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Dastur (1998:125-127) – "mundo" logo após Ser e Tempo (2)

segunda-feira 11 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

detalhe

Mas a superação da concepção transcendental   do mundo não significa a supressão da capacidade projetiva do Dasein  , mas antes a sua subordinação ao acontecimento primordial da abertura do mundo em que o Dasein se encontra. Para Heidegger, o problema não é tanto inverter o modo de pensar transcendental, atribuindo ao mundo o papel ativo que até então cabia ao Dasein, mas pensar na sua intimidade a identidade do mundo e do Dasein, de modo a que não haja duas instâncias separadas ligadas entre si por uma relação causal, mas um único "acontecimento". O mundo já não é o resultado da projeção do Dasein, mas abre-se primordialmente como a clareira em relação à qual este Dasein ek-siste. Na Carta sobre o Humanismo, Heidegger começa, de fato, a escrever o termo existência de uma nova forma, para indicar que a ek-sistência já não é entendida como a projeção transcendental do mundo, mas como a resistência (Ausstehen) da abertura do ser, de modo que já não pode ser considerada como a contrapartida da imanência de um sujeito, mas, pelo contrário, como o fato de o Dasein se manter aberto para a abertura do ser [1]. Isto implica uma radicalização da facticidade do ser-lançado, que passa a ser entendido como proveniente do próprio ser. De fato, Heidegger afirma explicitamente na Carta sobre o humanismo que "o que lança no projetar não é o homem, mas o próprio ser, que destina o homem à ek-sistência do ser-o-aí como sua essência" [2]. A passividade da existência é agora entendida como o destino e a história do próprio ser, de modo que a abertura do mundo já não ocorre através do Dasein, mas para ele.

original

[…] dans Sein und Zeit  , la structure du monde est indirectement analysée à partir de celle de l’Umwelt  , ce qui implique que la mondanéité demeure rattachée à la totalité des outils (Zeugganzheit), tandis que dans De l’essence du fondement, elle est mise en connexion avec la totalité des étants (das Seiende   im Ganzen), laquelle englobe aussi le règne de la nature. Mais le monde y est encore défini, comme dans Sein   und Zeit  , comme « la totalité du dessein d’un Dasein » (die Ganzheit   des Umwillens eines Daseins), ce qui implique qu’il est encore rattaché au projet du Dasein, à ce que Heidegger nomme alors « Überwurf der entworfenen Welt über das Seiende », le fait de jeter au-delà de l’étant le monde projeté [3]. Une telle projection transcendantale du monde qui est donc la condition d’apparition des étants, constitue par elle-même ce que Heidegger nomme alors Weltbildung. Cette configuration ou institution du monde n’est cependant pas une pure production, mais, parce que le monde est toujours déjà passivement ouvert avec le Dasein, un laisser-advenir le monde, un Geschehenlassen der Welt [4]. Ce discours de Heidegger dans De l’essence du fondement demande à être explicité.

Dans Sein und Zeit, déjà, Heidegger a montré que nous avons un accès premier au monde à travers nos dispositions et non pas à travers un acte perceptif ou intuitif, de sorte que notre être-dans-le-monde n’est pas notre propre accomplissement, mais est toujours déjà passivement ouvert dans l’existential de la Befindlichkeit   : « La tonalité affective (Stimmung  ) a chaque fois déjà découvert dans sa [125] totalité l’être dans le monde, et c’est elle seule qui rend d’abord possible un se diriger vers… […] La disposition [Befindlichkeit] comporte existentialement une dépendance [Angewiesenheit  ] ouvrante par rapport au monde, à partir de laquelle peut se rencontrer ce qui concerne. » [5] La projection du monde est liée à l’ouverture défait du Dasein qui est toujours impliquée dans la projection du monde par le Dasein. Nous n’avons pas en fait la commande volontaire de la projection par laquelle nous nous donnons à nous-mêmes un horizon   afin de rendre possible notre action et les relations que nous entretenons avec les étants. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas considérer la projection du monde comme l’acte d’un sujet transcendantal, mais nous devons plutôt l’identifier à l’avènement même de l’existence humaine. Parce que Heidegger insiste sur le fait que tout projet est toujours jeté, en d’autres termes sur le fait que l’existentialité et la facticité sont intimement connectées l’une à l’autre, nous ne pouvons pas considérer sa position comme identique à celle qui s’est traditionnellement nommée transcendantale.

