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Maldiney (2002:178-180) – existência

sábado 13 de janeiro de 2024, por Cardoso de Castro

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O ponto de partida da filosofia de Maldiney   é a existência. O que significa a existência? A existência é entendida como um movimento de transcendência: "estar fora de si mesmo e fora de tudo" [Henri Maldiney, "L’existant", em Penser l’homme et la folie, p. 301]. O existir só pode ser ele mesmo acolhendo o que acontece no mundo. Existir é, pois, simplesmente ser aí, estar presente ao mundo sem nunca estar totalmente no mundo. O mundo nunca é dado ao existente, que não pode abandonar-se a ele durante muito tempo. Ser no mundo é responder a um chamamento. Maldiney segue o pensamento de Heidegger: ser é se poder, ser si mesmo num projeto que não é uma representação, mas "um desígnio imanente à ação" [Ibid., p. 309]. A eficácia do existir mede-se pela bitola do poder ser. Devir si mesmo é fundar a sua própria possibilidade. Através do projeto, o existente introduz a possibilidade no mundo e, de certa forma, dá justificação ao ente. Mas será que "justificar" a realidade, ou abrir o mundo de acordo com as suas próprias possibilidades, não é uma ilusão?

original

Le point de départ de la philosophie   de Maldiney serait l’existence. Que signifie exister ? L’existence se comprend comme un mouvement de transcendance : « avoir sa tenue hors de soi et hors tout » [1]. L’existant ne peut être lui-même qu’en accueillant ce qui advient dans le monde. Pour exister, il ne s’agit alors que d’être là, être présent au monde sans jamais être totalement dans le monde. Le monde n’est jamais donné à l’existant qui ne peut durablement s’y abandonner. Être au monde, c’est répondre à un appel. Maldiney suit la pensée de Heidegger : être, c’est se pouvoir, être soi dans un projet qui n’est pas une représentation mais « un dessein immanent à l’action » [2]. L’effectivité de l’existant se mesure à l’aune du pouvoir être. Devenir soi-même, c’est fonder sa propre possibilité. Par le projet, l’existant introduit du possible dans le monde et d’une certaine manière donne une justification à l’étant. Mais « justifier » le réel ou ouvrir le monde selon ses propres possibles, n’est-ce pas illusoire ?

Cependandat, Maldiney prend ses distances avec Heidegger : « Le fondement du réel est, ailleurs, dissimulé dans l’impossible. Mais pourquoi dans l’impossible ? Parce qu’il ne saurait se trouver dans un système de possibles sous-jacents ou préalables, à propos desquels la même injustification se reproduit à l’infini. » [3] Le réel ne peut pas être seulement l’objet de nos manipulations mais il ne peut pas être non plus modelé ni assumé dans son étantité par l’existant. Nous nous heurtons à la réalité, nous n’en décidons pas. La réalité vécue transforme l’existant. Exister, c’est éprouver et être éprouvé. Par exemple, dans une crise, l’existant est mis en demeure d’être lui même. Il fait l’expérience de sa propre « injustification », c’est-à-dire, à partir de notre facticité, l’expérience de l’« inquiétude du sens » et il traverse l’existence sans la constituer : « De Luther   à Heidegger et à Francis Ponge, théologien, philosophe ou poète, l’homme rencontre comme sa question propre, celle de sa justification » [4]. Il connaît un non sens, celui de sa propre existence mais il sait aussi que si son pouvoir se mesure à ses possibles, il y a de l’impossible. Le monde le renvoie à son « impouvoir » et le « contraint à l’impossible » [5].

Être soi, ce n’est pas seulement devenir soi-même en fondant sa propre possibilité mais exister à l’épreuve de l’impossible. La crise, la maladie, la « folie » sont l’expression psychologique de la souffrance dans la mise à l’épreuve de soi par la nature indéterminable et imprévisible de ce qui nous arrive : « Il n’y a de réel que ce qu’on n’attendait pas et qui soudain est là depuis toujours » [6]. La réalité n’est pas seulement ce qui me préexiste, ce qui me détermine. Le réel déborde par avance toute vision du monde, que ce soit celle d’une réalité cruelle ou d’un monde non encore advenu. D’une certaine manière, le réel toujours déjà là a sa part d’opacité et peut à chaque instant nous surprendre. Exister, c’est par conséquent exister en procès, « s’être », pouvoir ou « se pouvoir » [7] à partir d’une ouverture au monde qui est aussi une ouverture à soi vécue dans une passivité originaire qui engage aussi un acte. « Y être » est la condition de toute présence : « Que nomme ce « y » ? Son sens ne perce jamais aussi expressément que lorsqu’il se dérobe. « Je n’y suis plus », répète, sans comprendre ce qui lui arrive, un homme qui perd pied dans un monde qu’il ne reconnaît plus comme monde parce qu’il ne s’y reconnaît plus comme soi »[Ibid., p. 305.]].

Ainsi, dans le faire ou dans l’agir, émerge un sens qui est d’abord vécu dans un subir : « Pathei mathos » (= connaissance par l’épreuve) signifie que l’existence s’éprouve en touchant à son fond. Mais ignoré ou connu, obscur ou manifeste, le réel est là, qu’il faut comprendre… » [8] Cette connaissance est risquée et l’existence est critique. L’événement est transformateur. Cette transformation est pour Maldiney constitutive du vivant mais, pour l’homme, elle rend problématique le sens d’être de son existence. Par exemple dans la psychose, l’événement est impossible. Les états critiques ne peuvent être surmontés que par un bond, une création. L’événement fait sens dans la continuité et la cohérence d’une existence mais il implique dans son surgissement une rupture et un excès. Ainsi l’existence est-elle mieux comprise par l’ouverture au monde, à l’épreuve de la rencontre, de l’être qui surgit à lui même dans le sentir.

Cependant, nous savons que le réel n’est pas toujours avènement d’un monde. Le « je ne sais quoi qui se rencontre par aventure » invoqué dans la poésie de Jean de la Croix est événement par son unicité et sa rareté. Peut être n’est-il pas donné à tous, du moins cela exigerait de chacun une présence plus exigeante et moins quotidienne au monde : « savoir être ou ne pas savoir être » serait notre principale difficulté. Ce serait tout ou rien. Mais le réel nous permet-il toujours d’exister ?


Ver online : Henri Maldiney


DUPOND, Pascal; COURNARIE, Laurent (eds.). Phénoménologie, un siècle de philosophie: Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty, Arendt, Patočka, Levinas, Dufrenne, Maldiney, Henry, Marion, Richir. Paris: Ellipses, 2003


[1Henri Maldiney, « L’existant », dans Penser l’homme et la folie, p. 301

[2Ibid., p. 309.

[3Ibid., p. 313.

[4Henri Maldiney, « L’existant », dans Penser l’homme et la folie, p. 310.

[5Ibid., p. 320.

[6Ibid., « L’existence dans la dépression et la mélancolie, op. cit., p. 113 ; « L’existant », op. cit., p. 316.

[7Ibid., p. 304.

[8Maldiney, Aîtres de la langue et Demeures de la pensée, L’Âge d’homme, 1975, p. 130. Le « Pathei mathos », maxime de sagesse populaire qui devient un « savoir tragique » (Jaspers) avec Eschyle est souvent présente dans les textes de Maldiney. Voir : Aîtres de la langue…, p. 156 ; Penser l’homme et la folie, p. 385-386, p. 389 ; Regard, Parole, Espace, p.71.