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Fink (1966b:237-239) – Mas será que há alguém que joga?

segunda-feira 11 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

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Mas será que há alguém que joga? A metáfora do jogo recusa-se a servir-nos como metáfora cósmica, a menos que abandonemos a nossa crença na personalidade de um jogador e no caráter de aparência da cena do mundo lúdico. Só podemos falar de um jogo do mundo numa "equação" que foi decisivamente alterada e que, por isso, está quebrada. O jogo do mundo não é o jogo de ninguém, porque é só nele que há pessoas, homens e deuses; e o mundo lúdico do jogo do mundo não é uma "aparência", mas uma aparição. A aparição é o nascimento universal de todos os entes, de todas as coisas e de todos os acontecimentos numa presença comum, reunificando todas as coisas individuais, numa presença, junto a nós. Aquilo a que estamos habituados a chamar mundo é a dimensão mundana da presença, a dimensão da aparência onde as coisas estão, em realidade, separadas umas das outras, mas onde estão, no entanto, reunidas numa vizinhança espacial e temporal  , e ligadas umas às outras por regras fixas. Mas o mundo é também o domínio anônimo da ausência, a partir de onde as coisas aparecem e onde em seguida desaparecem.

Hildenbrand & Lindeberg

L’élucidation philosophique du problème anthropologique du jeu enveloppe de façon essentielle un examen du rapport humain au monde. A plusieurs reprises, nous avons été renvoyés à l’idée inhérente aux vieux mythes, mais aussi aux premières spéculations de la philosophie  , à l’idée que le monde lui-même est un jeu. Qu’est-ce que cela peut signifier? Notre recherche sur le jeu est-elle arrivée au point où elle pourrait nous permettre de penser le jeu du monde d’une façon assez explicite? Tout jeu humain a besoin d’un joueur qui se glisse dans le rôle du monde imaginaire du jeu, qui se déguise, se voile et se masque du rôle qu’il joue. Pouvons-nous penser le gouvernement de la toute-puissance par la métaphore d’un jeu joué par un joueur? Le jeu du monde ne peut pas être le jeu d’une puissance personnelle. Aussi longtemps que nous pensons quelque chose en pensant le concept de personne et que nous ne laissons pas celui-ci s’estomper dans le brouillard d’une impression indéterminée de pensée, nous sommes forcés de penser aussi un étant qui se rapporte à lui-même, un étant qui se distingue par ce rapport avec lui-même des autres étants. Aussi grande, aussi puissante, aussi forte et aussi savante que l’on s’imagine la personne, on ne peut pas, au sens strict, se l’imaginer toute-puissante, puissante à la manière du tout, parce que le rapport à soi-même la distingue de toutes les autres choses. La toute-puissance ne peut pas être une personne et aucune personne ne peut être toute-puissante. Le monde n’est pas un dieu et aucun dieu ne peut être le tout du monde. Les dieux peuvent peut-être jouer — pareillement aux hommes, mais à un niveau supérieur. Le tout ne peut jamais jouer comme des personnes humaines ou divines. Le tout du monde joue-t-il autrement que les êtres intramondains mais proches du monde, c’est-à-dire autrement que les dieux et les hommes? Le tout du monde joue : mais il ne joue pas en tant que personne, ni de telle manière qu’il produise en jouant une « apparence », une « irréalité », une scène imaginaire. Si nous voulons parler d’un jeu du monde, il nous faut complètement transformer certaines structures du jeu humain, et notamment de ces traits par lesquels il se donne comme dérivé du gouvernement du monde. Le monde gouverne en donnant naissance à toutes les choses particulières, en les faisant apparaître brillantes dans la clarté du ciel et en les rejetant dans la terre porteuse, en accordant à toutes les choses individuelles aspect et contour, lieu et durée, croissance et disparition. Le monde gouverne comme puissance de l’individuation universelle. Il marque les choses du sceau de [238] l’espèce et du genre, et en même temps de celui de la forme individuelle; il engendre tout ce qui existe individuellement et en même temps il est la tombe de toutes les choses, il est le temps-espace de la naissance et de la disparition. Le mythe et, d’une façon sublimée, la philosophie, interprètent le gouvernement du monde en utilisant des modes de compréhension qui ont leur lieu dans des phénomènes humains fondamentaux. La naissance des choses hors du et dans le monde et leur disparition dans le fond amorphe se produisent-elles de manière analogue à la façon dont le technite fabrique ses ouvrages, c’est-à-dire analogue au travail humain? Ou bien de manière analogue à la façon dont les enfants naissent de l’étreinte amoureuse de l’homme et de la femme? Le monde est-il les noces mythiques de Gnia et d’Ouranos, est-il le principe d’engendrement et d’enfantement? Le monde est-il la guerre de deux puissances mondaines, un rapport de domination du principe de raison sur ce qui est privé de raison? Ou est-il comparable avec le jeu? Un gouvernement sans raison qui implique tous les fondements? une création inutile qui implique toutes les fins?

