Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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« temps »

quarta-feira 13 de dezembro de 2023

Zeit  

Depuis longtemps, le « TEMPS » fonctionne comme critère ontologique, ou plutôt ontique de la distinction naïve entre les différentes régions de l’étant. On oppose un « temporellement » étant (les processus   naturels et les événements historiques) à un « intemporellement » étant (les rapports spatiaux et numériques). De même on a coutume de dissocier le sens « atemporel » des propositions du cours « temporel » de leur énonciation. Enfin l’on découvre un « abîme » entre le « temporellement » étant et l’éternel « supratemporel », abîme que l’on s’efforce de franchir. « Temporel » signifie ici à chaque fois autant que : étant « dans le temps », détermination qui bien entendu ne manque pas non plus d’obscurité. Mais le fait est là : le temps, au sens de l’« être dans le temps », fonctionne comme critère de la séparation entre régions de l’être. Comment le temps a-t-il été investi de cette fonction ontologique privilégiée ? De quel droit est-ce justement quelque chose comme le temps qui joue ce rôle de critère ? Est-ce que, dans cet usage naïvement ontologique du temps, sa vraie pertinence ontologique possible se manifeste ? Autant de questions qui jusqu’ici n’ont été ni soulevées, ni approfondies. Le « TEMPS » - interprété dans l’horizon   de sa compréhension vulgaire - a pour ainsi dire accédé « de lui-même » a cette fonction ontologique « évidente », et jusqu’à nos jours il s’y est maintenu. EtreTemps5

Que Descartes   soit « dépendant » de la scolastique médiévale et utilise sa terminologie, tout connaisseur du Moyen Âge peut s’en apercevoir. Néanmoins, rien n’est philosophiquement gagné avec cette « découverte » aussi longtemps que demeure obscure la portée fondamentale de cette influence de l’ontologie   médiévale sur la détermination - ou la non-détermination - ontologique de la res cogitans   pour les temps à venir. Et cette portée ne peut être appréciée que si préalablement le sens et les limites de l’ontologie antique sont mises en évidence à partir d’une orientation sur la question de l’être. En d’autres termes, la destruction se voit confrontée à la tâche d’interpréter le sol de l’ontologie antique à la lumière de la problématique de l’être-temporal  . Or il apparaît alors que l’explicitation antique de l’être de l’étant est orientée sur le « monde » ou la « nature » au sens le plus large et qu’en effet elle obtient la compréhension de l’être à partir du « TEMPS ». La preuve extérieure - elle n’est bien sûr que cela - en est la détermination du sens de l’être comme parousia   ou ousia, ce qui signifie ontologico-temporalement la « présence ». L’étant est saisi en son être comme « présence », c’est-à-dire qu’il est compris par rapport à un mode temporel déterminé, le « présent ». EtreTemps6

Ce qui procure à ce témoignage préontologique une signification particulière, c’est qu’il n’envisage pas seulement en général le « souci » comme quelque chose à quoi le Dasein   humain est attaché « toute sa vie durant », mais que le « souci » y apparaît en connexion avec la conception bien connue de l’homme comme composé de corps (terre) et d’esprit. « Cura prima finxit » : cet étant tire l’« origine » de son être du souci. « Cura teneat, quamdiu vixerit » : l’étant en question n’est pas détaché de cette origine, mais tenu en elle, régi par elle aussi longtemps qu’il est « au monde ». L’« être-au-monde [In-der-Welt-sein  ] » a le caractère ontologique du « souci ». Son nom (homo), cet étant ne le reçoit pas en considération de son être, mais compte tenu de ce en quoi il consiste (humus). Où faut-il voir l’être « originaire » de cette [199] créature ? La décision sur ce point appartient à Saturne, le « TEMPS » [NA: Cf. le poème de HERDER, Das Kind der Sorge  , dans Werke, éd. Suphan, t. XXIX, p. 75.]. La détermination d’essence préontologique de l’homme exprimée dans la fable a donc d’entrée de jeu pris en vue le mode d’être qui régit son passage temporel dans le monde. EtreTemps42

Si c’est la temporalité qui constitue le sens originaire d’être du Dasein, et si par ailleurs il y va pour cet étant en son être de cet être même, alors il faut que le souci ait besoin de « TEMPS », et ainsi qu’il compte avec « le temps ». La temporalité du Dasein élabore un « compte (comput) du temps ». Le « TEMPS » expérimenté en lui est l’aspect phénoménal prochain de la temporalité. C’est de lui que provient la compréhension quotidienne [alltäglich  ]-vulgaire du temps. Et celle-ci se déploie dans le concept traditionnel du temps. EtreTemps45

