destaque
A φύσις, segundo o entendimento grego, o mundo, não é originalmente um conjunto de coisas, mas um devir, um grande drama do qual também nós fazemos parte, não como espectadores, mas no sentido em que nós próprios, tal como as coisas, somos utilizados e consumidos neste processo. O emergir da noite do não-ser, a união que cria entre o nascimento e a morte um espaço encoberto onde os entes ligados pela dependência recíproca dão lugar uns aos outros e voltam a suprimir-se, este drama primordial, este proto-movimento e processo original, é o modo como o mundo é descoberto nas famosas palavras de Anaximandro , nas reflexões dos pensadores jónicos sobre o nascimento e a decadência, nas visões de Heráclito do mundo como fogo. É um processo que, como o fogo, se apodera de tudo e o devora, em que nada perdura a não ser esse apoderar-se e devorar enquanto tal.
Erazim Kohak
How did the Greeks discover the world? That is, not under what circumstances, nor for what reasons or from what causes, but rather in what guise and mode did the world open itself and become manifest to them? Conventional wisdom, communis opinio, appealing already to the tradition of antiquity, would have it that the world was discovered as physis and that, consistently with that, physics was the first theory about the world. Modern thinkers have accordingly taken physics to be a kind of a preface of a theory of material nature and its forces, a primitive physics in the modern sense of the world. Physis, however, might have a different meaning in the original Greek.
Originally, the Greek physis did not mean an aggregate of things but an activity, a majestic drama to which we ourselves belong and not as spectators, but rather that both we and things are expended for it and consumed in it. The emergence from the night of non-being, the interconnection and fusion of generation and perishing of beings which mutually, in their binding interrelation, make room for each other and destroy each other in turn, this primordial happening, primordial movement, and primordial process are the way in which the world emerges in Anaximander ’s famous statement, in the reflections of his Ionian followers about generation and perishing, in Heraclitus ’s vision of the world as fire. It is a drama which, like a fire, engulfs and consumes all and in which nothing lasts except for that engulfing and consuming itself. [1]]
Thus, from this point of view, what is concealed in the mundane overt presence of our projects is this all-consuming drama. Here it becomes manifest that things and beings stand on a shaky ground, that they sink into what is no thing. Nothingness belongs to the world, even though not among the things of the world. The depth of the abyss, inaccessible by reflection on mere things, [9] opens up beneath them. The all-embracing coherence which precedes all particulars, magnificent and merciless, is explicitly here as soon as the mundane fixations of our projects cease affecting us. Now, however, humans can see in truth how and what they are, as brotos, mortals who share in the discovery of things by an explicit integration in the drama of the world. Only now are they revealed as worldly beings who by their entire nature are not self-enclosed but rather related to the world and to its vertiginous drama. In their hie et nunc, humans are related to the whole. This whole bestows meaning on all particulars. Does this whole which bestows meaning on things, does most of all that ground of all meaning which consists in their emergence and disappearance, in their belonging to the whole, in that they are—does this whole itself have a meaning? What is this whole? In what sense can we say of it that it is? What does it mean to be? Such are the questions which now emerge, questions which will not be silenced and which will continue to affect humans once we have grasped the possibility of uncovering the world itself, the world concealed in the clarity of our projects.
Erika Abrams
Comment les Grecs ont-ils découvert le monde ? Ce «comment» ne signifie pas dans quelles circonstances, par quelles causes ou pour quelles raisons, mais sous quelle figure : sur quel mode le monde s’est-il ouvert et montré à eux ? La [16] communis opinio, s’appuyant sur la tradition antique, affirme que le monde a été découvert en tant que φύσις et que la première science du monde était donc la physique que les penseurs modernes ont comprise comme un premier échelon de la science de la nature matérielle et de ses forces, comme une physique primitive au sens moderne du terme. La φύσις cependant signifie peut-être à l’origine, en grec, tout autre chose.
La φύσις selon la compréhension grecque, le monde, n’est pas originellement un ensemble de choses, mais un devenir, un drame grandiose dont nous faisons partie nous aussi, non pas en tant que spectateurs, mais en ce sens que nous-mêmes, comme les choses, sommes dépensés pour et consommés dans ce processus. L’émergence hors de la nuit du non-être, l’union qui crée entre la naissance et la mort un espace à couvert où des êtres liés par une dépendance réciproque font place les uns aux autres et derechef se suppriment, ce drame primordial, ce proto-mouvement et processus originaire, est la manière dont le monde se découvre dans la célèbre parole d’Anaximandre , dans les réflexions des penseurs ioniens sur la naissance et le dépérissement, dans les visions héraclitéennes du monde en tant que feu. C’est un processus qui, comme le feu, s’empare de tout et le dévore, dans lequel rien ne perdure hormis cet emparement et cette dévoration comme tels.
Ce qui, de ce point de vue, se cache dans la présence à découvert de nos projets quotidiens, c’est donc ce drame omni-dévorant. Il y apparaît que les choses et les êtres reposent sur un sol précaire, qu’ils tendent à sombrer dans ce qui n’est pas une chose. Le néant, qui ne peut être compté parmi les choses intramondaines, fait néanmoins partie du monde. Sous-jacente aux choses pures et simples, qui n’en donnent aucune idée, s’ouvre une profondeur abyssale. La connexion omni-englobante, grandiose et implacable, qui précède tout le singulier, est expressément là dès que cesse de fonctionner la fixation quotidienne de nos projets. Mais c’est alors aussi que l’homme se voit en vérité tel qu’il est : comme βροτός, mortel, qui prend part à la mise à découvert [17] des choses en s’intégrant expressément au drame du monde. Alors pour la première fois qu’il se découvre en tant qu’être «du» monde qui, par toute sa nature, n’est pas clos sur soi, mais rapporté au monde et à son devenir vertigineux. Dans son hic et nunc, l’homme est rapporté à la totalité. C’est la totalité qui donne sens à tout le singulier. Mais cette totalité qui confère un sens aux choses, qui leur donne avant tout le fondement de tout sens en tant qu’elles émergent et s’éclipsent, qu’elles font partie de la totalité, bref qu’elles sont -cette totalité a-t-elle comme telle un sens ? Qu’est-ce que cette totalité ? En quel sens peut-on dire d’elle aussi qu’elle est ? Que signifie le verbe être ? Telles sont les questions qui se font jour ici et qui, depuis l’instant où l’homme saisit ainsi la possibilité de dévoiler le monde lui-même qui se dissimule dans la clarté de ses projets, ne se tairont plus, mais le maintiendront sous leur emprise.