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Marion (1989:157-160) – dizer "eu"

segunda-feira 11 de março de 2024, por Cardoso de Castro

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[…] O Dasein, porque põe em jogo o ser nele, não pode senão pôr-se ele mesmo em jogo e, portanto, logo não pode senão dizer-se em pessoa, tal como não pode senão pôr-se em jogo como um eu: "O ente que chamamos Dasein, eu o sou a cada vez eu mesmo (bin ich je selbst), e isto enquanto poder-ser para o qual se trata de ser este ente. [SZ  :58] Aqui, a possibilidade de dizer "eu sou" logo de declinar ser na primeira pessoa resulta da propriedade, para o Dasein, de se colocar em pessoa no jogo de seu próprio ser. O eu não teria nem interesse, nem legitimidade se, a título de "determinação existencial do Dasein", não devesse e não pudesse "ser interpretado existencialmente", isto é, se "egoísmo e ipseidade não fossem concebidos existencialmente". Mas estes dois termos não permanecem equivalentes, como se um pudesse substituir o outro. Pelo contrário, a sua interpretação existencial exige que "o si mesmo (Selbst), que revela a re-ticência da existência resoluta, seja o solo fenomenal originário para a questão do ser do "Eu". Só a orientação fenomenal sobre o sentido do ser do poder-ser-Si-mesmo (Selbstseinkönnen) autêntico põe a meditação em condição de elucidar que direito ontológico a substancialidade, a simplicidade e a personalidade podem reivindicar como características da ipseidade (Selbstheit)" [SZ  :59]. Só o Si mesmo (ipseidade, Selbstheit) torna possível, através da sua absoluta coincidência consigo mesmo, que qualquer pronome pessoal seja dito, e assegura assim ao Eu um eventual "eu sou" a sua autêntica possibilidade; se o Si não determinasse o Eu, nenhum ente seria tal que pudesse pôr-se em jogo no seu próprio ser — precisamente porque nenhum "mesmo" seria então acessível. Inversamente, o Dasein, na sua postura de Impessoal [das Man], pretende ater-se ao Eu, ele próprio mera "aparência de um Eu" (scheinbare Selbst)" [SZ  :60]. Logo, o Eu só pode dizer "eu sou" com perfeita legitimidade existencial caso se reduza ao fenômeno essencial do Ser (Selbst).

