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Romano (1999:21-23) – existência

sábado 2 de março de 2024, por Cardoso de Castro

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Mas o que significa propriamente "existir" para o Dasein, se a existência já não é o que permite responder à pergunta: an sit? por oposição à pergunta sobre a essência: quid sit? se já não é o quodditas por oposição ao quidditas? O existir é uma maneira de ser de um ente, o Dasein, cuja própria natureza é ser transitivamente o seu ser em o existindo em primeira pessoa. Compreender o ser, para um tal ente, é relacionar-se ao ser como seu, em outras palavras, ser si mesmo em jogo em seu ser. A afirmação de meu (Jemeinigkeit) do ser apenas desenvolve, portanto, a fórmula aparentemente obscura segundo a qual, para este ente, joga em seu ser o ser mesmo. É em compreendendo o ser (em existindo) que este ente compreende também quem ele é. Pois o Dasein "nunca pode ser visado como tal através da pergunta: o que é…? Só encontramos acesso a este ser perguntando: quem é? Não é a quididade, mas, se é permitido usar tal termo, a Werheit, a quissidade, que pertence à constituição do Dasein" [GA24  ]. A pergunta que se dirige ao Dasein e que o obriga a responder sobre o seu ser é a pergunta: "Quem és tu? pois o ser do Dasein é fundamentalmente a Jemeinigkeit. Isto não deve ser entendido num sentido ingenuamente "subjetivista", como se a afirmação de que "o ser é a cada vez meu (je meines)" tornasse o próprio ser algo "subjetivo". Pelo contrário, é a "subjetividade" ela mesma — o ser-si-mesmo, Selbstheit — que é uma característica ontológica do Dasein. Como Heidegger salienta em Einführung in die Metaphysik, "o Dasein é ’cada vez meu’ (je meines): isto não significa nem ’postado’ por mim, nem ’isolado num eu singular’. É através da sua relação essencial com o ser em geral que o Dasein é ele mesmo. Este é o significado da frase frequentemente citada de Sein und Zeit  : ’Ao Dasein pertence a compreensão do ser’" [GA40  ].

original

Mais que veut dire proprement « exister » pour le Dasein, si l’existence n’est plus ici ce qui permet de répondre à la question : an sit?, par opposition à la question visant l’essence : quid sit?, si elle n’est plus la quodditas par opposition à la quidditas ? L’exister est une manière d’être d’un étant, le Dasein, dont le propre est justement d’être transitivement son être en l’existant lui-même en première personne. Comprendre l’être, pour un tel étant, c’est se rapporter à l’être comme sien, autrement dit, être soi-même en jeu dans son être. L’affirmation de la mienneté (Jemeinigkeit) de l’être ne fait donc que développer la formule, obscure en apparence, selon laquelle, pour cet étant, il y va en son être de l’être même. C’est en comprenant l’être (en existant) que cet étant comprend aussi qui il est. Car le Dasein « ne peut jamais être visé comme tel à travers la question: qu’est-ce que… ? Nous ne trouvons accès à cet étant qu’en demandant : qui est-il ? Ce n’est pas la quiddité, mais, s’il est permis de forger un terme pareil, la Werheit, la quissité, qui appartient à la constitution du Dasein » [1]. La question qui s’adresse au Dasein et requiert de lui qu’il réponde de son être est la question : « qui es-tu ? » : car à l’être [22] du Dasein appartient fondamentalement la Jemeinigkeit. Celle-ci ne doit pas être comprise en un sens naïvement « subjectiviste », comme si l’affirmation selon laquelle « l’être est à chaque fois mien (je meines) » faisait de l’être lui-même quelque chose de « subjectif ». C’est, bien plutôt, la « subjectivité » elle-même — l’être-soi-même, la Selbstheit — qui est un trait ontologique du Dasein. Comme le précise Heidegger dans Einführung in die Metaphysik, « le Dasein est “à chaque fois mien” (je meines) : cela ne signifie ni “posé” par moi, ni “isolé en un moi singulier”. C’est par son rapport essentiel à l’être en général que le Dasein est lui —même. Tel est le sens de la phrase de Sein und Zeit   souvent citée : “Au Dasein appartient la compréhension de l’être” » [2].

