Página inicial > Léxico Alemão > Courtine (1990:288-291) – Zuhandenheit e Vorhandenheit

Courtine (1990:288-291) – Zuhandenheit e Vorhandenheit

sábado 23 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

A "estratégia" de Sein und Zeit   consiste aqui — como sabemos — em questionar o que é imediatamente dado ou encontrado à primeira vista, no comércio quotidiano. O que é que está presente "dentro do mundo"? O que é que se descobre em termos do ser que se dá como "natureza"? A análise que parte do que é encontrado "à primeira vista" — a matéria com que nos ocupamos, o ser "fenomenologicamente pré-temático" de que nos servimos ou que encontramos num processo de produção — descobre tanto o Dasein   como ser-no-mundo, o fenômeno do mundo, na medida em que este é da ordem do Dasein (daseinsmässig), como o modo específico de ser do ser em uso, da ferramenta (Zeug  ), no sentido mais lato do termo: Zuhandenheit  .

original

La « stratégie » de Sein   und Zeit   consiste ici — on le sait — à s’interroger sur ce qui est immédiatement donné ou rencontré de prime abord, dans le commerce quotidien. Qu’est-ce qui est présent « à l’intérieur du monde » ? Qu’est-ce qui est découvert au titre de l’étant qui se donne comme « nature » ? L’analyse qui part de ce qui est rencontré « de prime abord » — l’affaire dont on se préoccupe, l’étant « phénoménologiquement préthématique » dont on fait usage ou que l’on trouve dans un processus   de production — découvre à la fois le Dasein comme être-au-monde, le phénomène du monde, pour autant que celui-ci est de l’ordre du Dasein (daseinsmässig), et le mode d’être spécifique de l’étant en usage, de l’outil (Zeug), au sens le plus large du terme : la Zuhandenheit. L’analyse permet aussi de lever les guillemets qui entouraient jusqu’ici les termes de « monde » et de « nature », et fait apparaître du même coup le caractère négatif et dérivé de tout ce qui se donnait d’abord, avec une prétention apparemment fondée à la primauté, comme vorhanden. La secondarité de la Vorhandenheit se trouve encore accentuée par la détermination de la « connaissance du monde » comme « mode fondé » de l’être-à, et en particulier par ce que l’on pourrait nommer la « réduction épistémique » de la chose, ou mieux de l’étant en usage. La « réalité » appréhendée dans l’attitude théorétique à titre de « rien d’autre que… » (nihil   aliud quam), est le résultat d’un processus d’abstraction qui arrache la chose à son contexte, au système de renvois qui l’inscrivent d’emblée dans un monde ambiant déterminé. L’attitude théorétique, précisément en tant qu’attitude (Verhalten  ), est encore une [289] modalité déterminée de la praxis   au sens large ou de l’Urpraxis, antérieure aux distinctions aristotéliciennes : praxis, poiesis  , theoria   [1]. A titre de « praktisches Verhalten », et pour autant que le Dasein est lui-même cette Urpraxis, le connaître caractérise l’être-là en tant qu’il est essentiellement être-au-monde, à ceci près qu’il met entre parenthèses le caractère immédiatement et fondamentalement « pragmatique » des pragmata  . Et plus précisément encore, le connaître appartient au Dasein dans la mesure où il est toujours déjà auprès de l’étant dont il se préoccupe. La connaissance qu’on dit « désintéressée » n’est donc elle-même qu’une modalité déterminée, fût-elle éminente, de la préoccupation. Mais si l’être-déjà-auprès du monde constitue un préalable pour toute connaissance, le connaître, loin d’être un phénomène originaire, est un mode fondé qui ne ressort jamais que négativement. Si la mondanéité du monde ne se laisse saisir d’abord qu’à travers l’analyse du monde-ambiant, c’est aussi parce que l’être-au-monde ne s’annonce   le plus souvent que sous les traits de la préoccupation. Préoccupé, le Dasein est, comme on dit, pris par ce qu’il fait, tout à son affaire, accaparé par elle. En revanche, la considération détachée qui caractérise la connaissance pour la connaissance, implique une déficience de cet être-auprès préoccupé. C’est cette rupture dans l’avoir-affaire-avec préoccupé que Heidegger nomme d’abord : Sichenthalten — se tenir à l’écart de, prendre du recul, ne plus s’engager d’emblée dans les démarches habituelles du commerce avec l’étant, telles que produire, utiliser, etc. Ce recul est la première condition de possibilité d’un nur-noch  -verweilen  -bei  …, d’un simple « séjourner auprès-de », « assister-à », se comporter en spectateur dégagé. Interruption, abstention, arrêt — autant de traits indispensables à la « pure et simple » considération, celle qui envisage sans plus (nur noch Hinsehen  ) l’étant qui vient à l’encontre, dans une attitude de pure réceptivité, en l’absence de toute intervention et de tout maniement. L’étant ainsi rencontré, corrélât du « considérer sans plus », est à son tour nur-noch-vorhanden : il n’est plus que présent là devant, donné à voir, exhibé. C’est cette même attitude de réceptivité, cette ouverture perceptive sur l’étant présent, sous [290] les yeux plutôt que sous ou devant la main, qui permet de mettre en lumière et de faire ressortir le « visage » ou l’« é-vidence », l’eidos   (Aussehen), de l’étant considéré. Signalons cependant dès à présent la note marginale portée par Heidegger sur le dit Hüttenexemplar, et qui corrige sensiblement la précédente analyse : « S’abstenir d’agir n’engendre pas encore déjà la considération (Hinsehen) — celle-ci a une origine propre dont la conséquence nécessaire est cette abstention (Absehen) ; contempler (Betrachten  ) a son originarité propre » [2]. Abstraction faite ici de la question de l’eidos sur laquelle nous reviendrons à propos de l’interprétation grecque de l’étant dans l’optique du produire, retenons simplement pour l’instant cette mise en garde à l’encontre de toute détermination unilatéralement négative et dérivée de la theoria — et de son corrélât : la Vorhandenheit.

