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Ricoeur (1985:98-100) – inautenticidade e autenticidade
sábado 16 de dezembro de 2023
Roberto Leal Ferreira
O reino da inautenticidade não para de reabrir a questão do critério de autenticidade. É à consciência moral (Gewissen) que se pede então a atestação da autenticidade. O capítulo II [SZ ] dedicado a esta análise intitula-se: "A atestação (Bezeugung) própria do ser-aí de um autêntico poder-ser e resolução". Este capítulo, que parece atrasar ainda mais a análise decisiva da temporalidade, tem um papel insubstituível. A linguagem corrente sempre disse tudo o que havia a dizer sobre a morte: morremos sozinhos, a morte é certa mas a sua hora é incerta, etc. A partir de então, nunca mais nos contentamos com a tagarelice, a evasão, a dissimulação, o apaziguamento que infectam o discurso quotidiano; nada menos do que o atestado da consciência moral e o apelo dirigido, através da sua voz, de si para si, é necessário para estabelecer o ser-para-a-morte no seu mais alto grau de autenticidade.
Original
Le règne de l’inauthenticité ne cesse, en fait, de rouvrir la question du critère d’authenticité. C’est à la conscience morale (Gewissen) que l’attestation d’authenticité est alors demandée [1]. Le chapitre II consacré à cette analyse est intitulé : « l’attestation (Bezeugung) propre à l’être-là d’un pouvoir-être authentique et la résolution » [267]. Ce chapitre, qui semble retarder encore l’analyse décisive de la temporalité, a un rôle irremplaçable. Le langage ordinaire, en effet, a depuis toujours tout dit sur la mort : on meurt seul, la mort est certaine mais son heure incertaine, etc. Dès lors, on n’est jamais quitte avec le bavardage, l’esquive, la dissimulation, l’apaisement, qui infectent le discours quotidien ; il ne faut donc pas moins que l’attestation de la conscience morale et de l’appel adressé, par sa voix, de soi à soi-même, pour établir l’être-pour-la-mort à son plus haut degré d’authenticité [2].
Le témoignage rendu par la conscience morale à la résolution appartient dès lors de façon organique à l’analyse du temps comme totalisation de l’existence : il met le sceau de l’authentique sur l’originaire. C’est pourquoi Heidegger ne tente pas de procéder directement de l’analyse du Souci à celle du temps. La temporalité n’est accessible qu’au point de jonction entre l’originaire, partiellement atteint par l’analyse de l’être-pour-la-mort, et l’authentique, établi par l’analyse de la conscience morale. C’est peut-être ici la raison la plus décisive de la stratégie de retardement que nous avons opposée à la stratégie du raccourci adoptée par Husserl , avec l’exclusion du temps objectif et la description d’objets aussi infimes que le son qui continue de résonner. Heidegger se donne ainsi une série de délais avant d’aborder thématiquement la temporalité : d’abord celui du long traité « préliminaire » (toute la première section de l’Être et le Temps) consacré à l’analyse de l’être-au-monde et du « là » de l’être-là, et couronné par l’analyse du Souci ; ensuite celui du court traité (les deux premiers chapitres de la seconde section) qui, en fusionnant le thème de l’être-pour-la-mort et celui de la résolution dans la notion complexe de la résolution anticipante, assure le recouvrement de l’originaire par l’authentique. A cette stratégie du retardement répondra, après l’analyse thématique de la temporalité, une stratégie de la répétition annoncée dès le paragraphe d’introduction à la deuxième section (§ 45) : ce sera en effet la tâche du chapitre IV de procéder à une répétition de toutes les analyses de la première section, pour en éprouver après coup la teneur temporelle. Cette répétition est annoncée en ces termes : « L’analyse existentiale temporelle requiert une confirmation (Bewährung) concrète… Par cette récapitulation (Wiederholung) de l’analyse préliminaire fondamentale de l’être-là, nous rendons en même temps plus transparent (durchsichtiger) le phénomène même de la temporalité » [234-235]. On peut considérer comme un délai supplémentaire la longue « répétition » (Wiederholung [332]) de la première section de l’Être et le Temps, intercalée entre l’analyse de la temporalité proprement dite (chap. III) et de l’historialité (chap. V) dans le dessein clairement affirmé de trouver dans la réinterprétation en termes temporels de tous les moments de l’être-au-monde parcourus dans la première section une « confirmation (Bewährung) de grande amplitude de son pouvoir constitutif (seiner konstitutiven Mächtigkeit) » [331]. Le chapitre IV consacré à cette « interprétation temporelle » des traits de l’être-au-monde peut ainsi être placé sous le même signe de l’attestation d’authenticité que le chapitre II consacré à l’anticipation résolue. Le fait nouveau est que la sorte de confirmation fournie par cette reprise de toutes les analyses de la première section s’adresse aux modes dérivés de la temporalité fondamentale, principalement à l’intra-temporalité, comme l’indique déjà le titre de ce chapitre intercalaire : « Temporalité et quotidienneté ». Qui dit « quotidienneté » (Alltäglichkeit) dit « jour » (Tag), c’est-à-dire une structure temporelle dont la signification est reportée au dernier chapitre de l’Être et le Temps. Ainsi, le caractère authentique de l’analyse du temps n’est-il attesté que par la capacité de cette analyse à rendre compte des modes dérivés de la temporalité : la dérivation vaut attestation.
Ver online : Paul Ricoeur
[1] « Mais l’être-là peut-il aussi exister de façon authentique en tant que tout ? Comment l’authenticité de l’existence peut-elle être du tout déterminée, sinon par égard pour l’exister authentique ? D’où prenons-nous notre critère pour cela ? L’attestation (Bezeugung) d’un pouvoir-être authentique est donnée par la conscience morale (Gewissen) » [234].
[2] Nous lisons, au terme de l’analyse de l’être-pour-la-mort, cet étrange aveu : « La question encore en suspens (schwebende) d’un être-intégral authentique de l’être-là et de sa constitution existentiale n’est placée sur un sol phénoménal à toute épreuve (probhaftig) que si elle peut se rattacher (sich… halten) à une possible authenticité de son être, attestée (bezeugte) par l’être-là lui-même. Si on réussit à découvrir phénoménologiquement une telle attestation (Bezeugung) et ce qui s’y atteste, le problème se pose à nouveau de savoir si l’anticipation de la mort, projetée jusqu’ici seulement dans sa possibilité ontologique, se tient dans une connexion essentielle avec le pouvoir-être authentique ainsi attesté (bezeugten) » [267].