Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Caron (2005:26-27) – ser um eu e ser um si

terça-feira 21 de novembro de 2023

Pourtant, l’opinion   commune persiste dans l’optique illusoire qui l’incite à croire que chacun réalise, en se contentant d’être un moi, cet être-soi dont nous parle la courte parole de Delacroix. Chacun veut être soi : tout le monde veut être soi. Tout individu entend accéder à ce qu’il a en propre, à ce qu’il est en propre, à ce qu’il est lui et à ce qu’un autre n’est pas. Mais vouloir se distinguer de l’autre et accéder à la primauté de ce qu’on appelle « son propre soi », voilà chose qui demeure paradoxalement l’apanage de l’être-public par excellence, publicité qui encourage chacun à refuser toute mimétique afin de mieux accéder à l’originalité. Quoi de plus commun que d’aspirer à l’originalité ? Si le soi place le pôle principal de son être dans l’originalité, qui est l’attribut principal du moi idiosyncrasique, son accès à l’originarité semble compromis. Car originalité (moi) n’est pas originarité (soi). En effet, chaque moi voulant se couper des autres pour être soi, effectue en réalité le même acte de particularisation que tous ces autres moi qui, portés par une semblable pulsion d’insularité, agissent comme lui. Ainsi et finalement, le théâtre de la brigue d’une complète originalité se trouve être simultanément celui d’une chute inévitable et inconsciente dans le « non-soi » que l’on cherchait précisément à éviter. Chacun voulant être soi et visant l’accomplissement de son soi, agit au fond comme tout le monde, et par cet acte même de vouloir se séparer, unit son comportement séparateur à celui des autres. Chacun recherche, par opposition, la position de sa propre unité ontique, [27] de sa propre particularité, mais, comme a pu le remarquer Hegel  , « si la répulsion est considérée en elle-même, elle est, en tant que comportement négatif des plusieurs Uns les uns à l’égard des autres aussi bien essentiellement leur relation les uns aux autres. […] La répulsion est par suite aussi bien attraction ; et l’Un exclusif ou l’être pour-soi se supprime » [1].

L’appréhension du soi comme un moi, c’est-à-dire comme un étant, nous conduit à l’impasse : l’évanouissement de toute subjectivité dans le moment même où elle entend s’affirmer. Vouloir être soi, c’est donc repousser les autres, mais chacun repoussant l’autre, ce commun acte-de-se-repousser-des-autres constitue aussi bien le lieu d’un agir-de-la-même-manière. Hegel a cette puissante formule : « lorsque je dis moi, ce moi singulier-ci, je dis en général tous les moi ; chacun d’eux est juste ce que je dis : moi, ce moi singulier-ci » [2].

CARON  , Maxence. Pensée de l’être et origine de la subjectivité. Paris: CERF, 2005.


Ver online : Maxence Caron


[1Hegel, Enzyklopädie (1827-1830), § 98.

[2Hegel, Phénoménologie de l’Esprit. I, p. 86.