La mise au jour de l’origine du « TEMPS » « où » fait encontre l’étant intramondain, du temps comme intratemporalité, manifeste une possibilité essentielle de temporalisation de la temporalité. Ainsi se prépare la compréhension d’une temporalisation encore plus originaire de la temporalité. C’est en elle que se fonde la compréhension d’être constitutive pour l’être du Dasein. Le projet d’un sens de l’être en général peut s’accomplir dans l’horizon du temps. EtreTemps45

Si déjà le caractère ontologique de son être propre, étant donné la prépondérance de la compréhension échéante de l’être (être comme être-sous-la-main), se tient éloigné du Dasein, cela vaut davantage encore des fondements originaires de cet être. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner si la temporalité, au premier regard, ne correspond pas à ce qui est accessible comme « TEMPS » à la compréhension vulgaire. Le concept de temps de l’expérience vulgaire du temps et la problématique qui en naît ne sauraient donc, par conséquent, fonctionner inconsidérément comme critères de l’adéquation d’une interprétation. Bien plutôt la recherche doit-elle se rendre préalablement familière avec le phénomène originaire de la temporalité pour ne mettre au jour qu’à partir de lui la nécessité et le mode d’origine de la compréhension vulgaire du temps, ainsi que le fondement de sa domination. EtreTemps61

La teneur phénoménale, puisée dans la constitution d’être de la résolution devançante, de ce sens remplit la signification du terme de temporalité. L’usage terminologique de cette expression doit tout d’abord tenir éloignées toutes les significations de l’« avenir », du « passé » et du « présent » suggérées par le concept vulgaire du temps, et autant vaut des concepts d’un temps « subjectif » et « objectif », ou « immanent » et « transcendant ». Dans la mesure où le Dasein se comprend lui-même de prime abord et le plus souvent inauthentiquement, il est permis de présumer que le « TEMPS » de la compréhension vulgaire du temps représente un phénomène certes véritable, mais second. Ce phénomène, en effet, provient de la temporalité inauthentique, qui a elle-même son origine propre. Les concepts d’« avenir », de « passé » et de « présent » ont tout d’abord pris naissance dans le comprendre inauthentique du temps. La délimitation terminologique des phénomènes originaires et [327] authentiques correspondants se trouve aux prises avec cette même difficulté qui demeure attachée à toute terminologie ontologique. Les « violences » dans ce domaine, ne sont pas de l’arbitraire, mais représentent une nécessité fondée dans la chose même. Néanmoins, pour pouvoir mettre totalement en lumière l’origine de la temporalité inauthentique à partir de la temporalité originaire et authentique, il est préalablement besoin d’une élaboration concrète du phénomène originaire, qui n’a jusqu’ici été que grossièrement caractérisé. EtreTemps65

auprès… révèlent la temporalité comme l’ekstatikon sans réserves. La temporalité est le « hors-de-soi » originaire en et pour soi-même. Nous appelons par conséquent les phénomènes caractérisés de l’avenir, de l’être-été, du présent les ekstases de la temporalité. Celle-ci n’est pas tout d’abord un étant, qui ensuite sort de soi, mais son essence est la temporalisation dans l’unité des ekstases. Le propre du « TEMPS » accessible à la compréhension vulgaire, au contraire, consiste justement (et entre autres) en ce que le caractère ekstatique de la temporalité originaire y est nivelé comme dans une suite pure, sans commencement ni fin, de maintenant. Mais ce nivellement, selon son sens existential, se fonde à son tour en une temporalisation possible déterminée, conformément à laquelle la temporalité en tant qu’inauthentique temporalise le « TEMPS » cité. Par conséquent, si le « TEMPS » accessible à l’entendement du Dasein est démontré comme non originaire, et comme provenant au contraire de la temporalité authentique, rien n’est plus légitime, suivant la formule a potiori fit denominatio, que de nommer la temporalité actuellement libérée temps originaire. EtreTemps65

Dans notre énumération des ekstases, nous avons toujours nommé l’avenir en première place. Ce fait veut indiquer que l’avenir, au sein   de l’unité ekstatique de la temporalité originaire et authentique, possède une primauté, et cela quand bien même la temporalité ne résulte point d’une accumulation et d’une séquence [Abfolge  ] des ekstases, mais se temporalise à chaque fois dans la cooriginarité de celles-ci. Cependant, au sein de celle-ci, les modes de la temporalisation sont différents, et cette différence consiste en ceci que la temporalisation peut se déterminer primairement à partir des diverses ekstases. La temporalité originaire et authentique se temporalise à partir de l’avenir authentique, et cela de telle manière que, étantété de manière avenante, elle éveille pour la première fois le présent. Le phénomène primaire de la temporalité originaire et authentique est l’avenir. La primauté de l’avenir se modifiera elle-même conformément à la temporalisation modifiée de la temporalité inauthentique, et pourtant, même dans le « TEMPS » dérivé, elle continuera de se manifester. EtreTemps65

