Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Romano (2018) – o que é o si-mesmo?

sexta-feira 1º de março de 2024

tradução

[…] De fato, parece que este sentido normativo e axiológico do "si mesmo", que subjaz à ideia de existência "à altura de si mesmo", ou de existência de acordo com o seu verdadeiro ser, não é de todo estranho aos textos mais antigos da nossa cultura filosófica e que foi mesmo elaborado por Heidegger, pelo menos em parte, para permitir que o motivo socrático da preocupação consigo mesmo fosse reformulado no quadro da sua ontologia fundamental. Quando Sócrates  , por exemplo, afirma no Alcibíades que procura "o que é o próprio ’eu’ (auto to auto)", e quando responde que, para cada um de nós, esse "eu" é a parte mestra dentro de nós, de modo que "o homem é a alma (ton anthropon he psychen) ", de modo algum pretende, com esta expressão "o eu", referir-se a um núcleo identitário infrangível que asseguraria a nossa permanência no tempo, algo como um "self", mas sim identificar o "lugar" onde cada um de nós (cada ser humano) existe na plenitude da sua essência. Como refere Jean-Pierre Vernant  , no pensamento grego, "a psyche   é uma entidade impessoal ou suprapessoal em cada um de nós. É a alma em mim e não a minha alma". Do mesmo modo, quando Aristóteles  , na Ética a Nicômaco, formula a pergunta retórica: "Não é isto uma admissão de que o intelecto (noûs  ) somos nós mesmos?", o seu objetivo não é localizar um "eu", mas sublinhar que só somos plenamente nós mesmos e existimos de acordo com a nossa própria natureza (como seres humanos) quando existimos sob a orientação do nosso noûs.

Original

Si toute histoire de la philosophie   n’est, à des degrés divers, qu’une suite d’anachronismes plus ou moins consentis, il se pourrait du moins que celui auquel nous allons céder dans ces pages présente plus d’affinités que d’autres avec ce qui constitue l’enjeu des textes que nous allons considérer. Il semble en effet que ce sens normatif, axiologique, du « soi-même » qui sous-tend l’idée d’existence « à la hauteur de soi-même », ou d’existence en accord avec son être véritable, ne soit pas du tout étranger aux textes les plus anciens de notre culture philosophique et qu’il ait même été élaboré par Heidegger, en partie au moins, en vue de permettre la refonte dans le cadre de son ontologie   fondamentale du motif socratique du souci de soi. Lorsque Socrate, par exemple, affirme dans l’Alcibiade rechercher « ce que c’est que le “soi-même” lui-même (auto to auto) », et lorsqu’il répond que pour chacun de nous, ce « soi-même » est la partie maîtresse en lui, de sorte que « l’homme, c’est l’âme (ton anthrôpon he psukhên) [1] », il ne s’agit en aucun cas pour lui de se référer, à travers cette expression « le soi-même », à un noyau d’identité infrangible qui assurerait notre permanence dans le temps, quelque chose comme un « self », mais bien plutôt de cerner le « lieu » où chacun de nous (chaque homme) existe dans la plénitude de son essence. Du reste, il convient de souligner l’absence remarquable de tout possessif devant « âme » : comme le souligne Jean-Pierre Vernant, pour la pensée grecque, « la psukhê est en chacun de nous une entité impersonnelle ou supra-personnelle. Elle est l’âme en moi plutôt que mon âme » [2]. Semblablement, lorsque Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, formule la question rhétorique : « N’est-ce pas avouer que l’intellect (noûs), c’est nous-mêmes ? » [3], son but n’est pas de localiser un « moi » mais de souligner que nous ne sommes pleinement nous-mêmes et n’existons en accord avec notre propre nature (d’êtres humains) que lorsque nous existons sous la conduite de notre noûs. En menant une vie qui se règle sur l’intellect, nous menons à la fois une vie pleinement humaine et une vie qui, parce qu’elle est telle, élève l’homme au-dessus de lui-même en l’identifiant à ce qu’il y a de plus divin en lui. La relation première à soi repose sur un idéal à atteindre. En d’autres termes, il n’y a pas de rapport à soi qui ne soit déjà, par essence, de nature pratique et axiologique. Comme le remarque Alain Petit dans un article tout à fait suggestif sur ces questions, « le soi-même a manifestement un statut qui n’est pas strictement métaphysique ou ontologique, mais c’est un concept axiologique. Si je peux me revendiquer de moi-même, ou tendre à être à la hauteur de moi-même, tout en percevant que ce n’est pas le cas, c’est parce que je vise en moi-même ce qui vaut le mieux, d’où la qualification de “divin” qui va être appliquée à ce soi-même54 ». On pourrait prolonger ces remarques à propos de la formule d’Épictète : ei toinun ekei eimi egô, hopou hê prohairesis, « je me trouve moi-même là où se trouve la décision »55. Le « soi-même » n’est pas ici une espèce de chose, ni un noyau d’identité à soi, la condition de notre propre continuité à travers le temps ; c’est l’idéal d’une auto-possession pleinement réalisée, et donc aussi d’une élévation au-dessus de notre particularité et contingence, nous permettant de coïncider avec celui que nous sommes appelés à devenir. « Tourne ton regard, écrit Sénèque, vers le bien véritable, sois heureux de ton propre fonds (de tuo). Mais ce fonds, quel est-il ? Toi-même (te ipso) et la meilleure partie de toi56. » Toi-même, c’est-à-dire la meilleure partie de toi : celle qui porte à son accomplissement la plénitude de ton essence.

[ROMANO  , Claude. Être soi-même: une autre histoire de la philosophie. Paris: Gallimard, 2018]


Ver online : CLAUDE ROMANO


[1Platon, Alcibiade, 129 b-130 c. On pourra se reporter à propos de ce passage à Julia Annas, « Self-knowledge in Early Plato », in Dominic J. O’Meara (dir.), Platonic Investigations, Washington, The Catholic University of America Press, 1985, p. 111-138 et Jacques Brunschwig, « La déconstruction du “connais-toi toi-même” dans l’Alcibiade majeur », Recherches sur la philosophie et le langage, no 18, 1996, p. 61-84. Voir aussi Marie-France Hazebroucq, « La connaissance de soi-même et ses difficultés dans l’Ennéade V, 3 et le Charmide de Platon », in Monique Dixsaut, Pierre-Marie Morel et Karine Tordo-Rombaut (dir.), La Connaissance de soi. Études sur le traité 49 de Plotin, Paris, Vrin, 2002, p. 107-132 : l’interprète insiste sur le fait que regarder la partie intellective de l’âme c’est voir la divinité comme dans un miroir et que donc la connaissance ici est « totalement dépersonnalisée » (p. 116). Dans la reprise néoplatonicienne de l’Alcibiade, la connaissance de soi vise à « transcender le moi individuel pour découvrir dans l’intériorité la plus intime, sa propre identité, tout autre que lui » (p. 118).

[2Jean-Pierre Vernant, L’Individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, 1989, rééd. coll. Folio histoire, 1996, p. 228.

[3Aristote, Éthique à Nicomaque, IX, 8, 1168 b 35.