C’est pourquoi, de même que l’existence avait d’abord un sens verbal, signifiait l’événement de la transcendance par laquelle le Dasein se rapporte compréhensivement à l’être pour le dévoiler et, à travers ce dévoilement, découvre l’étant en général, y compris l’étant qu’il est lui-même, de même, la compréhension désigne un événement, celui par lequel l’être même devient manifeste et se dévoile pour le Dasein. La compréhension ne désigne aucun comportement théorique d’un sujet envers un objet, aucune connaissance au sens classique : elle est un mode de l’exister, une manière d’être, l’événement fondamental de la transcendance du Dasein selon laquelle l’être se dévoile et, dans ce dévoilement, l’étant parvient à découvert. Comprendre, c’est accomplir le dévoilement de l’être en (l’)existant.

Ainsi apparaît le bouleversement profond que Heidegger introduit dans l’ontologie : existence, compréhension, vérité y apparaissent comme des événements qui surviennent à l’être-Là et, par là même, à l’être comme tel. La compréhension est œuvre de vérité-, la vérité est dévoilement·, ces existentiaux désignent, en quelque sorte, l’événement même de l’être qui est indissociable de l’événement d’être, et dont le Dasein, par conséquent, est le « site ». Car il n’y aurait précisément rien de tel que l’« être » si le Dasein ne le comprenait, et si avec lui n’advenait la vérité. « L’essence de l’homme », écrit encore Levinas   dans un commentaire profondément médité, [23] « est dans cette œuvre de vérité ; l’homme n’est donc pas un substantif, mais initialement verbe : il est dans l’économie de l’être, le “se révéler” de l’être» [3]. Dès lors, c’est seulement dans la mesure où la vérité est un existential, c’est-à-dire l’événement du Dasein lui-même existant, dans la mesure où le Dasein est (transidvement) la vérité en existant, qu’une onto-logie, au sens classique, est possible, ontologie qui se règle sur les catégories du λόγος prédicatif dans sa fonction véritative, ou encore « apophantique ». C’est pourquoi les catégories de l’énoncé à partir desquelles l’ontologie traditionnelle s’élabore (et en particulier la distinction du sujet et du prédicat) se fondent ultimement dans les existentiaux du Dasein, et, plus particulièrement, dans la compréhension. C’est seulement parce que le Dasein existe sur le mode de l’être-au-monde que l’étant se dévoile à lui de par son existence, de telle sorte que l’étant dévoilé puisse faire l’objet d’un énoncé. Ainsi devient possible une dérivation de l’ontologie taditionnelle prenant comme fil conducteur le λόγος et sa structure prédicative à partir de l’ontologie du Dasein, seule fondamentale. C’est la vérité au sens ontique, comme accord (όμοίωσις) ou adéquation de l’énoncé et de la chose, qui se fonde ultimement sur l’apérité (Erschlossenheit) de l’être, c’est-à-dire sur la vérité au sens ontologique. Cette dernière se confond avec l’ouverture même que l’être-au-monde est en existant.

Ainsi, c’est parce que, dès Sein und Zeit  , l’être est d’emblée interrogé dans son sens verbal et transitif — événementiel — au fil conducteur du Dasein, que deviennent possibles la dérivation et le démantèlement de l’ontologie, régie, depuis Aristote  , en tant qu’ousiologie, par le primat de la structure prédicative. Pour le dire brièvement : à partir de Sein und Zeit  , Heidegger ne pense plus l’être « logiquement » dans son sens de copule (avec les différentes significations qui lui sont attachées — existentielle : « l’arbre est » ; essentielle : « l’arbre est un végétal » ; accidentelle : « l’arbre est vert » ; véritative : « l’arbre est vert », etc.) mais, plus originellement, comme Evénement. C’est seulement à cette condition que le temps peut y être déterminé comme l’horizon de la compréhension de l’être.


Ver online : Claude Romano


ROMANO, Claude. L’événement et le monde. Paris: PUF, 1999


[1Heidegger, Die Grundprobleme der Phänomenologie, GA, Bd. 24, p. 169; trad. fr. de J.-F. Courtine, Les problèmes fondamentaux de la phénoménologie, Paris, Gallimard, 1985, p. 151.

[2Einführug in die Metaphysik, GA, Bd. 40, p. 31; trad. fr. de G. Kahn, Introduction à la métaphysique, Gallimard, 1967, p. 40.

[3Levinas, op. cit., p. 59.