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Maldiney (Aîtres:16-18) – a origem do ato está na decisão

quinta-feira 21 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

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Para reconhecer a nova dimensão temporal   que a decisão abre no sistema verbal, é preciso consultar não a expressão, mas a língua no discurso que ela pronuncia. Assim como dizer "eu quero que ele vá embora" não é querer, dizer "eu decido ir embora" não decide da partida. Não é mais do que uma declaração de intenção, próxima de uma declaração performativa, que fecha a deliberação sem abrir o ato. O eu que realmente decide atravessa uma fratura temporal que ele próprio fez. Esta fratura é o agora. Momento estritamente humano, o agora separa o passado e o futuro, que mantém tal como são, imobilizados nos seus parêntesis. Permanecendo no negativo do presente-limite, simples lugar de passagem entre futuro e passado, rompe a continuidade do fluxo do tempo, e deste limite faz uma fissura. O conteúdo é irrelevante: quer o eu delibere, esteja aborrecido ou angustiado, todo ciclo de motivos ou de provações é indefinidamente reversível. Na deliberação, a idealidade dos motivos, no tédio, o vazio indeterminado, na angústia, a vertigem, todos concordam nisto: que não há nada. O seu agora é, de fato, o de um estabelecer. Mas neste estabelecer não há onde ser.

original

Au niveau des modes cependant ni la chronogenèse n’est achevée, ni la chronothèse n’est accomplie. Il faut pour cela qu’émerge dans le verbe l’origine même de l’acte qui se fait jour à travers toutes les étapes de la temporalisation. Or là même où il ne s’agit que du vivant et pas encore de l’existant « l’origine de l’acte — écrit von Weizsäcker — est dans la décision c’est-à-dire dans la lutte entre nécessité et liberté, entre devoir et pouvoir » [1]. Le moi ne décide qu’en décidant de soi au niveau de son vecteur spécifique (Sch.). Il ajourne à son propre jour les décharges prématurées du désir ou du vouloir immédiat qui ne compte pas avec les lointains du futur et du passé.

Pour reconnaître la nouvelle dimension temporelle qu’ouvre, dans le système du verbe, la décision, il faut, dans la parole qu’elle parle, consulter non l’expression mais la langue. Pas plus en effet que de dire « je veux qu’il s’en aille » n’est vouloir, dire « je décide de partir » ne décide du départ. Ce n’est qu’une déclaration d’intention  , proche d’un énoncé performatif, et qui clôt la délibération sans ouvrir l’acte. Le moi qui décide vraiment franchit une coupure temporelle qu’il a lui-même effectuée. Cette coupure est le maintenant. Moment strictement humain, le maintenant sépare le passé et le futur qu’il maintient en l’état, immobilisés dans leurs parenthèses. A demeurer dans le négatif du présent-limite, simple lieu de passage entre avenir et passé, il rompt la continuité du flux temporel et de cette limite fait une faille. Peu en importe le contenu : que le moi y délibère, s’y ennuie ou s’y angoisse, tout cycle de raisons ou d’épreuves y est indéfiniment réversible. Dans la délibération l’idéalité des motifs, dans l’ennui le vide indéterminé, dans l’angoisse le vertige conviennent tous en ceci : qu’il n’y a rien. [16] Leur maintenant est bien celui d’une mise en demeure. Mais dans cette demeure il n’y a pas où être.

Or c’est de ce rien, sans nul appui sur le réel passé ni sur le futur possible, qu’ouvrant le transpossible la décision supprime la faille. Non en la colmatant bord à bord mais par un saut qui la surplombe et qui sitôt déclenché est irréversible. Au présent-limite que fondait le temps, elle substitue un présent-origine fondateur du temps. Elle-même irréversible, elle ouvre un double horizon   d’antériorité et de postériorité où le passé et l’avenir ont leur arché dans cette présence originaire (ur-sprüngliche). La décision est chronothétique. Quel est dans le langage le lieu et l’organe de la décision ? — La phrase.

« Le dernier et suprême prédicat de la phrase consiste dans un acte « décision ». Nous appelons ainsi l’acte par lequel les prédicats contenus dans les mots de la phrase sont attribués au sujet primitif de la phrase. » [2]

Le sujet primitif de toute phrase est l’étant dans son ensemble, c’est-à-dire la totalité de ce qui est, mais focalisée dans une situation   déterminée. Or « la phrase est quelque chose qui forme une totalité, une unité indépendante par rapport à cette fonction de décision » [3].

De même que l’acte de décision surgit d’une faille du temps un énoncé assertif fini « est produit entre deux pauses » [4]. L’intervalle que celui qui prend la parole anticipe d’abord comme vide (cf. la feuille ou la toile blanche où tout est également possible et impossible) est le lieu où il projette le silence ou le vertige de sa présence encore indécidée. Mais il devient avec la phrase le lieu de sa compromission irréversible qui décide du monde à quoi il est présent. « Une assertion finie, du fait qu’elle est assertion, implique référence de l’énoncé à un ordre différent qui est l’ordre de la réalité. A la relation grammaticale qui unit les membres de l’énoncé s’ajoute implicitement un cela est. » [[Ibidem.] Ce moment implicite est en fait le plus primitif. Dans toute assertion la décision est celle que dit Parménide   : «c’est » ou « ce n’est pas ». A quoi il faut ajouter, en rapport avec le présent de l’affirmant : « c’était » ou « ce n’était pas », « ce sera » ou « ce ne sera pas » — qu’il s’agisse de choses, d’états de choses ou d’actes, dépendants ou indépendants de celui qui parle. Toutes ces formes sont à l’indicatif. L’indicatif est le mode doxique de l’assertion dont tous les temps se réfèrent à cette protodoxa, à cette croyance première que comporte la présence du locuteur non seulement à la phrase mais à l’être de l’étant. [17] C’est au présent de la présence qu’est référé le temps du procès. Ce présent est séparateur d’époques et le procès peut être à venir, passé ou présent selon le rapport, exprimé par le verbe, à la présence parlante.

C’est de la tension du présent que procèdent les intentions futurisantes et mémorisantes. Mais comme le présent (telle la décision) a un sens irréversible, ces intentions elles-mêmes ne sont pas symétriques : l’une étant en retrait, l’autre en anticipation. La temporalité exprimée par les temps de l’indicatif n’est plus simplement tensio et in-tentio mais pro-tentio et retentio. Le présent qui fonde l’unité du temps le divise en époques. En chacune d’elles le temps s’articule avec lui-même selon ses trois dimensions et constitue à chaque fois un nœud dimensionnel différent : Futur, Présent, Passé. C’est avec une telle chronothèse connotée par la notion grammaticale de tempus   que s’achève la chronogenèse du temps — qui alors seulement est Zeit  .


Ver online : Henri Maldiney


MALDINEY, Henri. Aîtres de la langue et demeures de la pensée. Paris: Amers, 1975


[1V. von Weizsäcker, ibid., p. 186.

[2W. Bröcker et J. Lohmann, Comment définir la phrase ? in : Lexis 1, 1948, p. 35.

[3Ibid., p. 35.

[4Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, 1966, p. 154.