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Birault (1978:472-475) – a essência da verdade é a liberdade

sexta-feira 22 de dezembro de 2023, por Cardoso de Castro

destaque

A afirmação de Heidegger de que a liberdade é a essência da verdade não tem o sentido moderno e, se quisermos, existencialista que lhe queremos dar. Longe de [474] pensar a verdade a partir da liberdade, Heidegger não tardará a relacionar essa mesma liberdade com uma verdade mais originária que a da proposição: a verdade ou a iluminação do ser, o deixar-ser do ser do ente. Podemos já adivinhar que a liberdade como deixar-ser é mais respeitadora do ser das coisas do que o poder plástico de uma compreensão constitutiva ou de uma vontade legisladora. A teoria heideggeriana   da liberdade não é menos estranha a qualquer ideia de criação do que a qualquer ideia de constituição. Mas, por outro lado, é evidente que não se trata de regressar às formas passadas do realismo dogmático ou daquela ingenuidade que Nietzsche   qualificou de hiperbólica. A liberdade, tal como Heidegger a entende, escapa às definições tradicionais de liberdade. Não é definida em termos de contingência, necessidade ou espontaneidade. Ela deixa ser: este deixar ser é de fato um deixar, mas é também um deixar ser. A liberdade", escreve Heidegger, "não é apenas aquilo que o senso comum gosta de fazer passar por este nome: o capricho que por vezes surge em nós para inclinar a nossa escolha para este ou aquele lado. A liberdade não é uma simples ausência de constrangimento nas nossas possibilidades de ação ou inação. Mas a liberdade não é, antes de mais, uma questão de estar disponível para uma exigência ou uma necessidade (e, portanto, para um ente qualquer). Antes de tudo isso (antes da liberdade "negativa" ou "positiva"), a liberdade é a entrega à revelação do ser enquanto tal.

original

Ce qui mérite d’être considéré comme l’essence de la vérité, Vom Wesen   der Wahrheit   l’appelle liberté. D’où la sentence soulignée par Heidegger lui-même : « L’essence de la vérité est la liberté. » [1]

Cette formule, nous le savons déjà, est à l’origine de bien des contresens. Heidegger dit tranquillement tout le contraire de ce que nous sommes habitués à entendre. Est vrai, nous l’avons assez répété, ce qui est conforme à la chose même, à [473] l’être de l’étant, à l’étant tel qu’il est. Mouvement toujours à la fois régressif et transgressif de la proposition vraie. « Tel qu’il est » signifie, en effet, tel qu’il était déjà avant l’énoncé et tel qu’il pourrait être encore en dehors de l’énoncé. Toutes les philosophies du monde ne pourront rien y changer : le vœu le plus cher de la connaissance est un vœu d’innocence et de renoncement. Ne rien faire aux choses, ne pas les altérer, ne pas les abîmer, ne pas « y mettre du sien ». Non, rien de tout cela, mais un regard un peu plus attentif seulement pour les garder, et pour les garder saines et sauves. Passivité, si l’on veut, mais passivité voulue et souvent glorieuse.

Et voici que la vérité semble chavirer dans l’arbitraire et dans les caprices d’une liberté purement humaine. A moins, bien sur, que Heidegger n’ajoute ici une évidence à une autre. L’évidence initiale faisait de la vérité la conformité d’une proposition avec la chose au sujet de laquelle elle s’énonçait; l’évidence qui pourrait la compléter se bornerait à rappeler que nous restons toujours libres d’accomplir cette action, de consentir à une vérité ou de la refuser, de la communiquer ou de nous l’approprier.

Mais non, il ne s’agit pas de cela. Notre première surprise était mieux fondée que cette évidente banalité. Il faut en prendre son parti, Heidegger bouscule toutes les évidences du sens commun. Heidegger étonne, Heidegger retourne à l’élémentaire. Et l’élémentaire ici, c’est l’essence même de la vérité (et bientôt aussi de l’errance ou de l’erreur). Parce que la vérité semble d’abord devoir nous échapper, les philosophes depuis longtemps s’interrogent sur les possibilités d’une conciliation entre la nécessité — voire même l’éternité — du vrai et la contingence ou le libre arbitre de la volonté. Querelle des anciens et des modernes. Les uns cherchent cette conciliation aux dépens de la liberté ou d’une forme réputée inférieure de la liberté, les autres aux dépens de la vérité et de son apparente naïveté. Les uns et les autres ne sont guère convaincants. Les premiers sacrifient la liberté, les seconds la vérité. Pour les uns, il n’y a dé « véritable » liberté que dans la reconnaissance de la vérité ou de la nécessité. Pour les autres, au contraire, la vérité n’est plus que le satellite de la subjectivité pensante seule constitutive d’une objectivité foncièrement subjective : révolution copernicienne, abaissement de la connaissance et redressement du sujet connaissant, montée du nihilisme, exaltation de la volonté de puissance.

