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De la phénoménologie I

Henry (P1:10-13) – ontologia kantiana

O conceiot de alma tem um sentido?

segunda-feira 26 de junho de 2023

Se queremos falar de alma devemos rejeitar a crítica kantiana.

Si donc nous voulons parler de l’âme, nous devons au préalable rejeter la critique kantienne. Cette tâche peut paraître présomptueuse, mais nous n’avons pas le loisir de nous y soustraire. Elle peut paraître infinie, hors de proportion en tout cas avec les limites de notre entretien, mais peut-être sommes-nous déjà en possession du fil conducteur qui va nous guider, peut-être comprenons-nous déjà quelle forme doit revêtir la critique que, à notre tour, nous prétendons faire de la critique kantienne. La critique de la critique kantienne du paralogisme de la psychologie rationnelle doit se présenter comme une destruction ontologique. Une destruction ontologique, c’est une mise à nu des structures de l’être. La question que nous posons est très simple, c’est celle-ci : Quelle idée Kant   se fait-il de l’être pour refuser l’être au cogito en tant que tel ? On le voit, il ne [11] s’agit pas de contester ou de réfuter l’une après l’autre les diverses propositions de la Dialectique transcendantale relatives à la connaissance de notre âme, il s’agit de remonter au fondement commun de toutes ces affirmations, c’est-à-dire à une certaine compréhension de l’être qu’elles présupposent toutes. C’est l’horizon ontologique à l’intérieur duquel la proposition cogito ergo sum apparaît comme renfermant un paralogisme que nous interrogeons. C’est l’ontologie kantienne qui est en question.

L’ontologie kantienne obéit à des présupposés phénoménologiques qui en font justement la valeur. Pour Kant, en effet, nous ne connaissons que des phénomènes. Rien n’existe pour nous qu’à l’intérieur de notre expérience, et cela est vrai. Mais l’idée de phénomène reçoit dans le kantisme une limitation décisive. Est phénomène pour Kant ce qui est donné à la sensibilité et pensé par l’entendement. La sensibilité est un pouvoir d’intuition de la conscience. L’intuition nous ouvre à ce qui est, à l’étant ; elle nous ouvre à lui mais elle ne crée pas, elle le trouve, elle le rencontre. Cela veut dire que, par son pouvoir d’intuition, la conscience s’adresse à quelque chose qu’elle n’a pas créé et qu’elle n’est pas elle-même, à quelque chose qui est indépendant d’elle, différent d’elle, extérieur à elle, transcendant, en ce sens, à son être propre. Mais comment la conscience peut-elle s’ouvrir à l’étant qu’elle n’est pas ? Elle le fait en formant, en imaginant un milieu pur à l’intérieur duquel, précisément, l’étant pourra se montrer à elle, en projetant l’horizon dans lequel elle pourra le rencontrer. Cette projection d’un pur milieu de rencontre est l’œuvre de l’intuition pure. Il y a chez Kant une pure relation à quelque chose, la possibilité d’une relation à un objet en général, et cette possibilité, c’est l’objectivité même dans son surgissement premier, qui est l’espace sans doute mais qui est aussi, et plus fondamentalement, le temps.

Nous parvenons à la véritable signification du terme de transcendance : la transcendance ne peut plus désigner seulement le fait que l’étant est hétérogène à la conscience, son extériorité métaphysique, elle désigne son extériorité phénoménologique. Être, pour Kant, c’est être donné comme représenté, posé là devant un champ de visibilité.

Mais si l’accès à l’étant présuppose l’ouverture d’un premier champ d’extériorité, en langage kantien, l’intuition empirique présuppose toujours une intuition pure, réciproquement, l’intuition n’est jamais seulement pure, [12] elle est toujours aussi une intuition empirique. En d’autres termes, ce qui est là devant, ce n’est pas seulement l’extériorité elle-même, ce n’est pas seulement un milieu pur, parce qu’un milieu pur, ce n’est encore qu’un néant. Un milieu pur, que ce soit celui de l’espace ou du temps, ne contient encore en lui-même aucune existence effective. Ce qui apporte celle-ci, selon Kant, c’est la sensation. L’intuition humaine ne devient une fonction concrète que lorsqu’elle est mise en relation avec un divers empirique, sans lequel aucune expérience ne se produirait, sans lequel il n’y aurait rien de réel. L’existence effective, la réalité n’est définie que par la sensation. « La sensation, dit Kant, est ce qui désigne une réalité. » [1] Ainsi la sensation joue-t-elle, à bien des égards, le rôle d’une origine, puisque l’expérience n’est effective que pour autant qu’elle est l’expérience d’une existence par essence empirique.