Original

Soit le Dasein : par où diffère-t-il essentiellement des étants qui ne sont pas sur son mode ? En ceci, qu’il est l’étant pour lequel il y va de son être, c’est-à-dire pour lequel l’être est à chaque fois le sien. Mais, puisque « l’être dont il y va pour cet étant en son être est à chaque fois mien », il faut admettre que « la revendication du Dasein doit, conformément au caractère de mienneté de cet étant, toujours dire aussi le pronom personnel : “je suis”, “tu es” ». Le Dasein, parce qu’il met en jeu l’être en lui, ne peut que se mettre lui-même en jeu, donc ne peut se dire qu’en personne, comme il ne peut se mettre en jeu que comme un je : « L’étant que nous appelons Dasein, je le suis à chaque fois moi-même (bin ich je selbst), et cela en tant que pouvoir-être pour lequel il y va d’être cet étant. » [58]  Ici la possibilité de dire « je suis », donc de décliner être à la première personne résulte de la propriété, pour le Dasein, de se mettre en personne dans le jeu de son propre être. Le je n’aurait ni intérêt, ni légitimité si, à titre de « détermination existentiale du Dasein », il ne devait et ne pouvait « être interprété existentialement », c’est-à-dire si « égoïté et ipséité n’étaient conçues existentialement ». Mais ces deux termes ne restent pas équivalents, comme si l’un pouvait se substituer à l’autre. Au contraire, leur interprétation existentiale exige que « le soi-même (Selbst), que dévoile la réticence de l’existence résolue, soit le sol phénoménal originaire pour la question de l’être du “Je”. Seule l’orientation phénoménale sur le sens d’être du pouvoir-être-Soi-même (Selbstseinkönnen) authentique met la méditation en mesure d’élucider quel droit ontologique peuvent revendiquer la substantialité, la simplicité et la personnalité en tant que caractères de l’ipséité (Selbstheit) » [59] . Le Soi-même (ipséité, Selbstheit) rend seul possible, par son absolue coïncidence avec soi, que puisse se dire n’importe quel pronom personnel, donc assure au Je d’un éventuel « je suis » sa possibilité authentique; si le Soi ne déterminait pas le Je, aucun étant ne serait tel qu’il puisse se mettre en lui-même en jeu dans son être même — précisément parce qu’aucun même ne serait alors accessible. Inversement, le Dasein, en sa posture de On, prétend s’en tenir au Je, lui-même simple « apparence d’un Soi-même » (scheinbare Selbst) » [60] . Le Je ne peut donc dire « je suis » avec une parfaite légitimité existentiale que s’il se réduit au phénomène essentiel du Soi (Selbst). Or le Soi ne devient visible et donné que dans la phénoménalité du soin (souci, Sorge); en effet « l’expression “soin de soi” (Selbstsorge) (…) serait une tautologie » [61] ; dans tout soin, c’est en effet précisément de soi que, par rapport à d’autres étants, le Dasein prend soin : il n’a cure que de soi, ou plutôt toute cure ne se soucie d’autres étants qu’en vertu du soin que le Soi manifeste ainsi prendre de lui-même. Dans ce contexte, le « je suis » trouve un site phénoménologique correct — il met en œuvre le soin de soi du Soi, selon le soin comme l’être du Dasein. Le « je suis » intervient donc pour marquer la mienneté du Dasein — « … l’étant que nous nommons Dasein, je le suis à chaque fois moi-même (bin ich je selbst) et cela en tant que pouvoir-être pour lequel il y va de cet étant ». Il intervient plus précisément ensuite pour déployer le phénomène de la dette (Schuld) : « Mais où prendrons-nous le critère du sens existential originaire du “en dette” (schuldig). [Réponse :] l’essentiel est ici que le “en-dette” surgit comme le prédicat du “je suis” (ich bin). » Enfin, c’est finalement toute l’ouverture du Dasein qui, par la résolution, se joue avec et dans le « je suis » : « Désormais, ce qui est conquis avec la résolution, c’est la vérité la plus originaire, parce qu’authentique du Dasein. L’ouverture du Là ouvre co-originairement l’être-au-monde à chaque fois total, c’est-à-dire le monde, l’être-à et le Soi-même que cet étant est en tant que “je suis” (als “ich bin”). » [62]  Non seulement le « je suis » n’implique pas toujours l’indétermination ontologique du sum où sombre Descartes  , mais il offre le phénomène le plus visible pour accéder à l’être du Dasein, le soin qui établit le Soi-même. Car, l’unique Je peut se déployer phénoménologiquement de deux manières opposées, qui s’inscrivent exactement dans les deux postures offertes au Dasein, l’authenticité et l’inauthenticité; ainsi le Je s’ouvre-t-il à deux statures, puisque « … le concept ontologique de substance ne caractérise pas l’ipséité du Je en tant que Soi-même (die Selbstheit des Ich qua Selbst), mais l’identité et la constance (Selbigkeit und Beständigkeit) d’un [étant] toujours déjà sous-la-main (Vorhanden) ». On ne saurait le dire plus nettement : le Je peut se manifester soit comme l’identique constance de la substance, sur le mode donc d’un étant du monde, et même d’un étant sous-la-main (persistant et subsistant), soit, au contraire comme et à partir du Soi, donc de la mienneté qui met en jeu le Dasein en son être. Le Je vire donc du statut de res (subsistante) cogitans à celui du « je suis » selon qu’il relève de l’identité (Selbigkeit) ou du Soi (Selbstheit). L’unique Je supporte la résolution, au sens même où le Dasein ne cesse de s’y jouer : pour y décider de la manière d’être de son être. Comment le Je accède-t-il en effet à son statut non cartésien ? En opposant à l’indétermination ontologique, donc aussi à l’irrésolution existentiale de la déchéance inauthentique, « l’ipséité (Selbstheit) (…) lue existentialement sur le pouvoir-être-soi-même authentique, c’est-à-dire sur l’authenticité de l’être du Dasein comme soin (Sorge) ». Puisée à partir du soin, l’ipséité ne saurait persister comme une res; si elle offre une « constance propre au Soi-même, Ständigkeit des Selbst », un « maintien de soi-même, Selbst-Ständigkeit », ce n’est pas que le Soi « soit un fondement constamment sous-la-main du souci (ständig vorhandene Grund) », mais parce que le Soi ne cesse de se résoudre authentiquement selon et à partir de son être le plus propre : « Le maintien-de-Soi-même (Selbst-Ständigkeit) signifie existentialement uniquement la résolution anticipatrice. » [63]  La conclusion s’impose : le Je peut aussi bien devoir se « détruire » que pouvoir se « confirmer », selon que le répète l’une ou l’autre des déterminations possibles du Dasein; ou bien inauthentiquement, à la manière cartésienne de la res cogitans, persistant et subsistant; ou bien authentiquement, à la manière de la résolution anticipatrice, de la structure du soin, de la mienneté du Dasein. Le « je pense » n’apparaît donc plus alors comme une thèse métaphysique à réfuter, parmi d’autres, pour dégager le phénomène du Dasein, mais comme le terrain même que le Dasein doit conquérir, puisqu’aucun autre ne lui sera jamais donné pour s’y manifester. Ego cogito, sum énonce moins un contre-cas du Dasein, qu’un territoire à occuper, un énoncé à ré-interpréter, une œuvre à refaire.


Ver online : Jean-Luc Marion


MARION, Jean-Luc. Réduction et donation: Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie. Paris: PUF, 1989.