L’interprétation temporelle de la quotidienneté [Alltäglichkeit] et de l’historialité fixe suffisamment le [333] regard sur le temps originaire pour mettre celui-ci même à découvert comme la condition de possibilité et de nécessité de l’expérience quotidienne [alltäglich] du temps. Le Dasein, en tant qu’étant pour lequel il y va de son être, s’emploie, expressément ou non, primairement pour lui-même. De prime abord et le plus souvent, le souci est préoccupation [Besorgen] circon-specte. S’employant en-vue-de lui-même, le Dasein se « consomme ». Se consommant, le Dasein use de lui-même, c’est-à-dire de son temps. Usant du temps, il compte avec lui. La préoccupation [Besorgen] circon-spectivement calculante découvre de prime abord le temps et conduit à la formation d’un comput du temps. Le compte avec le temps est constitutif de l’être-au-monde [In-der-Welt  -sein]. La découverte préoccupée de la circon-spection laisse, en comptant avec son temps, l’à-portée-de-la-main et le sous-la-main découvert faire encontre [begegnen  ] dans le temps. L’étant intramondain devient ainsi accessible comme « étant dans le temps ». La déterminité [Bestimmtheit  ] temporelle de l’étant intramondain, nous l’appelons l’intratemporalité. Le « TEMPS » d’abord trouvé ontiquement en elle devient la base de la formation du concept vulgaire et traditionnel du temps. Cependant, le temps comme intratemporalité provient d’un mode essentiel de temporalisation de la temporalité originaire. Cette origine indique que le temps « où » le sous-la-main naît et passe est un phénomène temporel véritable et non pas l’extériorisation d’un « temps qualitatif » en espace, ainsi que veut nous le faire croire l’interprétation totalement indéterminée et insuffisante ontologiquement du temps par Bergson  . EtreTemps66

Nous l’avions souligné : les tonalités sont certes ontiquement bien connues, mais elles ne sont pas pour autant connues dans leur fonction existentiale originaire. Elles passent pour des vécus fugitifs qui « colorent » le tout des « états psychiques ». Mais ce qui, aux yeux d’une observation, présente le caractère de l’apparaître et du disparaître passager appartient en réalité à la constance originaire de l’existence. Certes, dira-t-on, mais qu’est-ce que des tonalités peuvent avoir à faire avec le « TEMPS » ? Que ces « vécus » surgissent et s’en aillent, qu’ils se déroulent « dans le temps », c’est là une constatation triviale, assurément, et même ontico-psychologique. La tâche est pourtant de mettre en lumière la structure ontologique de l’être-intoné dans sa constitution temporalo-existentiale, ce qui, de prime abord, ne peut revenir qu’à rendre pour une fois en général visible la temporalité de la tonalité. La thèse : « l’affection se fonde primairement dans l’être-été » signifie : le caractère existential fondamental de la tonalité est un re-porter vers… Celui-ci ne produit pas tout d’abord l’être-été, mais c’est l’affection qui, à chaque fois, manifeste à l’analyse existentiale un mode de l’être-été. Par suite, l’interprétation temporelle de l’affection ne peut avoir pour intention   de déduire les tonalités de la temporalité et de les dissoudre en purs phénomènes de temporalisation. Ce qui s’impose tout simplement, c’est de mettre en évidence que les [341] tonalités, envisagées en ce qu’elles « signifient » - et comment elles le « signifient » - existentiellement, ne sont pas possibles sinon sur la base de la temporalité. Notre interprétation temporelle se limitera ici aux phénomènes, déjà analysés de manière préparatoire, de la peur et de l’angoisse. EtreTemps68

L’affection présuppose ontologiquement le présentifier, et cela de telle manière qu’en lui le Dasein peut être re-porté vers soi en tant qu’ayant-été. Comment l’excitation et l’impression des sens, chez un être sans plus vivant, doivent être ontologiquement délimitées, comment et où en général l’être des animaux, par exemple, est constitué par un « TEMPS », ce sont là des problèmes qui demeurent. EtreTemps68