Que la sensation appartienne nécessairement à l’expérience effective et réelle, c’est ce que montre encore la prise en considération de l’entendement que forme, conjointement avec l’intuition, le pouvoir transcendantal de la connaissance. En effet, l’entendement réduit à lui-même, à son seul exercice, ne nous mène à rien. Les principes de l’entendement sont les catégories, or Kant nous dit : « Nous ne pouvons apercevoir la possibilité d’aucune chose par la simple catégorie, mais nous devons toujours avoir en main une intuition pour mettre en évidence la réalité objective du concept pur de l’entendement. » [2]. L’intuition que réclame ici Kant est une intuition empirique. La catégorie, dit Kant, n’a qu’un usage « empirique » [3].

Nous pouvons résumer tout ceci en disant que, pour Kant, la connaissance réelle est une connaissance synthétique. Le problème de la connaissance synthétique n’est pas seulement le problème de l’unification originelle du pouvoir transcendantal de la connaissance, le problème heideggerien de l’unité de l’intuition pure et de l’entendement, c’est le problème [13] de ce qui doit s’ajouter à ce pouvoir transcendantal de la connaissance pour que la connaissance devienne la connaissance de quelque chose. Et ce quelque chose, c’est la sensation qui l’apporte. La connaissance synthétique, c’est la connaissance empirique.

Si nous réfléchissons alors sur le pouvoir transcendantal de la connaissance considéré en lui-même dans sa pureté, abstraction faite de l’élément empirique, nous voyons que ce qui le caractérise en fin de compte, c’est une sorte d’indigence ontologique foncière, c’est le fait qu’il est privé de l’existence. La condition de la connaissance est réduite à trouver hors d’elle l’élément de la réalité et c’est pour cela qu’elle se fait intuitive et réceptive. Par elle-même, la condition de la connaissance n’a encore aucun être propre, elle n’est, comme le dit Kant, qu’une condition logique. La condition de la connaissance n’est pas dite logique parce qu’elle serait un entendement mais parce qu’elle est séparée de ce qui fait l’effectivité de l’être réel. Et c’est la raison pour laquelle il m’a toujours semblé arbitraire de désigner cette condition de la connaissance sous le nom de subjectivité. On parle de la condition subjective de la connaissance, de la condition subjective de la pensée. Pareille désignation est impropre parce que justement cette subjectivité n’est pas une vie, une existence, seulement une sorte d’entité logique.

Cette indigence de la pensée pure se laisse voir dans le concept. Précisément parce que la pensée pure est séparée de l’existence effective, le concept ne peut nous procurer par lui-même aucune connaissance, il ne peut apporter la réponse à aucune question. «Le concept, dit Kant, tourne toujours sur lui-même et ne nous fait jamais pénétrer plus avant dans aucune des questions qui intéressent la connaissance synthétique », et cela parce que « toute solution synthétique exige une intuition» [4]. Mais cette indigence du pouvoir de la connaissance est plus grande encore. Elle ne se manifeste pas seulement dans le fait que le concept ne peut, par lui-même, parvenir à la connaissance d’un objet, mais dans le fait qu’il ne peut parvenir à la connaissance de soi. Il n’y a pas de possession intérieure immédiate du concept par lui-même parce qu’il n’y a pas chez Kant de philosophie de la subjectivité.


Ver online : Philo-Sophia


[1A 374, IV, 235. M. Henry cite Kant, Critique de la raison pure, dans la traduction Barri, revue par Archambault, Paris, Flammarion, 1937. Nous donnons les références dans l’édition originale, A pour la première édition, B pour la seconde édition, et dans l’édition de l’Académie, IV pour la première édition, III pour la seconde.

[2B 288, III, 198.

[3B 147, III, 117.

[4A 398, IV 248.