Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

Página inicial > Fenomenologia > Zarader (2001:16-18) – onde a filosofia se fecha…

Zarader (2001:16-18) – onde a filosofia se fecha…

quarta-feira 17 de janeiro de 2024

destaque

[…] Num sentido, uma vez que a filosofia se define por sua relação com a exterioridade, a experiência do encontro — com o que surpreende o pensamento — é a sua possibilidade inaugural. Noutro sentido, é claro que a filosofia só aceita esta experiência na condição de ter sido primeiro metamorfoseada, de ter sido despojada do seu fardo de alteridade absoluta para o incluir, de um modo ou de outro, num processo de significação — sendo esta metamorfose precisamente chamada "filosofia". Nesta medida, o acontecimento específico da síncope, da suspensão (que se define apenas pela sua heterogeneidade), parece incapaz de se inscrever no campo filosófico: antes se apresenta como aquilo que o anula.

original

[…] En un sens, la philosophie   se définissant par son rapport à l’extériorité, l’expérience de la rencontre — avec ce qui vient surprendre la pensée — est sa possibilité inaugurale. En un autre sens, il est clair quelle n’accueille cette expérience qu’à condition de l’avoir préalablement métamorphosée, de lui avoir ôté sa charge d’altérité absolue pour la faire figurer, à un titre ou à un autre, dans un procès de sens — cette métamorphose ayant précisément pour nom « philosophie ». Dans cette mesure, l’événement spécifique de la syncope, de la suspension (qui ne se définit que par son hétérogénéité) semble bien ne pouvoir s’inscrire dans le champ philosophique : il se présenterait plutôt comme ce qui l’annule.

De fait, aussi loin qu’on puisse repousser les limites d’une « rationalité élargie », voire d’une pensée qui ne se définirait plus par la seule rationalité, la philosophie restera aux prises avec des mots, un monde, du sens — tout ce qui vole en éclats dans l’expérience singulière qui vient d’être évoquée. La faille, la suspension, l’excès — l’excès de souffrance, notamment — ne me laisse que ce « silence de bête assommée » [1] dont parlait Louis-René des Forêts. On inclinera [17] alors à penser que, bien qu’il ne puisse signer l’échec de l’entreprise philosophique, ce silence montre au moins sa limite ou son dehors, le point aveugle que, par définition, elle ne pourrait rejoindre, je puis être philosophe, certes, et penser, et parler, mais à condition de ne pas prétendre parler de cela même. À condition, donc, dé retisser une trame de sens qui, soit se détourne de cette expérience, soit l’englobe en la récusant comme absolue. D’où le paradoxe, apparemment insurmontable, de ce livre : il voudrait élaborer philosophiquement une question qui ne s’ouvre que là où la philosophie se clôt. Or, on ne saute pas par-dessus son ombre, et le philosophe (qui prétend savoir ce qu’il fait, lorsqu’il pense) encore moins qu’un autre.

S’il faut pourtant affronter ce paradoxe, c’est qu’il est celui-là même de la philosophie actuelle. Le soutenir peut aider à comprendre l’enjeu qui est le sien. Naguère encore, l’ambition de la philosophie était de saisir ce qui est, de s’ajuster le plus étroitement possible à toute présence. Elle voudrait aujourd’hui accueillir ce qui se dérobe, approcher l’abîme, répondre de ce qui est destiné à lui échapper. C’est dire quelle ne se borne pas à repérer ses limites : elle est littéralement hantée par ce quelle ne peut saisir, fascinée par une transgression qu’elle sait ne pas pouvoir accomplir, tout en n’y pouvant renoncer. Transgression qui supportera des noms divers : depuis celui de « rien » chez Heidegger (nom qui fut sans doute, à bien des égards, inaugural), elle se déclina sous les titres de différence chez Derrida  , d’événement chez Deleuze  , de dehors chez Foucault  , voire celui d’altérité chez Lévinas. Qu’on s’en félicite ou qu’on s’en désole, qu’on y voie une errance où une nécessité, il reste qu’il y a bien là un fait d’époque, ce que Jean-Luc Nancy   nomme « la tradition   moderne » [2] — et où il faut peut-être voir, plus prudemment, l’une des traditions constitutives de la modernité.

[18] S’il en est bien ainsi, on comprend que la question ici posée — cette question qui ne peut s’ouvrir que dehors, à la limite de la philosophie — soit en même temps au cœur de la philosophie d’aujourd’hui. C’est que cette dernière n’a d’autre cœur que sa limite ou son dehors, et le philosophe d’autre souci que ce qui lui résiste ou l’annule. Aussi ne suffît-il pas de constater que l’événement dont nous parlons a pu intéresser tel ou tel philosophe : il intéresse la philosophie comme telle. Il l’intéresse, précisément parce qu’il témoigne, avec entêtement, de ce qui la ruine, et c’est avec ce témoignage quelle est aujourd’hui en débat. Le lieu qu’on aurait pu croire vierge — et qui le demeure, en un sens — apparaît ainsi comme le topos   de l’époque. Un lieu commun, donc? Assurément. Commun parce que galvaudé ; mais commun aussi parce que partagé. C’est ce partage qu’il faut questionner. Si des problématiques aussi différentes que celles qui viennent d’être évoquées sont pourtant portées par un même souci, il n’est pas illégitime de prétendre en dégager la matrice, en dessiner la figure ontologique commune, et d’interroger celle-ci quant à sa nécessité et sa validité.

ZARADER  , Marlène. L’être et le neutre. À partir de Maurice Blanchot. Lagrasse: Verdier, 2001.


Ver online : Marlène Zarader


[1L.-R. des Forêts, Ostinato, Paris, Mercure de France, 1997, p. 60.

[2J.-L. Nancy, Le Sens du monde, Paris, éd. Galilée, 1993, p. 24.