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Marion (2010:40-43) – objeto - fenômeno - acontecimento

segunda-feira 4 de março de 2024, por Cardoso de Castro

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[…] como é que o caráter essencialmente e originariamente de acontecimento do fenômeno, e mesmo de todo o fenômeno (incluindo o mais banal, que acabamos de descrever), pode esbater-se, atenuar-se e desaparecer, a ponto de nos deixar com um objeto? Não para perguntar: até que ponto podemos legitimamente pensar o fenômeno como um acontecimento [40], mas porquê: podemos perder a sua fenomenalidade reduzindo-a à objetividade? A resposta a esta questão pode ser encontrada em Kant  . A primeira das quatro rubricas que organizam a categoria do entendimento, e que impõem assim o quádruplo selo da objetividade aos fenômenos, diz respeito à quantidade. Todo o fenômeno, diz Kant, deve possuir, para se tornar um objeto, uma quantidade, uma grandeza extensa. De acordo com esta quantidade, a totalidade do fenômeno é equivalente e resulta da soma das suas partes. Daqui decorre um outro carácter decisivo: o objeto pode e deve ser previsto de acordo com a soma das partes que o compõem, de modo que é sempre "[…] intuído antecipadamente [schon angeschaut] como um agregado (a soma das partes dada antecipadamente [vorher angeschaut]" [Crítica da Razão Pura, A 163 / B 204]. Isto significa, sem dúvida, que a grandeza de um fenômeno pode sempre ser modelada numa quantidade de direito finito, podendo, portanto, ser inscrita num espaço real ou transcrita (por meio de modelos, parâmetros e operações de codificação) num espaço imaginário. Acima de tudo, isto significa que o fenômeno se inscreve num espaço que podemos sempre conhecer antecipadamente através da soma das suas partes. Esta sala tem uma quantidade, que resulta da soma das suas partes — as suas paredes definem o seu volume, enquanto outros parâmetros não extensos (o seu custo de fabrico e manutenção, a sua taxa de ocupação, etc.) definem o seu peso orçamental e a sua utilidade pedagógica. Em princípio, não lhe resta a menor surpresa: o que aparece será sempre parte da soma do que os seus parâmetros sempre nos permitiram prever. A sala se acha prevista antes mesmo de ser vista — encerrada na sua quantidade, atribuída às suas partes, limitada, por assim dizer, pelas suas medidas, que precedem e aguardam a sua eficácia empírica (construção). Esta redução da sala à sua quantidade previsível faz dela um objeto, diante do qual e dentro do qual passamos como se não houvesse mais nada para ver — pelo menos nada que não pudesse ser previsto a partir do plano da sua concepção. O mesmo acontece com todos os objetos técnicos: já não os vemos, nem sequer precisamos de os ver, porque os previmos desde o início. E até conseguimos utilizá-los tanto melhor quanto os prevemos sem nos preocuparmos em vê-los. Só começamos realmente a precisar de os ver quando já não os podemos ou ainda não os podemos prever, ou seja, quando já não mais os podemos (por avaria) ou ainda não os podemos utilizar (por aprendizagem). Na utilização técnica normal, não temos de ver os objetos: basta-nos prevê-los. Reduzimo-los à categoria de fenômenos de segunda ordem, de direito comum, sem lhes dar uma aparência plena, autônoma e desinteressada. Aparecem-nos em transparência, na luz neutra da objetividade, sem deter o nosso olhar nem o preencher. Então, de que é privado o fenômeno previsto e não visto, o objeto? Uma vez que o qualificamos como um fenômeno previsto, não é esta previsão que o desqualifica como fenômeno pleno  ? O que é que "previsão" significa aqui? Que no objeto tudo permanece previsto de antemão — que nada de imprevisto acontece. O objeto permanece um fenômeno decaído, porque aparece como sempre já devido: já nada de novo pode surgir nele, uma vez que, mais radicalmente, ele próprio aparece, sob o olhar que o constitui, como nunca surgindo. O objeto aparece como uma sombra do acontecimento que nele negamos.

original

Cette analyse, si rigoureuse qu’on ait voulu la rendre, offre pourtant une difficulté ou du moins une étrangeté : elle nous fait considérer comme un événement ce qui, de prime abord, passe évidemment pour un objet — en l’occurrence, cette salle. De quel droit interpréter ainsi un objet comme un événement — une salle comme une « salle » ? En poursuivant selon cette logique, tout objet ne pourrait-il pas se décrire à la fin comme un événement ? Ne conviendrait-il pas de maintenir une distinction plus raisonnable entre ces deux concepts ? Et, d’ailleurs, que gagne-t-on à une telle interprétation, alors que l’objet appartient certainement au domaine de la phénoménalité, tandis qu’il ne va pas de soi que l’événement en relève encore ?

