Página inicial > Fenomenologia > Maldiney (Aîtres:223-225) – a língua

Maldiney (Aîtres:223-225) – a língua

quinta-feira 21 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

A língua não é. Ela existe. Quando falada, ela fala. A linguagem e o discurso articulam-se segundo duas relações inversas que correspondem a dois estados do logos  . Por um lado, "não há nada no discurso que não tenha estado anteriormente na língua". Mas esta é uma meia-verdade que só se aplica ao nível autóptico da língua, onde a língua, em curto-circuito com o seu ser-no-mundo, está também em curto-circuito com o seu ser-em-si. A língua nunca significaria nada sobre o mundo se o encontro com o mundo não tivesse já tido lugar ao nível criptológico da sua constituição. Assim, seguindo o exemplo de Leibniz  , para que a fórmula faça sentido, ela deve ser complementada pelo seu oposto, "não há nada na fala que não tenha estado anteriormente na língua, exceto a própria fala". Original ou atual, a palavra falada é sempre original. Atual, ela articula um campo situacional no sentido de um poder ser, cuja transpossibilidade ultrapassa todos os predicados possíveis da língua e os violenta a partir do seu interior. Original, é o ato autocriador da língua no seu estado nascente, que, antes de qualquer sinal visível, para além de qualquer estado construído, "parte de uma poderosa lucidez (não de saber, mas de poder) cujo advento no homem pensante, a uma distância inestimável das origens, lhe permitiu e lhe prescreveu construir em si mesmo, fora do não construído — a turbulência mental original insuficientemente extinta. … de modo que uma tal obra foi empreendida pelo homem no seu pensamento — uma linguagem construída".

original

La langue n’est pas. Elle existe. Parlée, elle parle. La langue et le discours s’articulent selon deux rapports inverses correspondant à deux états du logos. D’une part « il n’y a rien dans la parole qui n’ait été auparavant dans la langue ». Mais c’est là une demi-vérité qui ne vaut qu’au plan autoptique du langage où, court-circuitée de son être-au-monde, la langue l’est aussi de son être à soi. Jamais le langage ne signifierait quelque chose du monde si la rencontre avec le monde n’y avait déjà eu lieu au niveau cryptologique de sa constitution. Aussi faut-il, à l’exemple de Leibniz, compléter la formule, pour qu’elle ait sens, par son contraire, « il n’y a rien dans la parole qui n’ait été auparavant dans la langue, sauf la parole elle-même ». Originelle ou actuelle, la parole parlante est toujours originaire. Actuelle, elle articule un champ situationnel dans le sens d’un pouvoir être, dont la transpossibilité outrepasse tous les prédicats possibles de la langue et leur fait violence de l’intérieur. Originelle, elle est l’acte auto-créateur de la langue à l’état naissant qui, avant tout signe visible, en deçà de tout état construit, « prend son départ à une lucidité puissancielle (non de savoir mais de puissance) dont l’avènement dans l’homme pensant, à une distance inévaluable des origines, lui a permis et prescrit d’édifier en lui, hors de l’inconstruit — la turbulence mentale originelle insuffisamment éteinte… pour qu’un tel ouvrage fut par l’homme en sa pensée entrepris — un langage construit » [1].

La langue naît comme le poème; et le poème n’a d’autre avènement que l’autogenèse de sa propre langue, que toute son énergie de puissance maintient à jamais hors discours. Celui qui parle — aujourd’hui le poète, comme la masse parlante au commencement — est toujours à l’origine, à la racine d’une rencontre, dont il décide le mode d’articulation, en constituant la lexis spécifique de sa [223] langue. Avant toute extériorisation signitive, le logos est articulation de l’être des choses, et, comme tel, il précède la langue construite en pensée et en signes, il en constitue le schème anticipatif, « la forme intérieure » [2]. La langue procède d’une parole instante comme d’un premier logos encore imprononcé, celui que les stoïciens ont appelé le logos endiâthetos. L’idée d’un logos imprononçable a été imposée aux philosophes stoïciens, d’origine syrienne, par la racine consonantique des langues sémitiques. Mais elle a un équivalent remarquable de source indo-européenne dans la doctrine linguistique du Vedanta. Dans son traité « de la phrase et du mot », Bhastrihari discerne à même le fonctionnement de la langue deux sortes d’unités significatives, dont la dénivellation correspond à la distinction stoïcienne du logos endiâthetos et du logos prophorikôs et à la distinction guillaumienne entre signification de puissance et signification de savoir. Il y a un langage « fait de mots-germes (sphota), idéaux, inaltérables, qui sont les modalités de l’atman universel, les divisions réelles de l’essence » et un autre « fait de mots sonores (dhvani), mots usuels, soumis aux lois naturelles, c’est-à-dire aux règles de la phonétique et de la grammaire » [3]. Modalités de l’aspir et du respir universels, les sphota sont donc assimilables à des moments du logos endiâthetos « que parle dans le monde et dans notre âme, à proportion de leur tension, le souffle de Dieu » [4]. La ressemblance est d’autant plus étroite que sphota évoque, comme la doctrine stoïcienne de la physis   et de la définition, « l’éclosion d’une fleur, le développement d’un bourgeon — donc une puissance germinative constante et cachée sous les apparences qui la manifestent » [5]. D’autre part, cette puissance germinative sous-jacente, et la tension signifiante qu’elle implique, se retrouvent au niveau cryptologique de la langue selon G. Guillaume, où toute signification est de puissance. Plus généralement la doctrine des sphota pose « l’existence d’une pensée sans mots mais non pas sans formes » [6] dont René Daumal perçoit avec acuité qu’elle est nécessaire à tout travail de traduction. Or c’est au niveau de ces formes ou de ces schèmes, que s’enracinent parallèlement le mythos   et le logos ou, plus précisément, le logos mythique et le logos de la langue. Ils sont les organes et les milieux d’une « apophansis   » plus originaire que le logos du discours énonciatif. En effet l’existant s’y trouve sous un horizon   de signifiance dont il est l’origine et l’ouverture. Il s’y trouve (au sens de se découvrir et de se comprendre) dans une situation   qui se révèle originairement posé par lui — dans l’acte de ce dévoilement qui [224] l’outrepasse — comme celle, originelle, dans laquelle il se trouve, au sens d’y être impliqué et pris. A cette ambiguité correspond l’ambivalence de l’Amour ou d’un dieu paradoxal comme Dionysos. Ils échappent aux catégories ontiques parce que cette ambivalence est moins un clivage de leur nature qu’une inversion de sens, à chaque instant possible, de leurs propres possibilités. Ils ne sont pas en soi, mais sont à… sur le mode pulsionnel et présentiel de l’aspiration et de l’inspiration, c’est-à-dire du hors de soi. Leur essence est existence.


Ver online : Henri Maldiney


[1G. Guillaume, Langage et Science du langage, p. 29-30.

[2« Die innere Form », expression fondamentale de W. von Humboldt.

[3René Daumal, Les Pouvoirs de la parole, Paris, 1972.

[4L. Robin, La Pensée grecque, Paris, 1923, p. 420.

[5R. Daumal, Les Pouvoirs de la parole, p. 89.

[6Ibidem.