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Brague (1988:39-41) – o acesso do homem ao Todo

terça-feira 6 de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

destaque

Os gregos viam o fenômeno do acesso do homem ao Todo, e expressavam-no através de imagens espaciais, como uma característica do espírito. Temos toda uma série de textos em que se sublinha o poder do espírito humano, com a sua capacidade de se mover instantaneamente e de atravessar as maiores distâncias, chegando assim aos confins do mundo. O tema é comum a todo o mundo helenístico, até à época dos Padres da Igreja. Podemos distinguir vários temas: o da velocidade do espírito, o da sua capacidade de se elevar acima das realidades humildes desta terra e, penetrando nas esferas celestes, atingir o mais alto e, finalmente, o da sua omnipresença. Concentrar-me-ei aqui apenas no último aspecto. É, de resto, o mais antigo de que se tem notícia. Uma breve passagem de Xenofonte põe na boca de Sócrates  , que tenta converter Aristodemo à crença nos deuses, um argumento por analogia  : a inteligência (phronesis  ) presente em todas as coisas dispõe todas elas como quer; seria absurdo que, enquanto o olho humano pode perceber objetos situados a grande distância, o olho divino não pudesse ver todas as coisas ao mesmo tempo (άμα πάντα  ). Do mesmo modo, enquanto a alma humana (psique) é capaz de se ocupar (φροντίζειν) do que está aqui (ένθάδε), em Atenas, e ao mesmo tempo do que está na Sicília ou no Egipto, a inteligência do deus deve ser capaz de lidar com todas as coisas ao mesmo tempo (άμα πάντων έπιμελεῖσθαι) (Mem. , I, 4, 17 f., cf. 8). Isto é assim porque o deus está presente em todo o lado (πανταχοῦ παρεῖναι). Não precisamos de nos preocupar aqui com o sentido do argumento do Sócrates de Xenofonte, e muito menos de procurar as suas possíveis fontes no pensamento pré-socrático, mas de notar a constatação do fenômeno: a alma é capaz de tomar em preocupação a totalidade do que é, sem dúvida porque a presença em toda a parte é ela própria também, mutatis mutandis, uma característica da alma humana. A observação atribuída por Xenofonte a Sócrates é mais antiga do que ele. No Teeteto, Platão   dá a Sócrates o seu próprio retrato do sábio, indiferente à intriga política e absorvido pela contemplação. É como se o sábio habitasse apenas no seu corpo, enquanto seu espírito (dianoia  ) percorre o universo, examinando a natureza de tudo (173 e 2-174 a 2). É neste contexto que Platão se refere a Píndaro  , mas de tal forma que é difícil isolar o que lhe pertence - para além, talvez, da imagem do voo. Platão exprime a mesma ideia noutro lugar, quando caracteriza a filosofia natural como a consideração da "totalidade do tempo e da totalidade do que é", sendo o instrumento desta consideração a dianoia (Rep., VI, 486 a 8 f.).

