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Vezin (ET:524-525) – "ser-o-aí"

quarta-feira 21 de fevereiro de 2024, por Cardoso de Castro

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Uma vez que o próprio Heidegger está consciente do problema com que estamos a lidar [tradução de Dasein  ], e está a entrar no coração do debate para proscrever o ser-aí, que mais podemos fazer senão recorrer a ele? O que é que ele tem a dizer, ou mesmo a propor, sobre um ponto tão decisivo? A sua intervenção histórica está contida em duas linhas da sua carta a Jean Beaufret  , de 23 de novembro de 1945: "Da-sein   significa para mim, se me é permitido dizê-lo num francês talvez impossível: être-le-là". Não deveria então Dasein ser traduzido por ser-aí? Examinemos cuidadosamente esta valiosa sugestão.

O primeiro ponto a considerar aqui seria talvez a intenção com que Heidegger terá escrito isto ao seu (futuro) amigo. Teria ele próprio a intenção de fornecer aos franceses a boa tradução que lhes falta? Como é que devemos entender a sua atitude nesta matéria? Por um lado, ele não é alheio à disputa em torno da palavra Dasein e, como leitor de Descartes  , Pascal  , Leibniz  , Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé (e em breve René Char), está em posição de ter as suas próprias ideias sobre o assunto. Devemos evidentemente [524] notar a prudência com que avança a locução être-le-là, pressentindo que se trata de um francês "talvez impossível". Mas, por outro lado, nem em 1945 nem nos trinta anos que se seguiram o vimos inclinado a tomar o lugar dos tradutores das suas obras e, mesmo neste caso crucial, nunca perdeu a distância e a reserva inspiradas pelo seu profundo respeito pela língua francesa. Vejamos, no entanto, o que être-le-là pode oferecer como "possível" tradução do Dasein.

original

Voyant Heidegger lui-même conscient du problème qui nous occupe et entrant dans le vif du débat pour proscrire l’être-là, que pouvons-nous faire d’autre que nous tourner vers lui? Qu’a-t-il à dire, voire à proposer, sur un point aussi décisif? Son intervention historique tient ici en deux lignes de sa lettre à Jean Beaufret du 23 novembre 1945 « Da-sein signifie pour moi, si je puis le dire en un français peut-être impossible : être-le-là ». Dès lors ne s’impose-t-il pas de traduire Dasein par être-le-là? Examinons bien cette précieuse suggestion.

Le premier point à considérer ici serait peut-être l’intention   dans laquelle Heidegger a pu écrire cela à son (futur) ami. Entendait-il fournir lui-même aux Français la bonne traduction qui leur manque? Comment comprendre son attitude en cette affaire? D’un côté, il n’est pas, il est moins que personne étranger au litige concernant le mot Dasein et, en lecteur de Descartes, Pascal, Leibniz, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé (bientôt de René Char) qu’il est, il est en mesure d’avoir son idée sur la question. Il faut évidemment [524] remarquer la prudence avec laquelle il avance la locution être-le-là, pressentant qu’elle est d’un français « peut-être impossible ». Mais, d’un autre côté, ni en 1945 ni au cours des trente années qui suivront, on ne l’a vu enclin à se substituer aux traducteurs de ses œuvres et, même dans ce cas crucial, il ne s’est départi de la distance et de la réserve que lui inspirait son profond respect de la langue française. Regardons cependant ce que peut donner être-le-là comme « possible » traduction de Dasein.

Au premier coup d’œil, cette locution présente l’inconvénient de morceler l’énergique brièveté, tellement ramassée sur l’essentiel, de Dasein. Elle a quelque chose d’effiloché à quoi la graphie l’êtrelelà (!) ne remédierait nullement. Formellement, elle est donc peu satisfaisante. Quant au sens qu’elle offre dans le tissu du français, il semble, autre inconvénient, qu’« être le là » se fasse à l’insu de l’intéressé, presque malgré lui, alors qu’Heidegger insuffle ici au verbe être la valeur la plus active et même la plus transitive possible [1]. En fait, pour rendre toute sa charge de sens, c’est, dans un « français impossible » (bis), « le être (= ek-sistence) du là » qu’il faudrait presque dire, surtout si l’on s’en réfère à l’apostille a de la page 42.

Mais quand on dit cela, on ne traduit plus, on explique. Et n’est-ce pas exactement ce que faisait Heidegger dans la lettre de 1945? Celle-ci, dans son contenu, n’apporte rien de spécialement neuf par rapport au livre de 1927 (c’est « la συνοὐσία   du dialogue » qui en fait le prix). Cette locution, être-le-là, ne fait que reprendre, en la détachant, une expression qui figure plus d’une fois dans Être et Temps   (par exemple, p. 135, p. 139, p. 144). Gardons-nous donc d’y voir la traduction inespérée que tendrait à Beaufret un Heidegger secourable. Sachons la reconnaître pour ce qu’elle est : non pas la miraculeuse solution d’une traduction passe-partout mais une impulsion donnée à Beaufret pour lui permettre d’avancer, rien de plus qu’une périphrase explicative à laquelle il sut faire honneur en la développant quelque vingt-cinq ans plus tard : « Tout le sens de Sein und Zeit  , écrit-il, est de dire le Là dont chacun de nous est l’homme, avant d’être l’homme d’un parti, d’une église, d’une nation, d’un métier, gardien qu’il est d’une proximité plus originelle que celle qui résulte du raccourcissement technique de toutes les distances. » [2]

Cela dit, s’il fallait, coûte que coûte, donner à Dasein un équivalent français, être-le-là serait quand même la seule solution viable, sans que cela contredise en rien Leibniz disant : « On ne saurait toujours faire des traductions mot à mot » [3]; car, de toute évidence, jamais être-le-là n’atteindra l’insurpassable simplicité de Dasein.


Ver online : François Vezin


VEZIN, François. "Le mot Dasein", in HEIDEGGER, Martin. Être et temps. François Vezin; Rudolf Boehm. Paris: Gallimard, 1995


[1C’est à cette valeur transitive que se réfère la mention du « génitif objectif » dans l’apostille c de la p. 42.

[2Dialogue avec Heidegger, t.1, p. 15.

[3Nouveaux Essais sur l’entendement humain, II, 22, §6.