La Vorhandenheit — disons la substantialité ou la subsistance —, loin donc de caractériser le mode d’être primairement donné, dans la perception, ou purement reçu, dans l’intuition, n’est que le résultat, ou le reste, d’une démarche abstractive, propre à une certaine attitude qui laisse de côté tout ce qui dans I’« objet », dans l’étant rencontré, renvoie aux conditions de possibilité de sa présentation concrète, à tout ce qui, dit Heidegger, l’« apprésente » [3] : le système où il a place et fonction, la Bewandtnisganzheit   (« le tout finalisé », « la totalité de tournure » ou l’« entièreté de con-jointure ») [4], dans et à partir de laquelle seulement le sous-la-main (Zuhandenes) est à proprement parler rapporté à la main, en main (zuhanden). La Zuhandenheit — l’être disponible à portée de main (et il s’agit ici non pas simplement du marteau ou des clous, mais « des routes, des ponts, du système d’éclairage », voire même du soleil — SuZ., p. 412) — désignerait alors le mode d’être spécifique et originaire de l’étant rencontré immédiatement dans le commerce quotidien : le mode d’être de l’outil (Zeug), pour autant qu’il est en usage, en main ou à portée de la main. Si la Vorhandenheit nomme l’étant présent là-devant et subsistant, elle ne vise aucun [291] substrat, aucune réalité préalable, comme celle d’une matériau primitif, donné « en soi ». Le Vorhandenes, ce n’est pas l’étant d’abord présent dans sa neutralité, avant d’être « coloré subjectivement », en fonction de telle ou telle manière de voir, de tel projet qui le ferait apparaître comme ceci ou cela, bon pour tel usage, destiné à telle fin.

En vérité, l’étant ne se donne jamais ni n’est donné comme vorhanden : s’il apparaît « sous les yeux » ou « présent là devant », c’est le plus souvent au terme d’une visée, thématique ou non, et en fonction d’un projet : connaître par exemple, considérer, « envisager sans plus » (nur-noch-Hinsehen). Rien de surprenant donc à ce que la main (Hand) se dissimule dans le Vorhandenes, si l’interruption du maniement est toujours déjà requise pour que s’ouvre la dimension même de la Vorhandenheit. C’est donc l’occultation complète du rapport à la main, la disparition de toute possibilité ou de toute idée de maniement (au sens large), qui constitue le présupposé de toute ontologie   de la Vorhandenheit, centrée sur l’étant-subsistant et prenant pour « sol exemplaire » de son interprétation de l’être de l’étant le physei on, l’étant intramondain appréhendé comme « naturel » [5].


Ver online : Jean-François Courtine


COURTINE, Jean-François. Heidegger et la phénoménologie. Paris: Vrin, 1990


[1Nietzsche I, p. 67 = Ga., 43, p. 65. Sur ce double concept de la praxis, voir les indications précieuses de Fr. Volpi in Heidegger e Aristotele, Padoue, 1984, p. 93.

[2SuZ., Ga., 2, p. 83 ; tr. fr., Fr. Vezin, p. 96.

[3Le terme « appräsentieren », emprunté sans doute à Husserl (cf. notamment Ideen II) est largement utilisé dans le cours de 1925 pour expliciter la Begegnisfunktion du monde de l’œuvre (Ga., 20, § 23). Il disparaît ensuite.

[4Traductions dues respectivement à R. Boehm-A. de Waelhens, E. Martineau, Fr. Vezin.

[5Cf. Ga., 24, p. 36. «… par l’expression Vorhandensein ou Vorhandenheit… nous nommons le mode d’être des choses de la nature, au sens le plus large du terme. » Cf. aussi Ga., 21, p. 244 : « … ce monde d’être du vorhanden convient en premier lieu au monde et à la nature ».