original

Les Grecs ont vu le phénomène de l’accès humain au Tout, et ils [40] l’ont exprimé à travers des images spatiales, comme caractéristique de l’esprit. Nous possédons toute une série de textes dans lesquels est soulignée la puissance de l’esprit humain, qui est capable de se déplacer instantanément et de franchir les distances les plus grandes, parvenant ainsi aux confins du monde. Le thème est un lieu commun qui traverse tout le monde hellénistique, jusqu’à l’époque des Pères de l’Eglise. On peut distinguer plusieurs thèmes : celui de la rapidité de l’esprit, celui de sa capacité à s’élever loin de la bassesse des réalités de cette terre et, perçant les sphères célestes, d’accéder au très haut, celui, enfin, de son omniprésence. Je ne m’attacherai ici qu’au dernier aspect. Il est d’ailleurs le plus anciennement attesté. Un bref passage de Xénophon place dans la bouche de Socrate, qui tente de convertir Aristodème à la croyance aux dieux, un argument par analogie   : l’intelligence (phronesis) présente dans toutes choses les dispose toutes comme elle le désire ; il serait absurde que, alors que l’œil humain peut percevoir des objets situés à grande distance, l’œil divin ne puisse pas voir toutes choses à la fois (άμα πάντα). De même, alors que l’âme humaine (psyché  ) est capable de se préoccuper (φροντίζειν) de ce qui est ici (ένθάδε), à Athènes, et en même temps de ce qui est en Sicile ou en Egypte, l’intelligence du dieu doit être à même de s’occuper à la fois de toutes choses (άμα πάντων έπιμελεῖσθαι) (Mem., I, 4, 17 s., cf. 8). Il en est ainsi parce que le dieu est partout présent (πανταχοῦ παρεῖναι). Nous n’avons pas à nous occuper ici de la signification de l’argument du Socrate de Xénophon, encore moins d’en chercher les sources possibles dans la pensée présocratique, mais à noter la constatation du phénomène : l’âme est capable de prendre en souci la totalité de ce qui est, sans doute parce que la présence partout est elle aussi, mutatis mutandis, une caractéristique de l’âme humaine. L’observation prêtée par Xénophon à Socrate est plus ancienne que lui. Dans le Théétète, Platon charge son Socrate à lui de brosser le portrait du sage, indifférent aux intrigues politiques et tout absorbé dans la contemplation. Tout se passe comme si celui-ci n’habitait ici-bas que par son corps, alors que sa pensée (dianoia) parcourt tout l’univers et examine la nature de chaque chose (173 e 2-174 a 2). C’est dans ce contexte que Platon renvoie à Pindare, mais de telle façon que l’on n’arrive guère à isoler ce qui lui revient en propre — si ce n’est, peut-être, l’image du vol. Platon exprime ailleurs la même idée, quand il caractérise le naturel philosophique par la considération de « la totalité du temps et de la totalité de ce qui est », l’instrument de cette considération étant là aussi la dianoia (Rép., VI, 486 a 8 s.).

Le phénomène ainsi décrit semble avoir été vu dès l’origine. En effet, Homère   le fait intervenir pour illustrer par une comparaison la rapidité avec laquelle se déplacent les dieux. Ce rapprochement préfigure ainsi l’analogie supposée par le Socrate de Xénophon : Héra, envoyée par Zeus vers l’Olympe, quitte l’Ida aussi vite que la pensée. Homère développe ce qui reste ailleurs une simple image : « Comme lorsque bondit la pensée (νόος) d’un homme qui, ayant parcouru bien des pays, pense (νοήση) dans son esprit pénétrant (φρεσί πευκαλίμησι) : “si j’étais là, ou là”, et désire mille choses » (II., 15, 80-82, cf. Od., 7, 36; Théognis, v. 985). Ce texte, dont nous ne proposons qu’une traduction provisoire, n’est pas sans obscurités. Que signifie exactement νόος, et que signifie le verbe νοεῖν ? Quelle idée précise recouvre l’expression stéréotypée φρεσί πευκαλίμησι ? Celle-ci se rencontre uniquement dans l’lliade, à trois reprises, outre l’occurrence que nous étudions (8, 366; 14, 165; 20, 35) et une fois chez Hésiode   (fgt 283), dans des contextes qui ne permettent guère de préciser le sens. L’adjectif pourrait signifier « piquant », d’où « perçant », mais il pourrait aussi être rapproché de puknos, qui qualifie souvent le résultat de la pensée (le plan, l’intention  ) (14, 294), voire la pensée elle-même, phrenes ou noos, comme dans le vers célèbre dans lequel le danger couru par Hector ού λήθε Διος πυκινον νόον, ce que l’on pourrait rendre par« n’échappa pas à l’esprit dense de Zeus» (15, 461). Ce passage est important pour la compréhension de l’idée grecque de vérité (aletheia  ). Le mot s’y trouve en effet présent à l’état décomposé : la vérité est la non-latence, ce qui échappe à l’oubli, et donc n’échappe pas à la perception. Dans la mesure où Zeus n’oublie pas Hector, qui ne lui échappe pas, qu’il ne le perd pas de vue, qu’il garde présent à l’esprit le sort d’Hector, etc. — dans cette mesure, il est dans la « vérité » à son sujet. L’oubli serait une solution de continuité dans la présence d’Hector à l’esprit de Zeus. Le non-oubli est l’absence de toute interruption. Dans un esprit qui oublie, les pensées se succèdent à distance l’une de l’autre; dans un esprit qui n’oublie pas, au contraire, elles se pressent l’une contre l’autre et forment comme un tissu serré. Il est normal qu’un tel esprit (noos) soit qualifié de puknos, « dense ». L’ « esprit dense » est le lieu de l’aletheia comme non-oubli. Nous pouvons maintenant retourner à notre passage, armés désormais d’une meilleure compréhension de ce que signifie l’expression φρεσι πευκαλίμησι. Si, comme je le suppose, l’idée qu’exprime l’adjectif est la même que celle qu’exprime ailleurs puknos, son emploi apparaît comme particulièrement opportun. Le poète nous peint un homme qui évoque ses souvenirs de voyage, une sorte d’Ulysse chez Alcinoos, qui se transporte par la pensée d’un endroit à un autre. Les endroits les plus éloignés sont rendus tellement proches que l’on peut passer de l’un à l’autre instantanément.

