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Philosophies de la communication

Schérer (1971:9-12) – Généralités sur la communication

Élucidation theorique des fondements de la communication

quinta-feira 26 de março de 2009, por Cardoso de Castro

Il y a peut-être une interrogation existentielle concernant la possibilité et la profondeur de toute communication humaine; mais avant de nous poser la question: « une communication « vraie » est-elle possible ? », partant d’une expérience courante de la communication déposée dans le langage, exigée par des disciplines comme la sociologie   ou l’histoire, nous devons nous demander comment cette communication triviale, qui semble aller de soi, est possible.

Les problèmes philosophiques auxquels conduit l’idée d’une science positive   de la communication paraissent être d’abord ceux d’une théorie de la connaissance. De quelque manière en effet que nous envisagions une expérience psychique ou des lois de type logico-mathématique de la communication, elles impliquent une présupposition épistémologique : la possibilité pour un sujet de n’être pas limité au « contenu » de la conscience interne, de pouvoir se prononcer sur un accord entre les consciences. Comment cette sortie de soi, cet accord, sont-ils possibles ? Il y a peut-être une interrogation existentielle concernant la possibilité et la profondeur de toute communication humaine; mais avant de nous poser la question: « une communication « vraie » est-elle possible ? », partant d’une expérience courante de la communication déposée dans le langage, exigée par des disciplines comme la sociologie   ou l’histoire, nous devons nous demander comment cette communication triviale, qui semble aller de soi, est possible.

Ce retour à des conditions de possibilité, contemporain d’une conversion de l’esprit scientifique vers des sciences dites « de l’homme » recouvre un vaste champ de recherches qui gardent encore toute leur actualité, car il s’en faut qu’elles aient abouti à des conclusions et à des concepts définitifs. Les conditions dans lesquelles elles ont pris naissance, celles d’une société qui accède à la conscience de son universalité et, tout à la fois, de son déchirement en conflits et en expériences humaines hétérogènes, sont les conditions de notre vie présente.

Les concepts sous lesquels les sciences humaines ont subsumé leur objet au cours de leur développement spontané ne peuvent échapper à une réflexion critique. Celui de « conscience collective », celui de « structure inconsciente », valables provisoirement comme hypothèse, n’ont pas acquis pour autant une validité philosophique. La conscience et l’inconscient gardent-ils encore leur sens, détachés de l’individu qui est le lieu de leur réalité psychologique ? Aux concepts globaux de la sociologie, la psychologie   a opposé les inter-réactions des consciences individuelles : elle a prétendu résoudre les premiers en de multiples rapports de communication. Ainsi a-t-on vu s’affronter une psychologie collective et une sociologie, celle-ci devant trouver en dernière analyse son seul fondement dans une interprétation également psychologique du lien interhumain.

Cependant la psychologie n’exige-t-elle pas elle-même, pour être capable de définir fa relation, une modification de ses méthodes et de ses concepts qui l’enferment traditionnellement au sein   de la conscience interne et qui, par suite, rendent incompréhensible la « première communication » à partir de laquelle on entend fonder « le social » ? Une théorie valable de la connaissance ne peut donc se satisfaire d’une telle opposition. Si nous voulons dépasser le conflit entre concepts globaux et réduction à un atomisme psychologique, et élucider, même au niveau de l’individu, les communications qui définissent les rapports sociaux, il est nécessaire de recourir, sur le plan de l’expérience et sur celui du concept, à une critique radicale de ce qui est constamment présupposé.

Historiquement, c’est dans le cadre de la critique kantienne que des problèmes de cet ordre ont pris naissance. Mais d’un kantisme qui a dû, pour s’adapter à ses nouvelles tâches, être profondément transformé. En effet, une critique kantienne de la connaissance, appliquée dans sa littéralité, semble éliminer le problème en question : elle enferme le sujet en lui-même et lui interdit cette « sortie de soi » que la communication exige; la relation propre du sujet et du monde de l’expérience est une relation d’objet. Les idées, les sentiments attribuables à d’autres sujets, c’est en lui-même que le sujet absolu du savoir les découvre, dans sa structure. La pluralité des sujets ayant statut de réciprocité est une exigence de la raison, mais le sujet de l’expérience psychologique est soumis, comme tout objet, aux conditions de l’expérience en général. Deux plans distincts sont ainsi définis : une communauté des sujets « nouménaux », dont la communication est posée comme universelle en droit par un postulat pratique, et un monde des communications particulières, celui des sujets empiriques, limités dans leur perception interne et dans leur corps. Entre les deux, c’est-à-dire dans le passage entre la communauté en droit universelle et la pluralité de fait des perspectives, la théorie de la connaissance ne laisse place à aucun mode spécifique d’appréhension d’autrui, donc à aucun fondement intelligible de la communication qui s’établit entre individus existant réellement.

Qu’en est-il de cette existence réelle ? Elle est celle de la société et de l’histoire, de la pluralité des sujets et de leur expression temporelle. Est-ce le « sujet pur » qui est ainsi dans te temps, ou sont-ce les sujets psychologiquement définis ? La limitation de fait du sujet pur ne réside-t-elle pas justement dans la communication réelle et temporelle, à moins qu’elle ne consiste en l’impossibilité même d’une communication, qui le met en présence d’expériences autres que la sienne, et qu’il n’aurait pu, en lui, découvrir?

Ces questions exigeaient un remaniement profond de la doctrine, sinon de l’attitude critique. Il fallait que la critique fût apte à prendre comme terme dernier de référence, non seulement le sujet pur, absolu, mais le sujet temporel de la vie. Dans ce mouvement, la rupture entre le temporel et l’intemporel, le pur et l’empirique, ne pouvait être maintenue. Et cependant la contamination nécessaire du sujet kantien par des concepts psychologiques n’est-elle pas une trahison de l’esprit du kantisme, ne rend-elle pas incertaine la légitimité de l’attitude critique elle-même?

Comme préliminaire à cette étude, et parce que nous aurons maintes fois l’occasion de nous référer à elle, nous dirons quelques mots de la notion d’intropathie (Einfühlung  ) par laquelle s’est trouvé brisé le cadre de la description psychologique de la conscience interne individuelle.


Ver online : René Schérer