destaque
Antes de mais, como é que se apresenta a temporalidade do Dasein? O primeiro passo nesta direção é simplesmente constatar que o Dasein, nas palavras de Santo Agostinho , espera o futuro, recorda o passado e está atento ao presente.
Heidegger diz que o Dasein "gewärtigt" (espera), "behaltet" (guarda), "gegenwärtigt" (tem diante de si). O segundo passo é mostrar o "conceito existencial" de cada uma destas relações ek-estáticas do Dasein.
Original
D’abord quelle allure a la temporellité du Dasein? Le premier pas en cette direction constate simplement que le Dasein, dans les termes de saint Augustin , attend le futur, se remémore le passé et est attentif au présent.
Heidegger dit que le Dasein «gewärtigt» (attend), «behaltet» (garde), « gegenwärtigt» (a en face de soi). Le second pas à faire consiste à montrer le « concept exis-tential » de chacun de ces rapports ek-statiques du Dasein.
Ici commence un pur travail de phénoménologie.
— Attendre, dit Heidegger, c’est une certaine façon [160] d’être. Nous sommes vis-à-vis de quelque chose qui n’est pas — qui n’est pas encore. Mais «pas encore» n’est pas assez précis. Le peintre Henri Matisse dit splendidement (Écrits et propos sur l’art, p. 189) : «J’attends le coup de foudre qui ne peut manquer de venir. » Dans cette phrase, il est clair que « attendre » ne peut avoir le sens habituel que nous pouvons circonscrire par l’idée de passivité. Au contraire, chez Matisse, «attendre» a son sens le plus propre, ad-tendere : être toute tension vers ce qui «doit» venir. Là, «attendre», c’est véritablement «travailler».
Heidegger, de son côté, écrit :
« Attendant, nous sommes toujours, en une quelconque guise, en rapport avec notre possibilité la plus propre. »
Que ce soit consciemment ou à notre insu, en attendant quelque chose ou quelqu’un, en nous attendant à quelque chose ou à quelqu’un, toujours nous sommes dans un écart entre ce que nous sommes et ce que nous pourrions être. Aussi faut-il dire que l’attente est tellement mouvementée, qu’en elle et à travers elle, quelque chose vient à nous. Ce qui vient à nous, c’est notre propre possibilité. Venir à nous de notre propre possibilité, tel est le concept exis-tential de l’avenir.
— Garder, dit Heidegger, implique que le Dasein se rapporte toujours d’une certaine façon à ce qui a déjà été. Le sens existential de garder, c’est :
« Dans la mesure où le Dasein, chaque fois se rapporte plus ou moins expressément à quelque possibilité de soi qui vient à soi, il vient toujours aussi en retour sur ce qu’il a été. À l’avenir au sens existential, appartient tout aussi originalement l’avoir été au sens existential. »
[161] — Quant à la présence au sens existential :
« C’est seulement en “ayant en présence” que le Dasein est, en un sens accentué, avenir et avoir-été. Le Dasein, attendant une possibilité, est toujours tel qu’il se rapporte à un étant en l’ayant en présence, et qu’il le tienne dans sa présence comme entrant en présence. »
Ces trois déterminations de l’avenir, de l’avoir-été et de l’avoir-en-présence doivent être comprises comme a priori des trois moments du temps vulgaire. Nous avons déjà dit que l’origine du temps vulgaire avait à être montrée comme la temporellité même du Dasein.
Le temps vulgaire connaît le maintenant, le alors-futur, et le alors-passé. La temporellité tempore l’avenir comme venir-à-soi, l’avoir-été comme retour-à-soi et le présent comme se-tenir-auprès — à savoir : auprès de l’étant. Le rythme fondamental de la temporellité est indiqué par ces trois déterminations ex-centriques. Le temps, écrit Heidegger, est en soi ek-statique, il transporte le Dasein hors de lui-même, ce qui est, pour tout être humain : être.
Voilà ce que signifie : «Le Dasein tempore son être comme temps. » Être, pour l’être humain, c’est être jusqu’à… l’être. Or, les trois modulations primordiales de cet «être jusqu’à… » sont :
a) Attendre ce qui peut venir, ou ce qui doit venir, et comprendre que le rapport à l’avenir, c’est travailler au mieux possible [travailler au sens le plus profond, c’est-à-dire : mûrir].
b) Garder mémoire. Garder mémoire de ce qui fut. Qu’est-ce qui a été? Cela peut-il se savoir? Mémorable est ce qui fut. Apprendre à donner un sens à « mémorable » — et l’on s’éduque peu à peu. Il y a fort à parier que l’on [162] s’éduque à l’exemple de ce qui fut. On est éduqué lorsque l’on sait l’unique mémorable [ce qui est mémorable en son unicité].
Dans la mémoire, être jusqu’à… implique l’ek-stase du Dasein hors du moment présent vers du passé. Pas forcément que j’ai vécu. Mais dont je me sens (sais) dépendant. Garder mémoire, c’est garder vivant.
c) Être auprès, être face à, avoir en face, c’est la troisième ek-stase temporelle. Pourquoi s’appelle-t-elle «temporelle»? Parce qu’en elle aussi se tempore, mûrit quelque chose. Dans la première mûrit le possible, dans la seconde, il revit, devient nécessaire (la nécessité est la troisième modalité de l’être chez Kant ). Dans la troisième ek-stase temporelle ou présence, l’être est éprouvé comme «réel». Ici, bien faire attention : au présent, les choses autour de nous sont, visibles, palpables… Mais notre rapport aux choses est tout aussi ek-statique au présent. Prae-s-ens signifie en latin être auprès. Prae- : tout près, en avant, devant soi. En grec παρουσία où παρά signifie : le long de. L’ek-stase temporelle où nous sommes ouverts à la venue des choses, à leur entrée en présence, c’est : aller jusqu’à l’être des choses. En grec, «choses» se dit το πράγμα. Πράγμα vient du verbe πράττειν. F. Martin dans son vocabulaire, Les Mots grecs (Hachette), signale que l’étymologie de πράττειν c’est : « aller au-delà », le sens d’affaire et de trafic venant se greffer au mouvement. Les choses, c’est tout ce avec quoi nous avons affaire ou à faire. Nous entendons spontanément l’être des choses — Kant disait la substance —, qui est en effet permanent.