Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Brague (1988:44-46) – somos mundo, jamais aí entramos

terça-feira 6 de fevereiro de 2024

destaque

[…] Os gregos pensam na totalidade do que está presente, mas deixam de lado a totalidade da própria presença. A experiência da totalidade do estar presente e a experiência da totalidade como caraterística fundamental da presença do presente são duas. Com este último termo, refiro-me ao fato, suficientemente simples de observar, de que nunca estamos, nem podemos estar, meio presentes ao mundo, ou, inversamente, de que o mundo nunca está meio presente para nós. Mesmo que nunca percebamos tudo o que é sensível, mesmo que "não possamos pensar em tudo", mesmo, portanto, que o que está presente seja suscetível de mais ou de menos, a própria presença do presente nunca é partilhada. Estar no mundo não significa estar no meio das coisas que constituem a totalidade do que é, mas sim estar "totalmente" entre o que é. Porque estamos no mundo de um modo "total", nunca estivemos em relação com o mundo num exterior a partir do qual teríamos penetrado no seu interior. Pelo fato de estarmos no mundo de uma forma total, nunca estivemos, de certa forma, "no mundo". Podemos ver o que nos afasta a cem léguas da Gnose, e mesmo de qualquer mito da preexistência e da queda da alma: o mistério a desvendar não é o de como viemos a entrar no mundo, mas o de como nunca entrámos nele, de como sempre-já estivemos no mundo. É este o fenômeno que os gregos parecem não ter pensado.

original

[…] Les Grecs pensent la totalité de ce qui est présent, mais laissent de côté la totalité de la présence elle-même. Expérience de la totalité de l’étant présent et expérience de la totalité comme trait fondamental de la présence de ce qui est présent font deux. J’entends par ce dernier terme le fait, assez simple à constater, que nous ne sommes jamais, et que nous ne pouvons être à demi présents au monde, ou, réciproquement, que le monde n’est jamais présent à moitié pour nous. Même si nous ne percevons jamais tout ce qui est sensible, même si « on ne saurait penser à tout », même, donc, si ce qui est présent est susceptible de plus ou de moins, jamais la présence même du présent ne se partage. Être dans le monde, cela ne signifie pas être au milieu   de choses qui forment la totalité de ce qui est, mais bien être de façon « totale » parmi ce qui est. Parce que nous sommes au monde de façon « totale », nous n’avons jamais été par rapport au monde dans un dehors à partir duquel nous aurions pénétré à l’intérieur de celui-ci. Parce que nous y sommes de façon totale, nous ne sommes en un sens jamais « venus au monde ». On voit ce [45] qui nous emporte ici à cent lieues de la Gnose, et même de tout mythe de préexistence et de chute de l’âme : le mystère à élucider n’est pas de savoir comment nous avons bien pu entrer dans le monde, mais de constater que nous n’y sommes jamais entrés, que nous avons toujours-déjà été dans le monde. Tel est le phénomène dont il ne semble pas que les Grecs l’aient jamais pensé.

Sauf, peut-être, une fois. Regardons pour finir ce passage, dans lequel la pensée grecque paraît avoir approché d’une formulation du phénomène. Il s’agit d’une phrase de Plotin  . La plupart du temps, celui-ci reprend la doctrine platonicienne de la venue de l’âme dans le corps, dont il lui arrive, comme nous l’avons vu, d’appeler le résultat présence dans le monde. Le monde est alors une réalité extérieure à l’âme, qui pourrait (ou aurait pu) lui rester étrangère. Mais, en ce cas, elle ne serait pas âme, mais bien esprit (noûs  ). Par suite, l’âme est intrinsèquement mondaine, puisqu’elle est inséparable de l’existence du monde : sans l’âme, constituée par son propre détournement de l’esprit, pas de monde; et sans le monde comme objet dont la contemplation concupiscente détourne l’esprit de l’Un et le dégrade, pas d’âme. C’est cette conséquence, qui découle naturellement du reste du système, que Plotin semble tirer dans un unique passage. Le contexte immédiat est celui d’une justification de la Providence par la chute des âmes, chute dont les âmes sont responsables. C’est dans ce cadre que Plotin affirme des âmes que « ce n’est pas parce qu’il y avait un monde (κόσμος) qu’elles sont venues (έληλύθασιν), mais dès avant le monde (προ κόσμου), elles comportaient le fait d’être du monde (τό κόσμου εἶναι  ), d’en avoir souci (ἐπιμελεῖσθαι), de le produire, de l’administrer et de le rendre tel, que ce soit en y présidant et en lui donnant quelque chose qui vienne d’elles, ou en y descendant, ou que les unes fassent d’une façon, les autres d’une autre » (III, 2 (47), 7, 23-27). Si ce passage doit être traduit comme je le fais, c’est-à-dire d’une façon qui le pousse le plus possible dans la direction contraire à ma thèse de la méconnaissance de l’être-dans-le-monde [46] par la pensée grecque classique, alors il constituerait la préfiguration la plus nette de la doctrine selon laquelle ce que l’on pourrait se risquer ici à appeler « ego   transcendental   » sans trop verser dans l’anachronisme, à savoir l’âme d’avant le monde, est déjà intrinsèquement mondain. Plotin affirmant que l’âme est, pour ainsi dire, a priori   du monde, rejoindrait ainsi la fameuse question de Heidegger à son maître Husserl   : « Un monde en général n’appartient-il pas à l’essence de l’ego pur ? ».

[BRAGUE  , Rémi. Aristote   et la question du monde. Paris: PUF, 1988]


Ver online : Rémi Brague