detalhe
O último corolário do teorema da intencionalidade é a noção fenomenológica de corpo próprio ou, na linguagem dos últimos escritos de Merleau-Ponty, a noção de carne. Quando se pergunta como é possível que um sentido exista sem ser consciente, o fenomenólogo responde: o seu modo de ser é o do corpo, que não é nem eu nem uma coisa do mundo. O fenomenólogo não está a dizer que o inconsciente freudiano é corpo; está apenas a dizer que o modo de ser do corpo, na medida em que não é nem uma representação em mim nem uma coisa fora de mim, é o modelo ôntico de qualquer inconsciente concebível. Não é a determinação vital do corpo, mas a ambiguidade do seu modo de ser que é exemplar. Um sentido que existe é um sentido tomado num corpo, é um comportamento significante.
original
Dernier corollaire du théorème de l’intentionalité : la notion phénoménologique de corps propre ou, dans le langage des derniers écrits de Merleau-Ponty, la notion de chair. Interrogé sur la question de savoir comment il est possible qu’un sens existe sans être conscient, le phénoménologue répond : son mode d’être est celui du corps, qui n’est ni moi, ni chose du monde. Le phénoménologue ne dit pas que l’inconscient freudien est corps ; il dit seulement que le mode d’être du corps, en tant qu’il n’est ni représentation en moi, ni chose hors de moi, est le modèle ontique pour tout inconscient concevable. Ce n’est pas la détermination vitale du corps, mais l’ambiguïté de son mode d’être qui est exemplaire. Un sens qui existe, c’est un sens pris dans un corps, c’est un comportement signifiant.
S’il en est ainsi, il est possible de reprendre de proche en proche, en termes de comportement signifiant, ce qu’on a dit de la genèse du sens, de son caractère psychique, et finalement de la notion même d’intentionalité. Tout sens agi est un sens pris dans le corps ; toute praxis vouée au sens est une signification, une intention faite chair, s’il est vrai que le corps est « ce qui nous fait être comme étant en dehors de nous-même53 ».
Par cette thèse, la phénoménologie se tourne vers l’inconscient freudien ; bien plus, c’est à partir de cette interprétation du corps comme sens incarné, qu’il est possible de rendre compte du sens humain de la sexualité – du moins de la sexualité en acte ; elle consiste à nous faire exister comme corps, sans distance de nous à nous-même, dans une expérience d’exhaustivité toute contraire à l’inexhaustivité de la perception et de la communication parlée54. C’est une expérience d’exhaustivité, en ce que le corps, devenant totalement manifeste, supprime toute référence à une action dans le monde. Non seulement la phénoménologie se porte ici en direction de la psychanalyse, mais elle lui offre un schéma satisfaisant pour rendre compte du rapport entre la sexualité, comme mode particulier, et l’existence humaine, considérée comme totalité indivise. Ce rapport n’est pas de partie à tout : la sexualité n’est pas une fonction isolée parmi d’autres ; elle affecte tout comportement. Ce n’est pas non plus un rapport de cause à effet, car un sens ne saurait être cause d’un sens ; il ne peut y avoir, entre comportement sexuel et comportement total, qu’une identité de style ou, si l’on peut dire, un rapport d’homologie ; la sexualité est une manière particulière de vivre, un engagement total vis-à-vis de la réalité ; ce mode particulier, c’est précisément la manière dont deux partenaires tentent de se faire exister comme corps, rien que comme corps.
RICOEUR, Paul. De l’interprétation essai sur Freud. Paris: Editions du Seuil, 1965.