Plus encore : le fait que, tout en passant son temps, il tienne au jour le jour compte du « TEMPS » et qu’il règle un tel « calcul » grâce à l’astronomie et au calendrier, n’appartient-il pas tout aussi essentiellement au Dasein existant ? C’est seulement si nous parvenons à intégrer à notre interprétation de la temporalité du Dasein son « provenir » quotidien [alltäglich], ainsi que le compte du « TEMPS » dont il se préoccupe en un tel provenir, que notre orientation sera assez ample pour nous permettre d’élever le sens ontologique de la quotidienneté [Alltäglichkeit] comme telle au rang de problème. Toutefois, comme ce n’est rien d’autre, sous le titre de la quotidienneté [Alltäglichkeit], [372] qui est visé que la temporalité elle-même, et que c’est celle-ci qui possibilise l’être du Dasein, la délimitation conceptuelle suffisante de la quotidienneté [Alltäglichkeit] ne pourra s’accomplir que dans le cadre de l’élucidation fondamentale du sens de l’être en général et de ses possibles modifications. EtreTemps71

Quoi de plus « simple » apparemment que de caractériser l’« enchaînement de la vie » entre naissance et mort ? Il consiste dans une séquence [Abfolge] de vécus « dans le temps ». De plus, si l’on s’attache de manière plus pénétrante à cette caractérisation de l’enchaînement en question, et, avant tout, au préjugé ontologique qui la guide, il se manifeste quelque chose de remarquable : dans cette séquence [Abfolge] de vécus, ce qui est « proprement effectif », ce n’est à chaque fois que le vécu sous-la-main « en chaque maintenant ». Les vécus passés et à venir, au contraire, ne sont plus, ou ne sont pas encore « effectifs ». Le Dasein mesure le laps de temps qui lui est octroyé entre l’une et l’autre limites de telle manière que, n’étant à chaque fois « effectif » que dans le maintenant, il sautille pour ainsi dire sur la suite de maintenant de son « TEMPS ». C’est en ce sens que l’on dit que le Dasein est « temporel ». Dans ce change constant des vécus, le Soi-même se maintient dans une certaine identité. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de déterminer ce permanent et sa relation possible au change des vécus, les opinions divergent. L’être de ce tissu permanent-changeant des vécus demeure indéterminé. Au fond, cependant, ce qui est posé dans cette caractérisation du contexte de la vie - que l’on y souscrive ou non -, c’est un étant sous-la-main « dans le temps », même s’il est considéré comme évidemment « non chosique ». EtreTemps72

Néanmoins, le Dasein doit nécessairement être aussi nommé « temporel » au sens de l’être « dans le temps ». Le Dasein factice, même sans théorie historique élaborée, a besoin de et emploie le calendrier et l’horloge. Ce qui advient « de lui », il l’expérimente comme se produisant « dans le temps ». De la même façon, les processus de la nature inerte et vivante [377] font encontre « dans le temps ». Ils sont intra-temporels. Dès lors il serait tentant de faire précéder l’élucidation de la connexion entre historialité et temporalité par l’analyse - située ici seulement au chapitre suivant [NA: Cf. infra, §80 [EtreTemps80], p. [411] sq.] - de l’origine du « TEMPS » de l’intratemporalité à partir de la temporalité. Toutefois, pour ôter à la caractérisation vulgaire de l’historial à l’aide du temps de l’intratemporalité son « évidence » et son exclusivité apparentes, il convient tout d’abord, ainsi que l’exige également la structure de la chose même, que l’historialité soit « déduite » de manière pure de la temporalité originaire du Dasein. Mais dans la mesure où le temps comme intratemporalité « provient » aussi de la temporalité du Dasein, historialité et intratemporalité n’en manifesteront pas moins une cooriginarité. Par suite, l’explicitation vulgaire du caractère temporel de l’histoire préserve son droit dans les limites qui sont les siennes. EtreTemps72

C’est ainsi que la prédominance d’un intérêt historique différencié jusqu’aux cultures les plus lointaines et les plus primitives n’est pas encore en soi, elle non plus, une preuve en faveur de l’historialité authentique d’un « TEMPS ». En fin de compte, le surgissement du problème de l’« historicisme » est le signe le plus clair que l’enquête historique du Dasein ne demande qu’à s’aliéner de son historialité authentique. Car celle-ci n’a point nécessairement besoin d’enquête historique. Telle époque, sous prétexte qu’elle est an-historique, n’est point comme telle déjà aussi an-historiale. EtreTemps76

Le Dasein factice tient compte du temps sans comprendre existentialement la temporalité. Avant même de poser la question de savoir ce que cela signifie : de l’étant est « dans le temps », le comportement élémentaire du « compter » avec le temps a donc besoin d’être éclairci. Or tout comportement du Dasein doit être interprété à partir de son être, [405] c’est-à-dire de la temporalité. Il faut montrer comment le Dasein comme temporalité temporalise un comportement qui se rapporte de telle manière au temps qu’il tient compte de lui. Par suite, la caractérisation de la temporalité que nous avons donnée jusqu’à maintenant n’est pas seulement en général incomplète, dans la mesure où nous n’avons pas pris garde à toutes les dimensions du phénomène, mais elle est fondamentalement lacunaire, puisqu’il appartient à la temporalité elle-même quelque chose comme un temps-du-monde au sens strict du concept temporalo-existential du monde. Comment cela est-il possible, pourquoi est-ce nécessaire ? Voilà ce qui doit être rendu compréhensible. Ainsi le « TEMPS » vulgaire bien connu « où » survient l’étant, et, avec lui, l’intratemporalité de cet étant, recevront-ils un éclairage. EtreTemps78