On pourrait cependant objecter que la conception heideggérienne du transcendantal ne constitue dans sa nouveauté rien d’autre que la culmination de la transcendantalité kantienne ou husserlienne. C’est là précisément la position de Fink  , qui déclare que, dans son concept transcendantal de monde, Heidegger pousse jusqu’au bout le concept kantien de monde et porte la conception subjectiviste du monde à sa culmination [6], jusqu’au point où elle peut se renverser en une conception véritablement cosmologique dans laquelle, précise-t-il, le monde ne dépend pas du Dasein, mais où au contraire le Dasein dépend peut-être du monde [7]. Une telle inversion de priorité — laquelle, il faut le souligner, ne peut avoir qu’un sens ontologique et non pas ontique — ne peut avoir lieu que si la transcendalité ou la liberté sont déjà en elles-mêmes pensées non comme une propriété du Dasein mais comme la dimension qui le rend possible. On pourrait à cet égard montrer en détail que c’est ce que la lecture heideggérienne de Kant   tentait de faire apparaître en 1929 dans Kant et le problème de la métaphysique et en 1930 dans son cours sur l’Essence de la liberté humaine [8]. Autrement dit, le surmontement du transcendantalisme sans retombée dans l’empirisme n’est lui-même possible que si la transcendantalité est comprise en termes [126] de passivité, c’est-à-dire en termes d’existence et de facticité, et non en termes d’activité et de subjectivité.

Mais le dépassement de la conception transcendantale du monde ne veut pas dire pour autant la suppression de la capacité projective du Dasein, mais plutôt sa subordination à l’événement primordial de l’ouverture du monde dans lequel se tient le Dasein. Le problème n’est pas tant en effet pour Heidegger d’inverser la manière transcendantale de penser en donnant au monde le rôle actif jusqu’ici dévolu au Dasein que de penser dans son intimité l’identité du monde et du Dasein, de sorte qu’il n’y ait pas deux instances séparées reliées l’une à l’autre par une relation de causalité, mais un seul « événement ». Le monde n’est plus le résultat de la projection du Dasein, mais s’ouvre primordialement comme la clairière en relation avec laquelle ce Dasein ek-siste. Dans la Lettre sur l’humanisme, Heidegger commence en effet à écrire le terme existence d’une nouvelle manière afin d’indiquer que l’ek-sistence n’est plus désormais comprise comme projection transcendantale du monde, mais comme endurance (Ausstehen) de l’ouverture de l’être, de sorte qu’elle ne puisse plus être considérée comme la contrepartie de l’immanence d’un sujet, mais au contraire comme le fait pour le Dasein de se tenir ouvert pour l’ouverture de l’être [9]. Cela implique une radicalisation de la facticité de l’être-jeté qui est maintenant compris comme provenant de l’être lui-même. Heidegger dit en effet explicitement dans la Lettre sur l’humanisme que « ce qui jette dans le projeter n’est pas l’homme, mais l’être lui-même qui destine l’homme à l’ek-sistence de l’être-le-là comme à son essence » [10]. La passivité de l’existence est maintenant comprise comme destin et histoire de l’être lui-même de sorte que l’ouverture du monde advient non plus par le Dasein, mais bien pour celui-ci.


Ver online : Françoise Dastur


DASTUR, Françoise. "Le concept de monde chez Heidegger après Être et temps", in Natalie Depraz (ed.). Monde(s). Fontenay-aux-Roses: Éd. Alter, 1998.


[1Cf. Introdução de 1949 a "O que é a metafísica" em Questões I, op. cit., p. 34, p. 34.

[2LH, p. 95.

[3Vom Wesen des Grundes, op. cit, 1955, p. 39 ; trad. op. cit, p. 135.

[4Ibid. On peut certes ici entendre le « lassen » — comme l’ambiguïté de ce terme le permet en allemand — comme un faire, et ce d’autant plus que Heidegger précise que le Dasein se donne avec le monde la préfiguration (Vor-bild) de tout étant manifeste. Que la configuration du monde soit alors comprise par Heidegger de manière transcendantale n’est cependant pas incompatible, comme nous le verrons, avec la reconnaissance d’une essentielle « passivité » du Dasein.

[5SZ, § 29, p. 137.

[6Fink, op. cit., p. 154.

[7Ibid., p. 183.

[8Cf. M. Heidegger, De l’essence de la liberté humaine, (t. 31 de l’édition complète), Paris, Gallimard, 1987.

[9Cf. Introduction de 1949 à « Qu’est-ce que la métaphysique ? » in Questions I, op. cit., p. 34.

[10LH, p. 95.