Heidegger, fenomenologia, hermenêutica, existência

Dasein descerra sua estrutura fundamental, ser-em-o-mundo, como uma clareira do AÍ, EM QUE coisas e outros comparecem, COM QUE são compreendidos, DE QUE são constituidos.

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Brague (1988:27-28) – mundo (Welt)

sexta-feira 23 de junho de 2023

[…] deux concepts qui y occupent une place centrale, celui de nature (phyè, physis  ), pensée comme continuité, et celui d’univers (ouranos, kosmos  ). Dans les deux cas, tout se passe comme si ces concepts avaient, sinon pour moteur, du moins pour résultat, de recouvrir une certaine énigme du monde, qu’il nous faut maintenant poser. C’est bien dans le concept de « monde » que se trouve le mystère, et c’est lui qu’il convient d’abord d’éclaircir. Pour ce faire, il semble opportun de partir de quelques déclarations de Heidegger, selon lequel l’ontologie   passée n’a jamais cessé de sauter [27] par-dessus le phénomène du monde [1]. Une telle affirmation semble à première vue une énormité, tant que l’on ne distingue pas le concept proprement phénoménologique du monde de celui de nature qui se glisse le plus souvent à la place de celui-ci. Heidegger ne nie pas — ce qui serait nier l’évidence — que la pensée grecque se soit occupée avant tout — en tout cas dans son courant dominant [2] — de l’univers physique. Au contraire, il l’affirme, et il va jusqu’à soutenir que cet univers n’est pas seulement l’objet privilégié de l’ontologie ancienne, mais qu’il en est le fil conducteur. L’ontologie grecque, pour lui, « est orientée avant tout à partir du cosmos ». Le cosmos est non seulement un thème principal de fait; il est aussi un paradigme pour la saisie de tout ce qui est — et aussi de tout ce qui n’est pas cosmos. L’ontologie antique fait fond sur ce qui se rencontre à l’intérieur du monde pour interpréter tout ce qui se présente comme étant. Mais quelle que soit l’autorité souveraine attribuée au « monde », celui-ci ne désigne pour les Grecs que ce qui se trouve à l’intérieur du monde, alors que le phénomène du monde reste ignoré. Celui-ci ne désigne rien de mondain, rien de cosmique, mais ce « dans » quoi vit le Dasein   que nous sommes [3]. Le monde est ainsi un caractère du Dasein, et non des [28] choses, encore moins leur ensemble ordonné. Il n’apparaît donc que là où est pensé notre être-dans-le-monde. Cet être-dans-le-monde, les Grecs l’ont-ils pensé ?


Ver online : Rémi Brague


[1Sein und Zeit, 65 : « Un coup d’œil sur ce qu’a été jusqu’à présent l’ontologie montre que la façon dont elle manque l’être-dans-le-monde comme constitutif de l’être-là s’accompagne d’un saut qui lui fait enjamber sans le voir le phénomène de la mondanité » ; Grundprobleme der Phänomenologie (GA24), 234 : « Le concept de monde et le phénomène qui est désigné par là sont ce qui, jusqu’à présent, n’a jamais été reconnu dans la philosophie en général. » Cette méconnaissance n’est en rien le propre des Grecs, mais elle remonte jusqu’à l’origine grecque de la philosophie, moment auquel le concept de monde a été masqué par celui de « nature » (cf. Prolegomem zur Geschichte des Zeitbegriffs (GA20), 231, 250). Cf. aussi Grundprobleme…, 162; Sein und Zeit, 44; Logik (GA21), 78. Pour le contexte, cf. Brague (1983) et (1984b).

[2Cette restriction prudente indique que la pensée grecque est ici prise en vue dans ce qui, en elle, a déterminé une postérité qui s’étend jusqu’à nous. On peut au contraire dégager des courants qui ne se laissent pas ramener à du cosmologique, par exemple dans l’épicurisme. Encore faut-il que le modèle ontologique permettant de penser ce qui n’est pas cosmique ne soit pas lui-même emprunté au cosmos.

[3Le concept de monde sur lequel s’appuie ici Heidegger n’est pas le concept grec, il serait plutôt germanique, puisque le sens où il est pris est celui que suggère l’étymologie des termes se traduisant par « monde » dans ces langues : Welt, world, et, plus nettement, le néerlandais wereld, qui associent un premier élément signifiant « homme » (latin vir) et un second signifiant « âge » (anglais old). Le terme a donc commencé par signifier, justement, ce dans quoi l’homme se trouve tant qu’il est en vie — quelque chose, donc, comme le grec aiôn, dont l’évolution sémantique a été différente, mais que son rôle comme traduction de l’hébreu ’ôlâm, à l’époque hellénistique, fit frôler assez souvent le sens de « monde » (cf. Lewis (1967), chap. 9).