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Dastur (1998:128-133) – dimensão sagrada do mundo

segunda-feira 11 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

detalhe

Nestes textos dos anos 30, trata-se, pois, de pensar conjuntamente a dimensão sagrada do mundo, a sua "instalação" como pro-dução da terra, e o mundo como lugar da historicidade de um ser coletivo singular. Temos aqui uma concepção do mundo que se situa algures entre o mundo humano ambiente de Ser e Tempo   e o mundo como Geviert   dos anos cinquenta. De um para o outro, passamos, de fato, de uma concepção transcendental   para uma concepção cosmológica do mundo, como sublinha Fink  , que considera que Heidegger, depois de Vom Wesen   des Grundes, fez um avanço na direção de uma concepção verdadeiramente cosmológica do mundo e como é também considerado por von Herrmann  , que sublinha, no livro fundamental que dedicou à interpretação que o próprio Heidegger faz do seu "ponto de viragem", que Heidegger passou de uma concepção "transcendental-existencial" do mundo para uma concepção "eksistencial-cosmológica" do mundo.

original

Dans De l’origine de l’œuvre d’art, le monde n’est plus compris comme Umwelt   quotidien, il est au contraire immédiatement défini comme l’ensemble des rapports dans lesquels les décisions essentielles d’un peuple, les victoires, les sacrifices et les œuvres, sont ajointées. Lorsque Heidegger écrit : « Le monde n’est jamais le monde de tout le monde d’une humanité en général et pourtant tout monde désigne toujours l’étant dans son ensemble » [1], cela rappelle étrangement le commencement d’un essai philosophique que Hölderlin   rédigea en 1799 et auquel on a donné par la suite le titre Das Werden   im Vergehen  , Le devenir dans le périr [2]. On y trouve l’idée que chaque monde historique fini contient « le monde de tous les mondes » et que l’infini ne peut être trouvé que dans le fini. Pour ce Dasein   historique qu’est un peuple, le monde est ce qui lui est dévolu comme tâche. Mais être ouvert à l’avenir suppose également l’ouverture à ce qui a eu lieu dans le passé. On retrouve ici la même structure d’historicité que celle qui gouvernait dans Être et temps l’existence du Dasein. Seul un peuple qui a un avenir peut aussi avoir un passé, ou plutôt un « être-été ». Avoir un monde pour un peuple, cela ne veut rien dire d’autre qu’être historique au sens que Heidegger donne dans Être et temps au mot Geschichtlichkeit  . [130]

[…]

Il s’agit donc dans ces textes des années trente de penser ensemble la dimension sacrée du monde, son « installation » en tant que pro-duction de la terre, et le monde en tant que lieu de l’historicité d’un être collectif singulier. On a là une conception du monde qui se trouve en quelque sorte à mi-chemin entre le monde ambiant humain de Être et temps et le monde comme Geviert des années cinquante. De l’un à l’autre, on passe bien en effet d’un concept transcendantal à un concept cosmologique de monde, comme le souligne Fink qui considère que Heidegger, après Vom Wesen des Grundes, a accompli une percée dans la direction d’un concept véritablement cosmologique de monde [3] et comme le considère également von Herrmann, qui souligne, dans le livre fondamental qu’il a consacré à l’interprétation que Heidegger a lui-même donné de son « tournant », que celui-ci est passé d’un concept de monde « transcendantalo-existential » à un concept de monde « eksistentialo-cosmologique » [4], ce qu’atteste le passage de la conférence prononcée par Heidegger en 1943 et intitulée « Alètheia » dans lequel le monde est identifié à l’événement de l’éclaircie, à l’Ereignis   der Lichtung   lui-même [5].

Cela ne veut pourtant pas dire que cet événement est indépendant du Dasein, mais au contraire que le Dasein continue à prendre part à l’événement du monde, qu’il est même « employé » (gebraucht) par lui, comme Heidegger l’explique dans son essai sur Anaximandre   qui date de la même époque que la Lettre sur l’humanisme [6]. Brauch, qui est la traduction que Heidegger donne de l’expression to khreon   qui apparaît dans la sentence d’Anaximandre, est selon lui le véritable nom de l’être et suppose une « prise en main » de l’homme [132] par l’être qui a certes « besoin » de l’homme, mais au sens où il en jouit, le mot Brauch qui signifie habituellement « besoin » en allemand pouvant être rapproché du frui latin, et ayant alors le sens de « délivrer quelque chose à son déploiement propre et le maintenir, en tant qu’ainsi présent, en ce maintien sauvegardant » [7].

Cela implique une transformation du sens même de l’être dans le monde comme Heidegger le souligne dans la Lettre sur l’humanisme [8]. L’ouverture du monde n’est plus « configurée » par l’homme, mais au contraire le monde s’ouvre de lui-même de telle manière qu’il ouvre en même temps l’être au monde de l’homme qui ne peut par conséquent absolument plus être considéré comme ce sujet demeurant en lui-même avant d’avoir une relation au monde. Son être « employé » par l’être est la marque de sa privation nécessaire de toute intériorité ou immanence qui pourrait encore faire de lui un être séparé. Le résultat de cette transformation du concept de monde n’est donc pas l’éradication du privilège du Dasein, mais une nouvelle compréhension de celui-ci. Dans la mesure où le monde demeure relié au Dasein, celui-ci ne se tient pas dans le monde comme les autres êtres, mais « participe » essentiellement à l’événement de l’éclaircie. Ce privilège de faire partie de l’événement du monde ne vient pas d’un pouvoir de dévoilement qui serait l’apanage de l’homme, mais il lui est octroyé par l’événement originairement dévoilant de l’éclaircie du monde.


Ver online : Françoise Dastur


DASTUR, Françoise. "Le concept de monde chez Heidegger après Être et temps", in Natalie Depraz (ed.). Monde(s). Fontenay-aux-Roses: Éd. Alter, 1998.


[1GA5:VF, p. 37. Welt ist nie Allerweltswelt einer allgemeinen Menschheit und doch meint jede Welt immer das Seiende im Ganzen.

[2Hölderlin, Œuvres, Paris, Gallimard, 1967, p. 651.

[3Fink, op. cit., p. 183.

[4F.-W. von Fîerrmann, Die Selbstinterpretation Martin Heideggers, Meisenheim am Glan, Anton Hain, 1964, p. 65.

[5M. Heidegger, Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 334 (noté par la suite EC).

[6M. Heidegger, « La parole d’Anaximandre » (1946), in Chemins qui ne mènent nulle part, op. cit., p. 387 sq.

[7Ibid., p. 443. L’allemand dit plus précisément : »Etwas seinem eigenen Wesen aushändigen und es als so Anwesendes in der wahrenden Hand behalten«.

[8LH, p. 133.