Dans l’élaboration du concept vulgaire de temps se manifeste une hésitation remarquable sur la question de savoir s’il convient d’attribuer au temps un caractère « subjectif » ou « objectif ». Même lorsqu’on le conçoit comme étant en soi, on ne laisse pas de l’assigner de manière privilégiée à l’« âme », et, au contraire, lorsqu’il est doué d’un caractère « conscient », il fonctionne pourtant « objectivement ». Dans l’interprétation du temps par Hegel  , l’une et l’autre possibilités sont portées à une certaine assomption. Hegel s’efforce de déterminer la connexion entre « TEMPS » et « esprit » afin de faire comprendre par là pourquoi l’esprit comme histoire « tombe dans le temps ». Dans son résultat, l’interprétation précédente de la temporalité du Dasein et de l’appartenance à elle du temps-du-monde parait converger avec celle de Hegel. Cependant, comme la présente analyse du temps se distingue fondamentalement de Hegel dès le point de départ, et comme elle est orientée par son but propre - à savoir son intention fondamental-ontologique - en sens contraire de la sienne, une brève exposition de la conception hegélienne de la relation entre temps et esprit pourra n’être pas inutile pour clarifier - et conclure provisoirement - l’interprétation ontologico-existentiale de la temporalité du Dasein, du temps-du-monde et de l’origine du concept vulgaire de temps. [406] La question de savoir si et comment un « être » échoit au temps, pourquoi et en quel sens nous l’appelons « étant », ne peut recevoir réponse que s’il est montré en quelle mesure la temporalité elle-même, dans le tout de sa temporalisation, rend possible quelque chose comme une compréhension de l’être et une advocation de l’étant. Par suite, le plan de ce chapitre sera celui-ci : la temporalité du Dasein et la préoccupation [Besorgen] du temps (§79 [EtreTemps79]) ; le temps de la préoccupation [Besorgen] et l’intratemporalité (§80 [EtreTemps80]) ; l’intratemporalité et la genèse du concept vulgaire de temps (§81 [EtreTemps81]) ; dissociation de la connexion ontologico-existentiale de la temporalité, du Dasein et du temps-du-monde par rapport à la conception hegélienne de la relation entre temps et esprit (§82 [EtreTemps82]) ; l’analytique temporalo-existentiale du Dasein et la question fondamental-ontologique du sens de l’être en général (§83 [EtreTemps83]). EtreTemps78

Qu’est-ce donc qui appartient essentiellement à une telle databilité, et où se fonde celle-ci ? Mais, dira-t-on, est-il possible de poser une question plus superflue que celle-là ? Car avec le « maintenant que », nous visons bel et bien « notoirement » un « point temporel » ! Le « maintenant » est temps. Incontestablement, nous comprenons non seulement le « maintenant que » et les « alors que », mais encore nous comprenons qu’ils sont liés « au temps ». Oui, mais qu’ils désignent le « TEMPS » « lui-même » comment cela est possible et ce que « TEMPS » veut dire, tout cela, pour autant, n’est point déjà conçu avec la compréhension « naturelle » du « maintenant », etc. Et même, est-il donc si « évident » que nous « comprenions sans autre forme de procès » et ex-primions si « naturellement » quelque chose comme le « maintenant », le « alors » (futur) et le « alors » (passé) ? D’où prenons-nous ces « maintenant, que… » ? Les aurions-nous trouvés parmi l’étant intramondain, parmi le sous-la-main ? Manifestement non. Et les avons-nous même en général trouvés ? Avons-nous formé le projet de les chercher et de les constater ? « En tous temps » nous en disposons, sans les avoir expressément faits nôtres, constamment nous en faisons usage, quoique non toujours à haute voix. La plus triviale et quotidienne [alltäglich] des expressions, par exemple : « il fait froid » vise conjointement un « maintenant que… ». Or pourquoi le Dasein, dans l’advocation de ce dont il se préoccupe, ex-prime-t-il conjointement, quoique le plus souvent en silence, un « maintenant que… » ou un « alors que… » ? Réponse : parce que l’advocation explicitante de… s’ex-prime conjointement elle-même, c’est-à-dire l’être circon-spectivement [408] compréhensif auprès de l’à-portée-de-la-main qui laisse faire encontre [begegnen] celui-ci en le découvrant, et parce que cet advoquer et ce discuter qui se co-explicite se fonde dans un présentifier et n’est possible que comme tel [NA: Cf. supra, §33 [EtreTemps33], p. [154] sq.]. EtreTemps79

