Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Greisch: Le « discours » ou les mots pour le dire

terça-feira 30 de maio de 2017

Avec l’analyse de l’énoncé, qui inclut nécessairement la dimension de la communication, nous sommes déjà entrés dans l’ordre du langage. Il reste à définir le statut existential de celui-ci (Cf. GA 20, 361-376). Deux termes figurent dans le titre du § 34 : Rede   et Sprache  . Comment faut-il les traduire ? Toute traduction présuppose une certaine compréhension, pas seulement du texte heideggérien, mais du phénomène en question. Un simple aperçu sur les deux traductions françaises disponibles nous fait immédiatement prendre conscience du problème :

Rede - Sprache [Heidegger]
Parler - Parole [Martineau  ]
Parole - Langue [Vezin  ]

La situation   se complique encore si nous y ajoutons les termes : Sagen et Sprechen qui figurent également dans le texte. Martineau traduit très justement par « dire » et « parler ». Mais du coup, il efface la distinction entre Rede et Sprechen ! Vezin traduit par « dire » et « langue parlée ». Ma propre suggestion est de traduire Rede par « discours », Sprache par « langage », Sagen par « dire » et Sprechen par « parler ». L’interprétation du § 34 proposée ci-dessous devrait permettre de vérifier la pertinence de ces options.

Pour cerner la nature du problème, Heidegger introduit d’entrée de jeu deux thèses :

1) « Le fondement ontologico-existential du langage est le discours » (SZ   160).

En première approximation, nous pourrions risquer une glose qui donne raison à Benveniste contre de Saussure : « Le discours préexiste à la langue ! ». Il n’y a donc pas d’abord un système clos de signes, dont la signification est purement immanente à la langue (axiome de la clôture des signes), et ensuite un « locuteur » qui s’en empare dans un acte de « prise de parole », un peu comme un automobiliste met en marche une voiture, après avoir mis le contact. Dans l’ordre existential-ontologique, l’énonciation (le discours) précède la langue. Dès les Prolégomènes, la thèse est clairement énoncée : « Il y a le langage, parce qu’il y a le discours » (Es gibt   Sprache, weil es Rede gibt, GA 20, 365). Le langage est donc plus et autre chose que la simple mise en branle d’un système de signes tout fait. Nous pourrions dire aussi que cette destination « discursive » est déjà inscrite dans sa nature même. Il appartient au linguiste de déceler les aspect linguistiques de cette « destination ». C’est justement ce que fait Emile Benveniste dans sa linguistique du discours. [Cf. en particulier Emile Benveniste, Problèmes de lingustique générale, I, Paris, Gallimard, 1966, chap. X : « Les niveaux de l’analyse linguistique », p. 119-131. Le chapitre s’achève sur la déclaration suivante : « C’est dans le discours, actualisé en phrases, que la langue se forme et se configure. Là commence le langage. On pourrait dire, calquant une formule classique : nihil   est in língua quod non prius fuerit in oratione » (p. 131).]

Notre traduction n’est donc pas innocente. De fait, elle parie sur la possibilité d’une rencontre féconde entre une linguistique du discours, conçue à la manière de Benveniste et une approche phénoménologique-existentiale, comme celle que tente Heidegger. De toute évidence, une linguistique de la langue au sens de Saussure exclut ce type de rencontre.

2) « Le discours est existentialement co-originaire avec l’affection et le comprendre » (SZ 161). Plus encore que la thèse précédente, celle-ci souligne l’originalité de l’approche phénoménologique-existentiale que tente Heidegger. Nous avions dit plus haut que l’affection n’est ni opaque, ni aveugle ; nous aurions pu et dû dire qu’elle n’est pas non plus muette. Les « mots pour le dire » - dire l’affection, dire la compréhension - existent, même si nous ne les avons pas encore trouvés ! C’est précisément pour cette raison que Heidegger n’introduit le discours qu’en troisième lieu, après l’affection et la compréhension. Les Prolégomènes affirment déjà très clairement que les différentes structures existentiales prises en considération jusqu’à maintenant (affection, compréhension, explicitation) sont « des structures nécessaires à la structure essentielle du langage lui-même, même si elles sont encore insuffisantes » (GA 20, 361). Si l’on ne pariait pas sur cette continuité essentielle, jamais on ne comprendrait en quel sens le langage est « une possibilité d’être du Dasein   » (ibid.).

Ce qui « s’exprime » dans le discours (sich aussprechen) ou ce qui y « vient à la parole », c’est toujours une certaine affection et une certaine compréhension [« Weil Dasein in seinem Sein   selbst   bedeutend ist, lebt es in Bedeutungen und kann sich als diese aussprechen » (GA 21  , 151). C’est cet axiome qui commande toute l’approche existentiale du phénomène du langage, à la différence de la simple approche linguistique.]. Et c’est précisément ce lien originaire entre les trois existentiaux du discours, de l’affection et de la compréhension que les théories habituelles de la signification ou de la communication sont incapables de cerner. Le signe linguistique est alors pensé comme une sorte d’étiquette sonore accolée à un objet, un signifiant associé à un signifié. C’est cette conception que Heidegger remet en cause quand il écrit : « Den Bedeutungen wachsen Worte zu. Nicht   aber werden   Wõrterdinge mit Bedeutungen versehen » (SZ 161). Le sens de cette phrase n’est pas d’emblée évident, comme le montrent les divergences de traduction : « Aux significations des mots s’attachent, ce qui ne veut pourtant pas dire que des choses-mots soient pourvues de significations » (trad. Martineau). « Aux significations viennent se greffer des mots. Jamais des mots-choses ne se voient assortis après coup de significations » (trad. Vezin).


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