (matière) et de l’ «eidos  » (l’aspect), qui dépend à son tour de la responsabilité du «telos  ». Heidegger récuse la traduction de «telos» par «fin» : le telos est responsable de la «co-responsabilité» de la matière et de l’aspect. Enfin, il n’y pas de «cause efficiente», mais il y a la responsabilité de l’artisan comme tel : «Les trois modes précités de l’ «acte dont on répond» doivent à la réflexion de l’orfèvre d’apparaître et d’entrer en jeu dans la production de la coupe ; ils lui doivent aussi la manière dont ils le font.»

Il n’y pas de cause «efficiente» parce que l’essence de la technique ne réside pas dans la fabrication. L’essence de la technique réside dans le «dévoilement», qui assure l’unité du jeu concerté des «causes» : l’efficience de la production réside dans la «réflexion» de l’orfèvre. L’opération manuelle est soumise à cette réflexion. Elle n’est pas simplement l’exécution d’un plan préalable, elle est la réflexion même, son déploiement, son accomplissement. L’argent se laisse façonner en une coupe parce que l’artisan fait apparaître la coupe à partir de l’argent - et l’argent au travers de la coupe. L’apparaître est l’enjeu de la production, il la dirige selon ses modalités.

Mais alors, qu’est-ce que produire ? La production, dit Heidegger en référence à Platon  , est un «faire venir», un «laisser s’avancer» vers la présence. Elle ménage un passage entre le non-être et l’être. Ce passage, cette transition, c’est l’être même de la présence comme venue, avancée : c’est à partir du passage que s’établit la distinction de l’être et du non-être. On ne laisse venir ou s’avancer que ce qui «était-à-être», que ce qui a d’avance puissance d’entrer en présence : de sorte que le non-être renvoie à ce qui n’est pas encore venu, ce qui est à venir ; ou à ce qui est venu et s’est déjà retiré. Ce qui n’est pas thématisé ici est la temporalité intime, intrinsèque, et essentielle au produire. Mais Heidegger n’insiste pas sur le caractère de «genèse» propre à la production. C’est que la production n’est pas seulement technique : il faut distinguer entre la physis, production de ce qui a en soi-même puissance d’entrer en présence, et la techne, qui est la production de ce qui a en un autre la possibilité d’advenir.

De la physis, Heidegger précise qu’elle est «poiesis   au sens le plus élevé». Elle est par là même plus authentiquement poiesis. Ne faut-il pas en conclure que la techne n’est «poiétique» que dans son appartenance à la physis ?

Le pro-duire est passage du caché vers le non caché - accès à l’«ouvert sans retrait». Les Grecs, précise Heidegger, ont un nom pour cela c’est aletheia  . Le jeu de l’avancée et du retrait définit l’être même de la physis, tel qu’il se laisse seulement pressentir à travers un fragment de Héraclite   «Physis kryptesthai phylei ». Faire reposer toute production sur le dévoilement, c’est soumettre la techne au règne de la physis, à sa puissance limitante.

En effet, que signifie la «responsabilité» de la matière dans la production de la coupe ? Ce n’est pas la matière qui est responsable, c’est l’orfèvre. Il n’y a de «causalité» que de l’artisan. La matière est une des directions dans lesquelles il exerce sa «responsabilité», une des directions dans lesquelles il répond de son acte. En ce sens, la «responsabilité» de la matière s’entend au double génitif : elle signifie aussi que l’artisan répond de la matière.

Et de la matière, en effet, il y a à répondre : car s’il est vrai, comme le soutient Aristote, que «l’art du charpentier ne descend pas dans les flûtes», la matière prescrit non seulement l’aspect de la coupe, mais encore le choix même de la coupe. L’eidos et le telos - qui viennent en premier, mais qui excluaient d’autres matières que l’argent - ou l’or, à la rigueur. Pourtant, ce n’est pas de soi-même que l’argent s’est érigé en coupe : mais c’est selon les directions établies à partir de l’argent, en vue de son apparaître, et selon la configuration qu’il présente, selon sa tournure, selon donc ce qu’il est «physei», par nature, que l’opération technique a pu se concevoir et s’exécuter. La responsabilité de l’artisan s’exerce vis-à-vis de la physis - vis-à-vis de ce qui limite la technique. La responsabilité est garde d’une limite, prudence ontologique devant un risque d’hybris : l’artisan garde l’essence de la technique, son essence en retrait dans la physis - dans le retrait qui tient en réserve les possibilités d’apparaître. Il garde l’essence finie de la technique, qui est limitée par autre chose - par la physis, la chose même -, il garde la technicité finie. C’est cette garde qui est menacée par l’autre figure - la mathesis  . (MILET  , 2000, p. 50-52)


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