Le présentifier s’attendant-conservant s’explicite. Ce qui derechef n’est possible que parce que - en lui-même ekstatiquement ouvert - il est à chaque fois déjà ouvert pour lui-même et articulable dans l’explicitation compréhensive-parlante. C’est parce que la temporalité constitue ekstatico-horizontalement l’être-éclairci du Là, que, dès l’origine elle est toujours déjà explicitable - et ainsi reconnue - dans le Là. Le présentifier s’explicitant, autrement dit l’explicité advoqué dans le « maintenant », nous l’appelons le « TEMPS ». Tout ce qui s’annonce   ici, c’est que la temporalité, connaissable en tant qu’ekstatiquement ouverte, n’est de prime abord et le plus souvent connue que dans cet être-explicité préoccupé. Toutefois, la compréhensibilité et la connaissabilité « immédiates » du temps n’excluent pas qu’aussi bien la temporalité originaire comme telle que, aussi, l’origine se temporalisant en elle du temps ex-primé ne demeurent in-connues et non-conçues. EtreTemps79

Si le Dasein facticement jeté peut « prendre » son temps ou le perdre, c’est uniquement parce qu’un « TEMPS » est dévolu à lui en tant que temporalité ekstatiquement é-tendue, avec l’ouverture du Là fondée en celle-ci. EtreTemps79

En tant qu’ouvert, le Dasein existe facticement selon la guise de l’être-avec [Mitsein  ] avec autrui. Il se tient dans une compréhensivité publique, médiocre. Les « maintenant que… » et les « alors que… » explicités et ex-primés dans l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] quotidien [alltäglich] sont fondamentalement compris, même s’ils ne sont univoquement datés que dans certaines [411] limites. Dans l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] « prochain », plusieurs peuvent dire ensemble « maintenant », chacun datant alors différemment le « maintenant » qu’il ex-prime maintenant que ceci ou cela se produit. Le « maintenant » ex-primé est dit par chacun dans la publicité de l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein]-au-monde. Le temps explicité, ex-primé de chaque Dasein est par suite aussi à chaque fois déjà publié comme tel sur la base de son être-au-monde [In-der-Welt-sein] ekstatique. Or dans la mesure où la préoccupation [Besorgen] quotidienne [alltäglich] se comprend à partir du « monde » dont elle se préoccupe, elle ne connaît pas le « TEMPS » qu’elle prend comme sien, mais, préoccupée qu’elle est de lui, elle se sert du temps qu’« il y a », avec lequel on compte. Mais la publicité du « TEMPS », au fur et à mesure que le Dasein factice se préoccupe expressément de lui, ne va devenir que plus insistante lorsque celui-ci en tiendra proprement compte. EtreTemps79

[418] Le temps publié dans la mesure du temps ne devient nullement lui-même, sous prétexte qu’il est daté à l’aide de rapports spatiaux de mesure, de l’espace. Tout aussi peu doit-on chercher l’élément ontologico-existentialement essentiel de la mesure du temps dans le fait que le « TEMPS » daté est numériquement déterminé à partir d’étendues spatiales et du changement de lieu d’une chose spatiale. Bien plutôt le point ontologiquement décisif se trouve-t-il dans la présentification spécifique qui rend la mesure possible. La datation à partir du sous-la-main « spatial » est si peu une spatialisation du temps que cette prétendue spatialisation ne signifie rien d’autre que la présentification de l’étant sous-la-main en chaque maintenant et pour tout un chacun en sa présence. Dans la mesure du temps, puisque celle-ci, par nécessité d’essence, dit « maintenant », le mesuré, par-delà l’obtention de la mesure, est comme tel pour ainsi dire oublié, de telle sorte qu’il n’y a plus rien à trouver en dehors de telle étendue ou tel nombre. EtreTemps80

