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Patocka (1983:27-29) – tese individual e tese da totalidade universal

quinta-feira 23 de novembro de 2023, por Cardoso de Castro

Le fait de s’étendre dans l’espace est un caractère de l’étant comme tel, comme c’est un trait propre à l’espace que de former quelque chose comme un tout. Une fois de plus, le phénomène en tant que tel nous échappe. Les traits généraux de ce qui se montre, la structure spatiale et temporelle, sont des caractères de l’étant, de ce qui se montre, et non pas du se-montrer comme tel. Néanmoins, il y a là quelque chose qui mérite notre attention. Lorsque les choses singulières se manifestent, il y a en outre en moi un savoir concernant le contexte général. C’est là quelque chose qui concerne le se-montrer comme tel. L’existence de la totalité — de ce qui fait que le monde n’est pas seulement un assemblage d’images singulières, de membra disjecta mais, en quelque sorte, une unité — [27] ressortit d’une part à l’étant comme tel mais, de l’autre, le se-montrer lui-même semble également être déterminé par elle. Non seulement le monde comme tel, mais cette fraction du monde que nous avons en quelque façon déjà devant nous, comme ce qui se montre ou s’est montré à nous, forme continuellement un tout, et ce de telle manière qu’aucune singularité n’est indépendante à l’égard des autres singularités. Ce qui se montre à nous constitue aussi la totalité du se-montrer, une totalité qui veut être en accord avec elle-même. Nous ne pouvons disposer arbitrairement ni de ce qui se montre en personne, dans son originalité, ni de ce qui se montre non originalement, sous une forme simplement dérivée. Nous possédons un savoir sur ce que nous n’expérimentons pas de façon actuelle, nous savons donc que seule une expérience d’un certain type pourrait concorder avec ce qui se montre à nous actuellement.

Nous voilà donc en présence de deux thèses : d’une part, dans le se-montrer, en ce qui se montre, nous avons toujours en quelque façon un tout ; et, de l’autre, le se-montrer comme tel vise également, continuellement, un tout. Nous sommes pour ainsi dire imbriqués dans la manifestation, nous ne sommes pas libres à l’égard de ce qui se manifeste. Le monde qui se manifeste en totalité nous a toujours déjà captivés, nous a toujours déjà imposé sa loi. Que ce soient justement des choses qui se montrent, de l’étant, quelque chose qui n’est pas notre création, l’affaire de notre bon plaisir, cela appartient à la nature de ce qui se manifeste.

Revenons maintenant à un aspect de la chose que nous avons déjà évoqué, au fait que c’est précisément à nous que la totalité se montre. Le fait que nous ne sommes pas libres à l’intérieur de la manifestation, que ce qui se montre est contraignant pour nous, s’exprime à travers notre croyance à ce qui se présente ainsi à nous, à ce qui est là, à ce qui est présent. Nous croyons — c’est un acte déterminé de notre part, un acte conditionné, mais qui n’en est pas moins le nôtre propre. Il nous faut ajouter foi à chaque chose qui se présente, qui se montre à nous ; chaque chose individuelle est l’objet de notre thèse — de notre croyance ou de notre thèse. Et, comme chaque thèse individuelle fait partie de la thèse de la totalité, il nous faut dire que nos différentes thèses, nos différents actes de foi, se situent tous dans le cadre d’une thèse générale, thèse de cette totalité universelle, omni-englobante. Essayons maintenant de dégager de notre orientation active au milieu   des choses cela seul que nous appelons la connaissance et le jugement, faisons abstraction de notre activité pratique pour ne nous occuper [28] que du fait que nous acceptons ou refusons les choses, que nous portons des jugements sur leur être ou non-être, sur leur caractère probable, douteux, etc… Chaque jugement de ce type a lieu dans le cadre de la thèse générale de la totalité, qui elle-même n’est pas un jugement au sens courant du terme. Nous n’avons pas expressément, d’entrée de jeu, conscience de porter ces jugements singuliers, de poser nos connaissances singulières dans le cadre d’une thèse universelle. La thèse de l’univers en totalité n’est pas initialement un jugement, bien qu’elle puisse en devenir un…

Comment donc obtenons-nous de nouvelles thèses ? De quelle manière y parvenons-nous en partant de celles qui pour nous sont claires et contraignantes, qui se trouvent dans notre champ, dans le centre de gravité constitué par ce qui nous est immédiatement donné ? Tout simplement en déplaçant ce centre, en faisant en sorte qu’il se mette en mouvement.

Ce que nous venons de dire paraît sans doute banal, mais c’est précisément en de telles banalités que se cache le mystère de l’apparition. Le déplacement du centre de gravité signifie simplement que, en changeant de place, j’arrive dans un environnement nouveau, où les choses qui m’entourent et se montrent à moi sont elles aussi naturellement différentes. En même temps cependant, mes expériences passées ou, plutôt, ce qui déjà s’est montré à moi demeure présent pour moi, non plus dans son originalité, mais sous la forme de quelque chose que j’ai simplement dans la mémoire, dans la mémoire immédiate. Cela est donc sorti de la présence, de la manifestation effective « en personne », tout en demeurant identique. Le mode de donation n’est plus le même, mais la même chose est restée là.

On pourra objecter qu’il est possible aussi d’oublier, de se tromper. La donation non originale peut nous présenter les choses autrement qu’elles ne sont dans la réalité. Qu’est-ce qui me donnera la conviction de ce qu’elles sont ? C’est très simple : je reviendrai en arrière et les regarderai de nouveau. — Des lieux communs, n’est-ce pas ? Tellement banals que ce n’est même pas la peine d’en parler. Et pourtant… Comment se fait-il que ceci-là qui se montre à moi en personne puisse être identique à quelque chose qui n’est pas là ? La chose absente aussi se montre à moi, bien que de façon non originale. Et cette non-originalité se présente à moi, entre autres, par là que la chose chancelle, qu’elle devient douteuse. Néanmoins, malgré ce doute, j’ai toujours en quelque façon une seule et même chose devant les yeux. Qu’est-ce que je vois ?


Ver online : Jan Patocka


PATOCKA, Jan. Platon et l’Europe. Tr. Erika Abrams. Paris: Verdier, 1983, p. 27-29