L’affirmation heideggérienne selon laquelle la liberté est l’essence de la vérité n’a pas la signification moderne, et si l’on veut, existentialiste qu’on veut lui donner. Bien loin de [474] penser la vérité à partir de la liberté, Heidegger rapportera bientôt cette liberté elle-même à une vérité plus originelle que celle de la proposition : la vérité ou l’éclairement de l’être, le laisser-être de l’être de l’étant. On devine déjà que la liberté comme laisser-être est plus respectueuse de l’être des choses que le pouvoir plastique d’un entendement constituant ou d’une volonté législatrice. Étrangère à toute idée de création, la théorie heideggérienne de la liberté ne l’est pas moins à toute idée de constitution. Mais d’autre part, il ne s’agit évidemment pas non plus de retourner vers les formes révolues du réalisme dogmatique ou encore de cette naïveté que Nietzsche qualifiait d’hyperbolique. La liberté telle que l’entend Heidegger échappe aux définitions traditionnelles de la liberté. Elle ne se définit ni en termes de contingence, ni en termes de nécessité, ni en termes de spontanéité. Elle laisse être : ce laisser-être est bien un laisser, mais c’est aussi un laisser être. « La liberté, écrit Heidegger, n’est pas seulement ce que le sens commun aime à faire passer sous ce nom : le caprice qui parfois surgit en nous de faire pencher notre choix de tel ou tel côté. La liberté n’est pas une simple absence de contrainte relative à nos possibilités d’action ou d’inaction. Mais la liberté n’est pas non plus d’abord une disponibilité à l’égard d’une exigence ou d’une nécessité (et donc d’un étant quelconque). Avant tout cela (avant la liberté “ négative ” ou “ positive   ”), la liberté est l’abandonnement au dévoilement de l’étant comme tel. » [2]

L’étrangeté de cétte liberté nous permet de comprendre aussi la contestation nécessaire de certaines évidences non plus relatives, cette fois, à la vérité mais à l’erreur. Jusqu’à maintenant tout le monde, en effet, imputait à l’homme et à sa liberté la fausseté et l’hypocrisie, le mensonge et la tromperie, l’illusion   et l’apparence. Non libre et d’une certaine manière non responsable en face du vrai et de sa nécessité propre, l’homme doit être responsable de ses erreurs. Dans cette perspective, la liberté ne serait pas l’essence ou le fondement de la vérité, mais l’essence ou le fondement de l’erreur. Ainsi, pour Descartes   par exemple, il ne dépend pas de nous de tout connaître, car notre entendement est fini [475] comme tout être créé. Mais il dépend de nous de ne jamais nous tromper, car, pour fini que soit notre entendement, il est cependant parfait en son genre comme toutes les choses qui sont sorties de la main de Dieu.

L’erreur passe pour être le contraire de la vérité. L’erreur est le fait de la liberté. N’est-ce pas là une preuve a contrario que l’essence de la vérité ne peut d’aucune façon dépendre de la liberté? Mais, si importante se révélera la correction heideggérienne du concept de la liberté, qu’elle nous conduira vers des conclusions toutes différentes. Bilan provisoire et encore équivoque de Vom Wesen der Wahrheit. Double nouveauté : Heidegger reconduit la vérité vers une liberté qui nous possède plus que nous ne la possédons, Heidegger nous décharge en revanche des formes primitives et essentielles de l’erreur, de l’errer ou de l’errance. Cette nouvelle théorie de la vérité est donc bien aussi la première grande théorie d’une erreur originelle et indélébile.


Ver online : Henri Birault


BIRAULT, Henri. Heidegger et l’expérience de la pensée. Paris: Gallimard, 1978


[1Ibid., § 3, p. 81 : « Das Wesen der Wahrheit ist die Freiheit. »

[2Heidegger, Wegmarken. Vom Wesen der Wahrheit, § 4, p. 84 : « Freiheit ist nicht nur das, was der gemeine Verstand gern unter diesem Namen umlaufen lässt: das zuweilen auftauchende Belieben, in der Wahl nach dieser oder jener Seite auszuschlagen. Freiheit ist nicht die Ungebundenheit des Tun- und Nichttunkönnens. Freiheit ist aber auch nicht erst die Bereitschaft für ein Gefordertes und Notwendiges (und so irgendwie Seiendes). Die Freiheit ist alldem (der “ negativen ” und “ positiven ” Freiheit) zuvor die Eingelasscnheit in die Entbergung des Seienden als eines solchen. »