Comment quelque chose comme le « TEMPS » se montre-t-il de prime abord à la préoccupation [Besorgen] quotidienne [alltäglich], circon-specte ? Dans quel usage préoccupé, dans quel emploi d’outils le temps devient-il expressément accessible ? S’il est vrai qu’avec l’ouverture du monde, du temps est publié, et qu’avec la découverte d’étant intramondain qui appartient à l’ouverture du monde, ce temps s’offre toujours aussi à la préoccupation [Besorgen] dans la mesure où c’est en comptant avec soi que le Dasein compte le temps, alors le comportement où l’« on » s’oriente expressément sur le temps réside dans l’usage d’horloges. Le sens temporalo-existential de celui-ci se révèle être un présentifier de l’aiguille en mouvement. La poursuite présentifiante des emplacements occupés par l’aiguille décompte. Ce présentifier se [421] temporalise dans l’unité ekstatique d’un conserver qui s’attend. Conserver le « alors » (passé) en présentifiant signifie : en disant maintenant, être ouvert à l’horizon du plus-tôt, autrement dit du maintenant-ne-plus. S’attendre au « alors » (futur) en présentifiant signifie disant-maintenant, être ouvert à l’horizon du plus tard, c’est-à-dire du maintenant-pas-encore. Ce qui se montre en un tel présentifier est le temps. Quelle sera donc la définition du temps manifeste dans l’horizon de l’usage circon-spect, prenant le temps, préoccupé, des horloges ? Il est ce DÉCOMPTÉ qui se montre dans la poursuite présentifiante, décomptante de l’aiguille en mouvement, et cela de telle manière que le présentifier se temporalise dans une unité ekstatique avec le conserver et le s’attendre horizontalement ouverts au plus tôt et au plus tard. Mais ce n’est là rien d’autre que l’explicitation ontologico-existentale de la définition que donne du temps Aristote   : touto gar estin ho chronos  , arithmos kineseos kata to proteron kai hysteron. « Car tel est le temps : le décompté dans le mouvement qui fait encontre dans l’horizon du plus tôt et du plus tard » [NA: Cf. Phys. ? 11, 219 b 1 sq.]. Si étrange que paraisse au premier regard cette définition, elle n’en est pas moins « évidente » et puisée à la source, à condition toutefois que soit délimité l’horizon ontologico-existential d’où Aristote l’a tirée. L’origine du temps ainsi manifeste ne devient pas pour Aristote un problème. Son interprétation du temps se meut bien plutôt dans la direction de la compréhension « naturelle » de l’être. Néanmoins, comme c’est celle-ci, ainsi que l’être compris en elle, qui est fondamentalement prise pour problème par la présente interprétation, c’est seulement après la résolution de la question de l’être que l’analyse aristotélicienne du temps pourra être thématiquement interprétée, et cela de telle sorte qu’elle obtiendra une signification fondamentale pour l’appropriation positive   de la problématique critiquement délimitée de l’ontologie antique en général [NA: Cf. supra, §6, p. [19-27].]. EtreTemps81

Le « lieu systématique » où une interprétation du temps est accomplie peut valoir comme critère de la conception fondamentale du temps qui en est alors directrice. La première explicitation thématique traditionnelle de la compréhension vulgaire du temps se trouve dans la Physique d’Aristote, c’est-à-dire dans le contexte d’une ontologie de la nature. Le « TEMPS » se tient alors en connexion avec le « lieu » et le « mouvement ». Or l’analyse du [429] temps par Hegel trouve sa place, en toute fidélité à la tradition  , dans la deuxième partie de son Encyclopédie des Sciences philosophiques, intitulée : « Philosophie   de la nature ». La première section de celle-ci traite de la « Mécanique », dont le premier chapitre est consacré à l’élucidation de « l’espace et du temps ». Ceux-ci sont l’« extériorité abstraite » [NA: HEGEL, Enzyklopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse, éd. G. Bolland, Leyde, 1906, §§25 [EtreTemps25]4 sq. Cette édition donne également les « additions » tirées des cours de Hegel. (NT: Cf. Encyclopédie, trad. fr. M. de Gandillac, p. 244 sq.)]. EtreTemps82