Mais est-ce qu’il y a là quelqu’un qui joue? La métaphore du jeu refuse de nous servir de métaphore cosmique, si nous n’abandonnons pas la croyance à la personnalité d’un joueur et au caractère d’apparence de la scène du monde ludique. Nous ne pouvons parler d’un jeu du monde que dans une « équation » qui est altérée d’une façon décisive et qui est, pour cette raison, brisée. Le jeu du monde n’est le jeu de personne, parce que c’est seulement en lui qu’il y a des personnes, des hommes et des dieux; et le monde ludique du jeu du monde n’est pas une « apparence », mais apparition. L’apparition, c’est la naissance universelle de tous les étants, de toutes les choses et de tous les événements dans une présence commune, réunifiant toutes les choses individuelles, dans une présence, auprès de nous. Ce que nous avons l’habitude d’appeler monde, c’est la dimension mondaine de la présence, la dimension de l’apparition où les choses sont en réalité séparées les unes des autres, mais où elles sont tout de même réunies dans un voisinage spatial et temporel, et liées les unes aux autres par des règles fixes. Mais le monde est aussi le domaine anonyme de l’absence, à partir d’où les choses apparaissent et où ensuite elles disparaissent. A supposer que Hadès et Dionysos soient une et même chose. Si le jeu du monde peut avoir un sens pensable, il faut le concevoir comme rapport entre la nuit du monde et le jour du monde. Dans [239] le problème de l’individuation, on cherche de ce qu’il y a derrière l’apparition de l’étant, et la pensée plonge dans la profondeur absente que nous cache le plus souvent le jeu à la surface de la terre. Tout étant est jouet cosmique, mais tous les joueurs sont eux aussi simplement joués. L’apparition est le masque derrière lequel il n’y a « personne », derrière lequel il n’y a rien d’autre que justement le rien. Faire du jeu mondain le thème d’une pensée spéculative est une tâche qui reste à entreprendre, et à laquelle on ne pourrait sans doute s’attaquer qu’une fois qu’on aura liquidé la tradition   métaphysique hostile au jeu et qui le dissimule. Est-ce que par là l’homme ne se changera-t-il pas en ce sens qu’il ne cherchera plus sa mesure au-dessus des étoiles, et qu’il pourra se voir, n’étant plus aveuglé par l’éclat des dieux? Il serait pourtant scabreux de dire qu’il faut que désormais l’homme soit en « correspondance » avec le jeu et le gouvernement du monde au lieu de l’être avec les dieux intramondains, et qu’il prenne a l’avenir ce monde comme mesure. Nous terminons le cheminement de nos pensées par un problème qui, jusqu’à présent, n’a pas encore été dominé. L’homme — en tant que joueur — existe le plus ouvert au monde lorsqu’il rejette tous les critères et qu’il se tient dans l’illimité. En guise de conclusion, après ce long et pénible exercice conceptuel, donnons la parole au penseur dithyrambique Zarathoustra : « Si jamais j’ai déployé des cieux tranquilles au-dessus de moi, et si j’ai volé de mes propres ailes dans mon propre ciel. Si j’ai nagé en me jouant dans de profonds et lumineux lointains et que ma liberté se fît sagesse d’oiseau : — car ainsi parle la sagesse de l’oiseau : « Voici, il n’y a pas d’en haut, il n’y a pas d’en bas! Jette-toi de côté et d’autre, en avant, en arrière, toi qui est léger? Chante! ne parle plus ! (Les sept sceaux).


Ver online : Eugen Fink


[FINK, Eugen. Le jeu comme symbole du monde. Tr. Hans Hildenbrand & Alex Lindenberg. Paris: Minuit, 1966, p. 237-239]