Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Marion (1998:§1) – intuição dadora originária

sexta-feira 14 de novembro de 2008

destaque traduzido

"… toda a intuição dadora originária é uma fonte de direito para o conhecimento, que tudo o que se nos oferece originariamente na intuição (na sua efetividade carnal, por assim dizer) deve simplesmente ser recebido por isto que se dá, mas sem ultrapassar os limites nos quais se dá".

Original

Reste alors à examiner la troisième formulation du principe, en fait la première et l’unique, puisque Husserl   l’assume comme telle sous le titre sans ambiguïté de « principe de tous les principes » : le génitif vaut évidemment ici comme un superlatif. Il pose, contre toutes « … théories absurdes », que « … toute intuition donatrice originaire est une source de droit pour la connaissance, que tout ce qui s’offre originairement à nous dans l’intuition (dans son effectivité charnelle, pour ainsi dire) doit être simplement reçu pour ce qu’il se donne, mais sans non plus outrepasser les limites dans lesquelles il se donne »  [1]. Assurément, ce principe libère la phénoménalité de l’exigence métaphysique d’un fondement : aucun autre droit que l’intuition n’est plus désormais requis d’un phénomène pour qu’il apparaisse ; par exemple, le droit d’apparaître ne dépend plus d’une raison suffisante, qui le décernerait à certains phénomènes, « bien fondés », et le refuserait à d’autres. Assurément aussi, ce principe affranchit la phénoménalité du cadre et des limites de l’analytique kantienne, en n’imposant aucun a priori   conceptuel, ni même aucune forme pure à l’intuition. Assurément enfin, la phénoménalité se voit reconnaître la plus haute figure de la présence, sous le titre de l’ « effectivité charnelle (leibhafte Wiklichkeit) », par quoi elle quitte définitivement le statut diminué de semi-ens  [2]. Mais ces avancées ont un prix : l’intuition justement libérée devient elle-même la mesure de la phénoménalité. a) D’abord parce que l’intuition devient en elle-même un a priori : selon le « principe de tous les principes », hors de l’intuition, point de donation. b) Ensuite parce que ce principe assume que parfois manque la « source de droit » à ce qui prétendrait apparaître ; mais d’où vient-il que l’intuition puisse simplement manquer, que le droit fasse défaut de fait ? Sans doute de ce que la définition même de l’intuition implique sa pénurie possible ; pourtant, aucune analyse ne vient éclairer cette possibilité, ni expliquer en quel sens il appartient à l’essence de l’intuition de pouvoir manquer. c) Plus, ce défaut possible une fois admis, il faudrait le repérer, le mesurer et l’étalonner : fait-elle défaut sans transition ou par degré ? Dans ce cas, où se situe la limite entre l’intuition suffisante et l’intuition manquante, bref quels sont les degrés de l’intuition ? A ces questions, le « principe des principes » ne répond pas, comme s’il allait de soi que l’intuition reste univoque et n’admette ni degrés, ni métamorphoses. d) Surtout, l’intuition reste une limite de la phénoménalité pour un autre motif, autrement radical : l’intuition fait proprement voir un objet ; or l’objet implique une transcendance envers la conscience ; donc « l’intuition n’est qu’un nom de cette transcendance ». Ou encore : l’intuition a toujours pour fonction de remplir une visée ou une intentionnalité d’objet ; donc elle s’ordonne à l’objectivité et à sa conscience extatique ; dès lors l’intuition restreint la phénoménalité à une acception bornée – la transcendance, l’extase et l’intentionnalité de l’objet. Que cette acception de la phénoménalité se déploie le plus souvent et légitimement, n’interdit pas – impose même – de demander si elle reste la seule possible, voire la plus déterminante. L’intuition de remplissement appliquée à une intentionnalité d’objet définit-elle en général toute phénoménalité ou seulement un mode restreint de la phénoménalité ? L’intuition d’un objet intentionnel accomplit sans nul doute une manifestation phénoménale, mais pour autant toute manifestation d’un phénomène s’accomplit-elle par l’intuition d’une intention   d’objet transcendant à la conscience ? Bref, la constitution d’un objet intentionnel par une intuition remplissant une extase objectivante épuise-t-elle toute forme d’apparaître ? Bien plutôt, on doit demander si l’intuition doit se restreindre aux bornes de l’intentionnalité et de la transcendance de l’objet, ou si elle peut s’étendre aux possibilités immenses de ce qui se montre ? Husserl ici hésite : d’une part, il semble prétendre libérer l’apparaître (et non seulement l’intuition) de tout principe a priori ; d’autre part, il semble restreindre l’intuition au remplissement de l’intentionnalité d’objet, donc y borner l’apparaître. L’intuition contredit finalement la phénoménalité, parce qu’elle-même reste ici soumise à l’idéal de la représentation objectivante. d) C’est ce que confirme une dernière distorsion : le « principe de tous les principes » intervient avant et sans la mise en œuvre de la réduction  [3] ; or sans réduction, aucune procédure de connaissance ne mérite le titre de phénoménologique ; comment donc pourrait-il lui-même fixer à la phénoménologie sa contre-méthode, s’il ne s’articule pas sur elle ? Et si l’intuition donatrice ne s’exceptait pas de la réduction, faudrait-il admettre qu’elle lui offrirait un présupposé tacite ? Mais alors en quoi la réduction resterait-elle l’opération inaugurale de toute vue phénoménologique ? La troisième formulation du principe pose donc bien l’apparaître comme tel, en l’assignant à l’intuition seule ; mais l’intuition y combat moins pour que contre lui, puisqu’elle semble elle-même échapper à la réduction, donc contredire l’apparaître que seule cette dernière permet  [4].


Ver online : Jean-Luc Marion


[1Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures, I, § 24, Hua. III, p. 52 ; tr. fr., p. 78 sq. En note 1 (ibid.), P. Ricœur remarque avec pertinence que le rapprochement entre « intuition donatrice » et « ce qui se donne » non seulement est « frappant », mais surtout qu’il « …tient en raccourci toutes les difficultés d’une philosophie de la constitution qui doit rester en même temps à un autre point de vue un intuitionnisme » (ad loc.). En fait, les deux formules convergent assez aisément dans l’unique donation. Mais c’est alors que surgit une autre difficulté : la donation se mesure-t-elle uniquement à l’intuition (et à la constitution) ?

[2Suivant la démonstration de D. Franck, Chair et corps. Sur la phénoménologie de Husserl, Paris, 1981, c. I, p. 24.

[3En effet, les Idées directrices…, I, définissent le « principe de tous les principes » dès leur § 24, alors qu’elles n’élaborent la réduction qu’à partir du § 30.

[4Sans aller jusqu’à parler ici de « meurtre » (M. Henry, op. cit., p. 12), on peut certainement parler d’une trahison de la phénoménalité par l’intuition : c’est en la servant et en arborant sa dignité que l’intuition la ravale au rang d’un simple remplissement de la visée intentionnelle d’objet.