Si Hegel appelle le temps le « devenir intuitionné », c’est donc que ni le naître ni le périr n’ont en lui de primauté. Néanmoins, il caractérise à l’occasion le temps comme l’« abstraction du consumer », portant ainsi l’expérience et l’explicitation vulgaires du temps à leur formulation la plus radicale [NA: Id., §25 [EtreTemps25]8, addition.]. D’un autre côté, Hegel est suffisamment conséquent pour ne point accorder, dans la définition proprement dite du temps, au consumer et au périr cette primauté qui, pourtant, est maintenue à bon droit dans l’expérience quotidienne [alltäglich] du temps ; car [432] cette primauté, il serait tout aussi peu en mesure de la fonder dialectiquement que la « circonstance » - produite par lui comme une « évidence » - selon laquelle, dans le se-poser-pour-soi du point, c’est justement le maintenant qui surgit. Et ainsi Hegel, même dans sa caractérisation du temps comme devenir, comprend celui-ci dans un sens « abstrait » qui va encore au-delà de la représentation du « flux » du temps. L’expression la plus adéquate de la conception hegélienne du temps réside par conséquent dans la détermination du temps comme négation de la négation (c’est-à-dire la ponctualité). Ici, la séquence [Abfolge] des maintenant est formalisée à l’extrême et nivelée de façon insurpassable [NA: De la primauté du maintenant nivelé, il appert que la détermination conceptuelle du temps par Hegel suit elle aussi la tendance de la compréhension vulgaire du temps, c’est-à-dire en même temps du concept traditionnel du temps. Il est possible de montrer que le concept hegélien du temps est même directement puisé dans la Physique d’Aristote. En effet, dans la Logique d’Iéna (cf. l’éd. G. Lasson, 1923), qui fut esquissée au temps de l’habilitation de Hegel, l’analyse du temps de l’Encyclopédie est déjà configurée en tous ses éléments essentiels. Or la section qu’elle consacre au temps (p. 202 sq.) se révèle même à l’examen le plus sommaire comme une paraphrase du traité aristotélicien du temps. Hegel, dès sa Logique d’Iéna, développe sa conception du temps dans le cadre de la philosophie de la nature (p. 186), dont la première partie est intitulée : « Système du Soleil » (p. 195). C’est en annexe à une détermination conceptuelle de l’éther et du mouvement que Hegel élucide le concept de temps. (L’analyse de l’espace, en revanche, est encore subordonnée à celle du temps.). Bien que la dialectique perce déjà, elle n’a pas encore ici la forme rigide, schématique qu’elle prendra plus tard, mais rend encore possible une compréhension souple des phénomènes. Sur le chemin qui conduit de Kant   au système élaboré de Hegel s’accomplit une fois encore une percée décisive de l’ontologie et de la logique aristotéliciennes. Ce fait, sans doute, est depuis longtemps bien connu ; et pourtant les voies, les modalités et les limites de cette influence demeurent aujourd’hui encore tout aussi obscures. Une interprétation philosophique comparative concrète de la Logique d’Iéna de Hegel et de la Physique et de la Métaphysique d’Aristote apportera une lumière nouvelle. Pour éclairer notre méditation ci-dessus, quelques indications grossières peuvent ici nous suffire : Aristote voit l’essence du temps dans le nun, Hegel dans le maintenant. A. saisit le nun, comme horos  , Hegel le maintenant comme « limite ». A. comprend le nun, comme stigme. H. interprète le maintenant comme point. A. caractérise le nun comme tode ti  . H. appelle le maintenant le « ceci absolu ». A., en conformité à la tradition, met en relation le chronos avec la sphaira, Hegel met l’accent sur le « cours circulaire » du temps. À Hegel, bien entendu, échappe la tendance centrale de l’analyse aristotélicienne du temps, qui est de mettre à découvert entre nun, horos, stigme, tode ti une connexion de dérivation (akolouthein). - Quelles que soient les différences qui l’en séparent dans le mode de justification, la conception de Bergson s’accorde quant à son résultat avec la thèse de Hegel : l’espace « est » temps. Simplement, Bergson dit à l’inverse : le temps est espace. Du reste, la conception bergsonienne du temps provient elle aussi manifestement d’une interprétation du traité aristotélicien du temps. Ce n’est pas simplement une concomitance littéraire extérieure si, en même temps que l’Essai de Bergson sur les données immédiate de la conscience [Gewissen  ], où est exposé le problème du « TEMPS » et de la « durée », parut un autre essai du même intitulé : Quid   Aristoteles de loco senserit. En référence à la détermination aristotélicienne du temps comme arithmos kineseos Bergson fait précéder l’analyse du temps d’une analyse du nombre. Le temps comme espace (cf. Essai, p. 69) est succession quantitative. Par opposition à ce concept du temps, la durée est décrite comme succession qualitative. Ce n’est pas ici le lieu d’engager un débat critique avec le concept bergsonien du temps et les autres conceptions actuelles du temps. Indiquons seulement que, si ces analyses ont en général conquis quelque chose d’essentiel par rapport à Aristote et à Kant, ce gain concerne davantage la saisie du temps et la « conscience [Gewissen] du temps ». - Cela dit, nos indications au sujet de la connexion directe qui existe entre le concept hegélien du temps et l’analyse aristotélicienne du temps n’a point pour but d’attribuer à Hegel une « dépendance », mais d’attirer l’attention sur la portée ontologique fondamentale de cette filiation pour la logique hegélienne. - Sur « Aristote et Hegel », v. aussi l’essai ainsi intitulé de N. HARTMANN dans les « Beiträge zur philosophie des deutschen Idealismus   », t. III, 1923, p. 1-36.]. C’est seulement à partir de ce concept formel-dialectique du temps que Hegel peut établir une connexion entre temps et esprit. EtreTemps82