Le lieu dans lequel ces lieux sont présents, le lieu des lieux, si l’on veut, est les phrenes. Ce sont elles qui les tiennent prêts, pour l’inspection opérée par le noos. Elles le peuvent parce qu’elles sont « denses », parce qu’elles sont productrices de continuité. L’esprit humain est le lieu de la continuité du discontinu. Il tient ensemble ce qui, dans la réalité, est séparé, assurant ainsi le passage de l’un à l’autre bord. Cette propriété de l’esprit humain sera thématisée de façon décisive par Parménide  . Le texte où il procède à cette thématisation est le fragment 4 de l’édition Diels-Kranz. Nous y lisons en effet : « Contemple pourtant les choses absentes (άπεόντα) (comme) fermement présentes par l’esprit (νόωι παρεόντα); car tu ne couperas jamais ce qui est de ce qui est, de façon qu’il s’en tienne à l’écart, ni s’il se disperse pourtant de toutes les façons selon un ordre (κατά κόσμον), ni s’il se rassemble. » Il n’est pas question d’entrer dans une discussion des détails de ce fragment, dont je ne fournis qu’une traduction indicative, et encore moins de reconstituer le sens qu’il pourrait avoir eu dans le contexte d’ensemble du poème. Mon seul but est de faire remarquer quelle détermination le noos reçoit ici. Que l’on rattache le datif νόωι au verbe (« regarde… par l’esprit») ou au participe παρεόντα (« présentes par/à l’esprit »), dans les deux cas, l’« esprit » est conçu comme principe de continuité. Ce qui est absent, ou à distance, est pour lui présent, ou à portée. Seul l’esprit est à la mesure du bloc sans fissure que constitue l’« étant » parménidien. S’il est d’un seul tenant (cf. dk 28 b 8, 25), l’esprit est ce qui maintient ce tenant — alors que les sens le laissent s’effriter. Si l’esprit peut se déplacer sans obstacle d’un bout à l’autre de ce qui est, c’est que ce qui est ne présente aucune solution de continuité. Le rôle du nous est ainsi d’assurer la continuité de ce qui est. Par suite, le primat de l’« esprit » (nous) dans la pensée grecque, et en particulier dans la philosophie   qui se développe à partir du fondement parménidien, sera aussi le primat du continu sur le discontinu. Par lui, le nous assurera sa supériorité sur ce qui nous ouvre sur le discontinu, à savoir, la « vie affective », l’humeur qui tourne, avec ses brusques « sautes ». Réciproquement, la mise en question du temps continu, du temps « physique », devra mener à une reprise en considération de l’affectivité. Quoi qu’il en soit, je crois avoir dégagé, au fond de la constatation selon laquelle l’esprit humain est capable de parcourir la totalité de ce qui est, l’idée de la continuité du présent avec lui-même, telle qu’elle est donnée dans et pour le noûs. La réponse à la question de savoir comment la totalité peut être accessible consiste ainsi, pour la philosophie grecque classique, à produire la capacité du nous à circuler à l’intérieur de cette totalité. C’est alors le nous qui hérite du privilège que l’épopée reconnaissait aux Muses.


Ver online : Rémi Brague


BRAGUE, Rémi. Aristote et la question du monde. Essai sur le contexte cosmologique et anthropologique de l’ontologie. Paris: PUF, 1988