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Beiträge zur Philosophie [GA65]

Fédier (GA65:Note) – nichten (s’accomplir en nullition)

Note de traduction

terça-feira 23 de maio de 2023, por Cardoso de Castro

Que cherche à dire ce terme de « nullition» ? Le fait de rendre à sa nullité – non pas annuler, mais nuller (comme cela pouvait encore être dit dans notre ancienne langue).

Regardons maintenant de plus près ce qu’écrit Heidegger :

Was nicktet, lichtet   sich als das Nichthafte  . Dieses kann im « Nein » angesprochen werden  . Das « Nicht » entspringt keinesfalls aus dem Nein-sagen   der Negation  . Jedes « Nein », [597] das sich nicht als eigenwilliges Pochen auf   die Setzungskraft der Subjektivität   mißdeutet, sondern ein sein  -lassendes der Ek-sistenz   bleibt, antwortet auf den Anspruch   des gelichteten Nichtens. Alles Nein ist nur die Bejahung des Nicht. [GA9  ]

Passons à la traduction :

« Ce qui s’accomplit en nullition, cela s’allégit à titre de ce qui a rapport au “ne… pas”. Cela peut être approché dans le fait de dire “non”. (…) »

Das Nichthafte – c’est tout ce qui touche au «ne… pas», tout ce qui a rapport avec un «nicht», lequel est en allemand l’adverbe que l’on appelle de « négation ». Or cette caractéristique, Heidegger la conteste aussitôt, dans la phrase qui suit la citation qui vient d’être interrompue. Cette phrase dit en propres termes :

«[…] Ne… pas ne tire aucunement son origine du fait de dire “non” en une négation. Chaque “non”, pourvu qu’il ne se comprenne pas à tort à partir de cette manie de vouloir tout miser sur la capacité autothétique de la subjectivité, chaque “non”, demeurant au contraire le “non” d’une ek-sistence qui laisse estre, est la réponse à la parole qui s’adresse en partant de la nullition allégie. Dire non, ce n’est en réalité que dire oui au “ne… pas”. »

« Nullition allégie » est mis pour gelichtetes Nichten – où l’on voit le verbe nichten sous sa forme substantivée : das Nichten (ce verbe que l’on a rendu plus haut par la tournure s’accomplir en nullition). Que cherche à dire ce terme de « nullition» ? Le fait de rendre à sa nullité – non pas annuler, mais nuller (comme cela pouvait encore être dit dans notre ancienne langue) ; si l’on préfère, le fait de ramener à la nihilité (Montaigne évoque, à la fin du L. II, chap. VI des Essais, « la nihilité de l’humaine condition »), ramener, donc, ou même : reconduire à la nihilité – et non pas annihiler. Un certain nombre de mots ne sont plus en usage ; ils manquent cruellement pour dire les choses dont parle ici Heidegger. Par exemple la locution : une néantise (« quelque chose de rien », qui se trouve chez nos meilleurs auteurs).

Contentons-nous donc de «nullition» et du verbe «nuller » – dans leur acception stricte : ramener à sa nullité ce qui passe pour ce qu’il n’est pas. Or ce qui, plus que tout autre, passe pour estre, c’est précisément l’étant. Mais attention: quand on croit voir l’estre dans le seul étant, c’est essentiellement l’aspect le plus propre de l’estre qui s’estompe : à savoir que l’estre soit nullition, en allemand : Nichtung. En d’autres termes : dire que l’estre este revient à dire que l’estre nulle.

Or, écrit Heidegger, la nullition s’allégit dès lors qu’elle parle de « ne… pas ». Nous rappelant ce qui a été dit plus haut à propos d’allégir, nous pouvons à présent présumer que la nullition perd de sa pesanteur (voire : perd toute pesanteur) lorsqu’elle apparaît comme «ne… pas». Est-ce bien assez de dire ainsi ? Si par « pesanteur » on accepte d’entendre plutôt lourdeur que pesanteur – et par lourdeur cette impulsion dont nous autres, hommes, ressentons incontinent l’effet avec ce que Heidegger a nommé très tôt le dévalement, alors nous ne sommes pas trop loin de ce qu’il s’agit de voir ici. Pas trop loin, mais encore loin. Car il n’y a en réalité aucune pesanteur, ni aucune lourdeur en l’estre. Ce qui ne l’empêche pas d’estre – c’est-à-dire de nuller – en une façon qu’il nous est impossible de porter, c’est-à-dire qui serait insupportable si l’estre ne s’allégissait pas (ne serait-ce que sous la forme où se dit « ne… pas »).

Cela conduit à devoir penser la très étrange unité, où Nichtung et Lichtung ne forment plus qu’un – mais d’une manière elle-même à ce point singulière qu’elle implique rien de moins que ceci : cette unité est topologiquement orientée – , au sens où la nullition peut (et même demande à) s’allégir, alors que l’allégie est foncièrement hors d’état de pouvoir jamais quant à elle nuller en quelque façon que ce soit.

On est ainsi amené à entrevoir au cœur même de l’estre une très dépaysante dualité unitaire (qu’il semble même impossible de nommer adéquatement en ces termes) : celle où nullition et allégie – allant apparemment en sens inverse l’une de l’autre – restent en fait et en réalité le Même.


Ver online : François Fédier