A ces objections de bon sens, sans doute faut-il répondre en renversant la question. Et demander, tout à l’inverse : comment le caractère essentiellement et originairement événementiel du phénomène et même de tout phénomène (y compris le plus banal, que nous venons de décrire) peut-il s’estomper, s’atténuer et disparaître, au point que ne nous apparaisse plus qu’un objet ? Non plus demander : jusqu’où peut-on légitimement penser le phénomène comme un événement : [40] mais pourquoi : peut-on en manquer la phénoménalité en la ravalant à l’objectivité ? Or, à cette question en retour, on peut répondre en s’inspirant de Kant. La première des quatre rubriques qui organisent la catégorie de l’entendement et donc imposent aux phénomènes le quadruple sceau de l’objectité, concerne la quantité. Tout phénomène, indique Kant, doit posséder, afin de devenir un objet, une quantité, une grandeur extensive. Selon cette grandeur, la totalité du phénomène équivaut à et résulte de la somme de ses parties. D’où suit un autre caractère, décisif : l’objet peut et doit se prévoir suivant la somme des parties qui le composent ; en sorte qu’il se trouve toujours « […] intuitionné par avance [schon angeschaut] comme un agrégat (la somme des parties données par avance [vorher angeschaut] » [1]. Ce qui signifie certes que la grandeur d’un phénomène peut toujours se modeler dans une quantité en droit finie, donc s’inscrire dans un espace réel ou se transcrire (par modèles, paramètres et opérations de codage) dans un espace imaginaire. Ce qui signifie surtout que le phénomène s’inscrit dans un espace que nous pouvons toujours connaître par avance en opérant la sommation de ses parties. Cette salle a une quantité, qui résulte de la somme de ses parties — ses murs définissent son volume, tandis que d’autres paramètres non étendus (son coût de fabrication et d’entretien, son taux d’occupation, etc.) définissent son poids budgétaire et son utilité pédagogique. Il ne reste en principe plus rien en elle pour la moindre surprise : ce qui apparaît s’inscrira toujours dans la somme de ce que ses paramètres permettent toujours déjà de prévoir. La salle se trouve prévue avant même que d’être vue — enfermée en sa quantité, assignée à ses parties, arrêtée pour ainsi dire par ses mesures qui en précèdent et attendent l’effectivité empirique (la construction). Cette réduction de la salle à sa quantité prévisible en fait un objet, devant et [41] dans lequel nous passons comme s’il n’y avait rien de plus à y voir — rien du moins qui ne se puisse prévoir dès le plan de sa conception tracé. Il en va ainsi pour tous les objets techniques : nous ne les voyons plus, nous n’avons même plus besoin de les voir, parce que nous les prévoyons de longue main. Et nous parvenons même d’autant mieux à les utiliser que nous les prévoyons sans nous préoccuper de les voir. Nous ne commençons guère à devoir les voir que lorsque nous ne pouvons plus ou pas encore les prévoir, c’est-à-dire lorsque nous ne pouvons plus (panne) ou pas encore les utiliser (apprentissage). En régime d’usage technique normal, nous n’avons ainsi pas à voir les objets : il nous suffit de les prévoir. Nous les réduisons au rang de phénomènes de second ordre, de droit commun, sans leur accorder d’apparaître plénier, autonome et désintéressé. Il nous apparaissent en transparence, dans la lumière neutre de l’objectité, sans arrêter le regard, ni le combler [2]. De quoi se trouve ainsi déchu le phénomène prévu et non pas vu, l’objet ? Puisque nous le qualifions comme phénomène prévu, ne serait-ce pas cette prévision, qui le disqualifie comme phénomène plénier ? Que veut ici dire « prévision » ? Que dans l’objet tout reste d’avance prévu — que rien d’imprévu n’arrive. L’objet reste un phénomène déchu, parce qu’il apparaît comme toujours déjà échu : plus rien de nouveau n’y peut plus survenir, puisque, plus radicalement, lui-même paraît, sous le regard qui le constitue, ne jamais advenir. L’objet apparaît comme l’ombre de l’événement que nous dénions en lui.

Mais, du coup, nous pouvons inverser l’analyse et remonter de l’objet, phénomène en transparence, déchu de toute advenue, jusqu’à sa phénoménalité originaire, gouvernée de part en part par l’événementialité — conformément à la règle d’essence que ce qui se montre véritablement doit d’abord se donner. Cette remontée de l’objet à l’événement, nous l’avons en fait déjà accomplie en décrivant un phénomène de droit commun — cette [42] « salle », donc précisément pas la Salle des Actes — comme un triple événement selon le « déjà » de sa facticité, le « cette fois, une fois pour toutes » de son accomplissement et le « sans fin » de son herméneutique. Il nous reste donc à reprendre la description du caractère événementiel de la phénoménalité en général, en nous appuyant désormais sur des phénomènes indiscutablement thématisables comme des événements. On qualifie du titre d’événement au premier chef les phénomènes collectifs (« historiques » : révolution politique, guerre, catastrophe naturelle, performance sportive ou culturelle, etc.), tels qu’ils satisfont, au minimum, à trois notes, a) Ils ne peuvent se répéter à l’identique et se révèlent ainsi précisément identiques à eux seuls : irrépétabilité, donc irréversibilité, b) Ils ne peuvent pas se voir assigner une cause unique, ni une explication exhaustive, mais en exigent un nombre indéfini, sans cesse accru à la mesure de l’herméneutique que les historiens, sociologues, économistes, etc., pourront développer à leur propos : excèdent des effets et des faits accomplis sur tout système de causes, c) Ils ne peuvent pas se prévoir, puisque leurs partielles causes non seulement restent toujours insuffisantes, mais ne se découvrent qu’une fois le fait accompli de leur effet. D’où il suit que leur possibilité, ne pouvant se prévoir, reste à strictement parler une impossibilité au regard du système des causes antérieurement répertoriées. Or, point décisif, ces trois notes de l’événement ne concernent pas seulement les phénomènes collectifs, mais caractérisent aussi bien certains phénomènes privés ou intersubjectifs.


Ver online : Jean-Luc Marion


MARION, Jean-Luc. De surcroît: études sur les phénomènes saturés. Paris: PUF, 2010


[1Critique de la raison pure, A 163 / B 204, trad. franç., Œuvres philosophiques, éd. F. Alquié, Gallimard, « La Pleiade », t. 1, p. 903.

[2Au contraire de l’idole du tableau (voir infra, chap. III, § 1-2, pp. 65-74).