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Fédier (2010:157-158) – tempo vulgar
sábado 16 de dezembro de 2023
destaque
Ora, toda a análise filosófica do conceito de tempo parte e procede do tempo de medida, o tempo em que as coisas são, o tempo "vulgar" [vulgar é uma palavra sem equivalente conhecido, fora do latim. Vulgus é a multidão — o lugar onde as coisas são divulgadas… A multidão divulga; Molière em Tartufo diz com um admirável sentido de linguagem: "Ils n’ont pas de faveur qu’il n’aillent divulguer." "Vulgarizar" é um exagero. Divulgar não é revelar. Já não se trata apenas de trazer à luz; trata-se de trazer à luz para a multidão. Não é absurdo pensar que o tempo vulgar é um tempo que não é de todo falso (o tempo vulgar pode ser definido como a modificação deficiente do tempo original ou temporalidade do Dasein)].
Original
Or, toute l’analyse philosophique du concept du temps part et s’effectue à partir du temps de mesure, du temps dans lequel sont les choses, le temps « vulgaire » [vulgaire est un mot sans correspondant connu, hors du latin. Vulgus c’est la foule — là où se divulgue… La foule divulgue; Molière dans Tartuffe dit avec un admirable sens de la langue : « Ils n’ont point de faveur qu’il n’aillent divulguer.» «Vulgariser» exagère. Divulguer n’est pas révéler. Ce n’est plus seulement mettre au jour ; c’est mettre au jour pour la foule. Il n’est pas absurde de penser que le temps vulgaire, c’est un temps qui n’est pas du tout faux. (Le temps vulgaire peut se définir comme la modification déficiente du temps original ou temporellité du Dasein).] [157]
Encore un mot sur «vulgaire». Temps vulgaire, il faudrait l’entendre comme temps divulgué, comme si essentiellement tout ce qui est divulgué de quelque chose ne pouvait être que le «vulgaire» de la chose. On peut chaque jour observer autour de soi l’attitude vulgaire et l’observer aussi chez soi, paresseuse, oublieuse de soi. La vulgarité, pour l’être humain, c’est l’oubli de soi en faveur de ce que Heidegger nomme dans Sein und Zeit la « dictature du on». Voir les choses comme on les voit, penser comme on pense, agir comme on agit. La panique est un exemple violent de vulgarité.
La formule ultime de la vulgarité, c’est de ne pas se comprendre comme vulgarité. Aussi faut-il donner la définition de la vulgarité : «on» est une modalité d’être pour tout homme, dans laquelle l’homme ne voit pas autre chose que la banalité — fût-ce la banalité du mal. L’autre de la banalité, c’est le fait d’être soi-même, dans le risque absolu de ne pas savoir ce que c’est qu’être. La banalité est si peu dépréciée chez Heidegger (à l’époque de Sein und Zeit ) qu’elle constitue un «existential», c’est-à-dire l’un des éléments fondamentaux de la structure même d’ek-sister.
Aristote fait la philosophie du temps vulgaire. Le temps n’est pas rien. C’est le temps divulgué par rapport au temps (indivulgable) que chaque Dasein ek-siste [ici, le verbe ek-sister cesse d’être intransitif, pour accéder à une transitivité proprement temporelle !] Le temps divulgué est un temps réduit en quelque façon. La question philosophique : «qu’est-ce que le temps?» vise le temps comme quelque chose; seulement de quelque chose, d’un étant, on peut demander ce que c’est. Aussi la réponse philosophique ne peut-elle être que la suivante : le temps est «maintenant». Avant, il n’est plus; après, il n’est pas encore.
[FÉDIER, François. Le temps et le monde: de Heidegger à Aristote . Paris: Pocket, 2010]
Ver online : François Fédier